Témoignage
Fait devant une commission nommée parSon Honneur le lieutenant gouverneur en conseil,
Pour enquêter sur la gestion de
L’asile d’aliénés Mount Hope.
HÔPITAL D’ALIÉNÉS,
Mercredi 9 mai 1877.
[…]
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[…]
M. D. Farrell, fait la déclaration suivante sous serment : --
[…]
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[Au sujet du système de protection contre les incendies de l’hôpital, il a écrit la lettre qui suit]
L’Hon. Robert Robertson,
Comm. des mines et des travaux publics,
« Monsieur,--Il y a environ cinq mois, j’ai attiré votre attention sur l’inefficacité totale du service d’incendie de l’hôpital d’aliénés.
« L’alimentation en eau provenant du déversoir d’un lac est entièrement inadéquate pour les besoins de l’institution et je suis d’avis, par conséquent, qu’il doit y avoir de sérieuses anomalies dans les installations.
« Dans le pavillon des hommes, les robinets auxquels s’alimente le boyau n’étaient pas, lors d’un essai mené samedi dernier, en état de fonctionner, et ne l’ont jamais été aussi loin que les employés puissent se rappeler. J’en ai trouvé un rempli de chaux et de savon pour l’empêcher de couler, et tous les autres étaient dépourvus de poignée. Dans le bâtiment central, un seul pouvait être ouvert et dans le pavillon des femmes, plusieurs étaient sous clé et il n’y avait qu’une clé, et c’est le réparateur qui l’avait en sa possession, lui qui doit souvent s’absenter et qui réside dans un bâtiment séparé.
« Il n’y avait pas de clés à écrous, et les gardiens n’avaient jamais reçu de formation de pompier afin d’acquérir les connaissances nécessaires pour pouvoir accomplir ce devoir des plus essentiels en cas d’accident. Il est vrai qu’on s’est procuré six ou huit boyaux qui n’ont jamais, d’après ce que j’ai appris, été connectés. Puisque l’hôpital est si isolé et éloigné de tout, j’ai donc tenté de temps en temps, depuis ma première visite, de faire comprendre au directeur la nécessité de bien organiser le service d’incendie, et puisque son dernier rapport trimestriel pourrait vous porter à croire que cela a été fait et qu’ils « sont prêts à faire face à n’importe quelle urgence », je crois qu’il est de mon devoir d’attirer de nouveau votre attention sur cette affaire.
Je demeure votre dévoué serviteur,
D. FARRELL,
Comen visite
[…]
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[…]
[Au sujet de la qualité de la nourriture, Farrell déclare] Mon rapport (10 nov.) continue comme suit :--
« Le beurre qui a été livré aujourd’hui n’est pas un bon produit, il a été mal réemballé, puisqu’il a d’abord été acheté en petites quantités dans un magasin de campagne, et est impropre à la consommation. La mélasse est brûlée et très foncée; quant au sucre, un des barils est seulement bon pour être raffiné et les deux autres sont remplis de moscovade de mauvaise qualité.
« Les provisions que l’hôpital s’est engagé par contrat à se procurer devaient être de la meilleure qualité, et je dois dire que les aliments de base, que j’ai examinés de temps à autre depuis ma première visite à l’institution, n’ont pas du tout répondu à ce critère. »
Du beurre de sortes et de couleurs différentes était dans le même pot sans même avoir été mélangé. J’ai amené la mélasse et le sucre à la maison de la douane, et les ai montrés à M. Paw. Il a dit qu’un des barils n’était bon qu’à être raffiné, et que l’autre était de catégorie No 13. Un jour, j’ai dit à M. Downey : « Ces provisions ne sont pas ce qu’elles devraient être », mais il a répondu « Regardez le prix qu’on les a payées ». J’ai dit « vous et moi n’avons rien à voir là-dedans ». Il a commencé à discuter du problème, il m’a dit que M. Robertson avait dit de ne pas faire d’histoire même si les provisions étaient dans des conditions à peine acceptables. Je me suis évidemment aperçu, selon ce que je pouvais en juger, que des pressions extérieures s’exerçaient dans cette affaire de provisions, et j’ai noté dans mon rapport : « Les provisions que l’hôpital s’est engagé par contrat à se procurer devaient être de la meilleure qualité, etc. » (voir plus haut).
M. Dustan, M. Ross et moi-même sommes venus après que j’aie déclaré les provisions impropres à la consommation et je crois que M. Robertson était avec nous. Quoi qu’il en soit, il était présent et il les a inspectées. Une partie a été retirée et une autre partie a servi à ravitailler les pavillons. Il n’aurait pas dû en être ainsi. Downey a expliqué qu’il n’avait pas d’autres provisions pour les pavillons. Aucun commissaire n’avait l’habitude d’écrire la journée même de sa visite. Je le faisais souvent le lendemain de ma visite. M. Dustan m’a demandé de laisser un espace pour lui, et il a plus tard écrit le rapport qui suit, qui a été inséré dans le livre après que j’aie écrit le rapport suivant. Il est daté du 13 nov. 1876 :
« Les commissaires de l’hôpital et M. Robertson, commissaire des mines et des travaux, se sont rencontrés à l’hôpital aujourd’hui dans le but d’examiner les dernières provisions en réserve envoyées par le fournisseur, lesquelles, selon M. Farrell, étaient de qualité inférieure et ne respectaient pas les termes du contrat. Avons visité les réserves et constaté que la mélasse était dans l’état décrit par M. Farrell et avons ordonné de la retourner au fournisseur. Le sucre, le beurre et le thé avaient déjà été retournés et remplacés par des aliments de meilleure qualité. Les aliments contenus aujourd’hui dans la réserve, bœuf, beurre, thé et sucre, sont d’excellente qualité, bien que le sucre ne soit pas du moscovade de la "meilleure qualité". »
(Signé) Geo. G. DUSTAN.
[…]
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[…]
C’est à mon grand regret que je dois parler de la condition des lits. En passant par les pavillons, j’ai remarqué à l’occasion qu’on faisait de la lessive dans les baignoires. Il est contraire aux règlements de laver quoi que ce soit dans les pavillons. […] Dans quatre des pavillons, j’ai constaté que les lits étaient dans une très mauvaise condition, si mauvaise dans certains pavillons, les matelas étaient si imprégnés, la couleur de la paille si foncée, qu’ils devaient avoir été dans cet état depuis un long moment. La partie inférieure des lits était également trempée, et en ce qui concerne les housses de matelas, si elles avaient été jetées à la rue, même une personne de couleur n’aurait pas osé les ramasser tellement elles étaient en mauvais état. Je fais cette déclaration solennelle sous serment, en tant que commissaire en visite dans cette institution.
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Q. Bien sûr, tous les lits ne devaient pas être dans cet état? Combien d’entre eux l’étaient?
R. Je ne pourrais jurer combien exactement. Je ne jurerais pas qu’il y en avait moins de vingt de trempés. Il y en avait peut-être sept ou huit en très mauvais état, en ce qui concerne les lits mouillés. En fait, j’ai attiré l’attention du Dr Fraser sur un en particulier dont le bas de la housse était couvert de moisissure blanche. J’ai dû utiliser mon bâton, comme on utiliserait une fourche, pour retourner la paille, elle était tellement dure et compacte. J’ai appelé ça un tas de fumier.
Q. À quel moment de la journée est-ce arrivé?
R. Tard en après-midi.
Q. Ont-ils été refaits à ce moment-là?
R. Ils étaient tous recouverts de couvre-lits. Ils devaient être refaits pour la nuit.
Je vais maintenant vous lire ce que j’ai écrit à ce sujet. Après avoir vu l’état des lits, je suis allé voir le docteur. Il était dans son bureau. Je lui ai dit : « Docteur, j’ai vu les lits et je n’ai jamais rien vu dans un tel état. Ils étaient trempés et sales, et pour le bien de cette institution, je ne l’inscrirai pas dans mon livre ». J’ai écrit ce qui suit dans mon rapport du 18 novembre au sujet de cette affaire.
« Dans plusieurs des pavillons pour hommes, les lits sont entièrement faits de paille, et là où c’est le cas, je recommanderais une plus grande quantité de housses pour les matelas puisque celles présentement utilisées sont dans un état absolument lamentable. »
C’est le seul rapport que j’ai écrit à l’époque en lien avec l’état des lits. Je ne me serais jamais attendu à voir cela dans aucune institution. Je suis retourné chez moi et j’ai à peine pu dormir cette nuit-là. À ce moment, j’avais constamment en tête la pensée que ma fille s’était déjà retrouvée dans un établissement comme celui-là et je ne pouvais chasser de mon esprit l’idée qu’elle avait peut-être été traitée de la même façon. Au cours des quelques jours qui ont suivi, j’étais dans un tel état que je ne pouvais pas sortir et je crois que mon malaise était dû, en grande partie, à ce que j’avais vu. Je suis revenu le jeudi suivant et j’ai fait venir M. McNab, la personne à qui la faute était en grande partie imputable, le surveillant des pavillons pour hommes, pour qu’il fasse le tour du pavillon, en compagnie du Dr Fraser. Nous avons procédé à une inspection complète des lits. Le Dr DeWolf, durant ce temps, était à la campagne. Mon rapport concernant cette visite se lit comme suit (23 nov. 1876) :
« Cet après-midi, en présence du médecin assistant (le Dr DeWolf étant absent puisqu’il est à la campagne depuis lundi) et de M. John McNab, un des surveillants, j’ai ordonné une inspection complète des lits dans les pavillons pour hommes, et bien que l’état de plusieurs lits se soit amélioré depuis ma dernière visite, les choses sont encore dans un état -- que je ne ferai que mentionner ici puisque j’ai déjà communiqué les faits au commissaire des mines et des travaux -- qui ne fait absolument pas honneur à l’institution. »
Q. Cette communication a-t-elle été faite par écrit?
R. Je suis allé voir M. Robertson et je lui ai raconté ce que j’avais vu.
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J’ai senti que c’était mon devoir de le faire. Je suis allé voir M. Hill par la suite. J’en ai également parlé à M. Jones et à quelques autres personnes, incluant mon fils. J’en ai parlé au père Woods à Dartmouth en présence du Dr Fraser le dimanche soir suivant. Le Dr Fraser n’a jamais dit que les détails essentiels de ma déclaration étaient faux. Il n’a jamais nié les faits d’une quelconque façon. Vous pouvez interroger le père Woods. J’ai cru comprendre depuis que ces faits ont été niés, mais je souhaite spécifier ce qui a été fait entre temps. Ce que je reprocherai surtout au gouvernement est ceci : de ne pas être intervenu immédiatement et de ne pas avoir mené d’enquête. J’ai cru avec certitude que le gouvernement était responsable.
Q. Avez-vous apporté l’avis au directeur?
R. Certainement.
Q. L’avez-vous fait lors de votre première visite?
R. Il a été la première personne que j’ai vue. Je le lui ai communiqué. Cinq jours plus tard, j’ai constaté qu’il y avait eu des améliorations. La première fois, je me suis contenté de les ouvrir sans tous les retourner. Mais la deuxième fois, j’ai fait retourner presque tous les lits. Il y avait deux couteaux dans un des lits, et un dans un autre -- une bonne quantité de pain moisi et de viande partiellement mangée, des os, des souliers, de vieilles chaussettes, des bouts de couvertures et autres choses du genre mêlées avec la paille, et d’autres choses encore sous les housses. Depuis ce temps, les lits ont été très bien entretenus, en fait. Il n’y a qu’un seul matelas dans la majorité des pavillons. Certains patients ont des matelas en crin. Le fond des cadres de lits est généralement fait en planches.
[…]
Les lits devaient avoir été dans les conditions que j’ai décrites pendant longtemps. Ils sentaient mauvais. Les draps étaient décolorés et certaines des couvertures trempées. La literie était parfois tachée d’excréments humains séchés.
Q. Il y a beaucoup de patients qui mouillent leur lit chaque nuit?
R. Ils devraient avoir droit à un lit propre chaque nuit, comme on le fait pour les vaches et les chevaux.
Q. Les excréments sur la literie — semblaient-ils avoir été étendus?
R. Elle en était tachée. C’est ce que je veux dire en disant que c’était le cas. (S’adressant au président) M. McNab est supposé s’occuper de ces lits. Il est supposé les vérifier tous les jours et s’assurer que les lits sont faits convenablement.
Q. M. McNab a-t-il fait un rapport?
R. Il a nié, dans son rapport, que les lits étaient dans l’état que je viens de vous décrire. C’est ce que j’ai su dernièrement.
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Q. Croyez-vous que les lits aient été plus de deux ou trois jours dans ces conditions?
R. Sur l’un d’eux, de la moisissure blanche était apparue.
Ils ont été faits pour la nuit. Je n’ai pas vu M. Dustan entre le samedi et le jeudi. Je ne l’ai pas vu avant ma deuxième visite à l’institution. Je lui ai relaté ces faits. Il m’a dit plus tard qu’il s’était rendu à l’institution, qu’il avait vu M. McNab et lui avait dit que si j’étais passé une heure plus tard ce matin-là, j’aurais découvert les lieux dans un état différent. M. Dustan a fait cette déclaration devant le comité du Conseil législatif. Or, c’était l’après-midi où j’ai visité l’institution et trouvé les lits dans les conditions que je vous ai décrites.