Nouveau-Brunswick
Vignes sauvages , Vignes sauvages (Vitis riparia), vallée de la rivière Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. , Kevin Leonard, B. Wallace photo collection
Une suggestion retenue, notamment en raison des découvertes faites sur le site de L’Anse aux Meadows, consiste à croire que le Vinland était constitué des terres côtières longeant le Golfe du Saint-Laurent et que le Hóp se trouvait dans la région de Miramichi et de la baie des Chaleurs au Nouveau-Brunswick. Cette hypothèse tient pour acquis que le Vinland est une « terre », sur laquelle se trouvaient deux sites d’exploration ou plus, tout comme le Groenland et l’Islande sont des « terres » comptant de nombreuses colonies.
La découverte de trois noyers cendrés et d’une pièce de noyer cendré à L’Anse aux Meadows a incité les archéologues à considérer le Nouveau-Brunswick comme un lieu où aurait possiblement pu se trouver le Vinland. Le noyer cendré est une espèce nord-américaine de noyer. Elle est souvent appelée noyer blanc et son nom latin est Juglans cinerea. Le morceau de noyer cendré était un nœud; en vieux norrois, nœud se dit mösurr.
Le noyer cendré pousse dans les forêts de feuillus et nécessite une saison de croissance longue et chaude. Il n’en a jamais poussé à Terre-Neuve. La région la plus près où on le retrouve à l’état sauvage se situe au nord-est du Nouveau-Brunswick. Il pousse également dans la vallée du Saint-Laurent et même jusqu’à Baie-Saint-Paul, située à l’est de Québec. Les noyers cendrés ne sont pas natifs de l’Île-du-Prince-Édouard ni de la Nouvelle-Écosse, bien que certains y aient été plantés à l’époque moderne.
Il semble que les noix n’aient pas été charriées jusque sur le site par les courants marins, puisqu’elles absorbent l’eau et coulent après une longue immersion. Selon les archéologues, ce sont des gens qui les auraient apportées là-bas. Depuis que tous ces éléments en noyer cendré ont été associés avec les artéfacts nordiques, il paraît évident que ce sont les Scandinaves qui ont apporté ces noyers cendrés et ce morceau de noyer cendré à L’Anse aux Meadows.
Dans la partie est du Nouveau-Brunswick, la période de croissance est longue car les étés y sont chauds et les hivers froids. Contrairement à Terre-Neuve et à la partie de la Nouvelle-Écosse donnant sur l’Atlantique, on trouve à l’est du Nouveau-Brunswick d’immenses forêts de feuillus où poussent des érables, des chênes rouges, des hêtres, des ormes et autres arbres à feuilles caduques, lesquels ne poussent pas à Terre-Neuve. La plupart de ces forêts ont été rasées après le début de la colonisation européenne au début du dix-septième siècle. Elles ont été remplacées par des forêts de conifères, mais les peuplements de feuillus demeurent en prédominance. Durant l’été, le climat et l’environnement font que cette région ressemble plus à l’Europe méridionale qu’aux paysages nordiques auquel les peuples nordiques sont habitués.
Les archéologues ont noté un autre aspect important du noyer cendré : il pousse dans les mêmes régions que la vigne sauvage. Les fruits des deux végétaux mûrissent à la même période, fin septembre ou début octobre. Quiconque a cueilli les noix de noyer cendré a forcément vu les raisins par la même occasion.
L’est du Nouveau-Brunswick est particulièrement réputé pour ses longues barres sableuses le long de la côte. Derrière les barres de sable se trouvent des lagunes à marée dont l’eau est peu profonde et la température est la plus chaude au nord de la Virginie. D’importantes rivières comme la Kouchibouguac, la Miramichi et la Restigouche se jettent dans ces lagunes. La Miramichi se rend jusqu’à 250 km à l’intérieur des terres et se ramifie en plusieurs bras à 35 km de la côte. Le long du bras sud-ouest se trouve un riche peuplement de noyers cendrés et d’autres feuillus.
La vigne sauvage, Vitis riparia ou vigne des rivages, pousse aux abords de la rivière malgré les coupes qui ont réduit les talles au cours des siècles. Il pousse aussi de la vigne près de l’embouchure de la rivière Restigouche, laquelle se déverse dans la baie des Chaleurs. Près de ses rives se trouve une plante commune, l’Elymus mollis, cousine nord-américaine de la melr européenne, l’Elymus arenarious ou « élyme des sables ». Il y a aussi l’élyme de Virginie, Elymus virginicus.
Les explorateurs du Vinland rapportent qu’ils ont rencontré des autochtones ou Skraelings, comme ils les appelaient. La région de Miramichi est, et a été pendant plusieurs milliers d’années, le domicile de grandes populations indigènes de l’est du Canada. Le village de Metapenagiag, aussi appelé Red Bank, situé au confluent des deux bras principaux de la Miramichi, existe depuis au moins 3000 ans.
Les noyers cendrés et les vignes fournissent des preuves concrètes de l’hypothèse voulant que le Nouveau-Brunswick soit le Vinland, mais il en pousse aussi dans les régions au sud du Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Angleterre et dans des régions encore plus au sud. Ainsi, les noyers cendrés et les vignes ne peuvent permettre à eux seuls d’établir que les Scandinaves sont venus au Nouveau-Brunswick, mais ils prouvent que les Vikings se sont aventurés au sud de Terre-Neuve.