Témoignage
Fait devant une commission nommée par
Son Honneur le lieutenant gouverneur en conseil,
Pour enquêter sur la gestion de
L’asile d’aliénés Mount Hope.
HÔPITAL D’ALIÉNÉS,
Mercredi 9 mai 1877.
[…]
Monsieur Peter Ross, prête alors serment et fournit le témoignage suivant en réponse aux questions des membres de la commission :
[…]
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Q. Alors selon vous le docteur (De Wolf) et sa famille devraient être séparés [du reste des employés de l’hôpital dans la salle à manger]?
R. Cela n’a pas d’importance pour le Dr De Wolf, à condition qu’il agisse selon les conditions sous lesquelles il a été engagé. Mais je prétends que les autres, dans tous les cas, qui sont nourris par l’hôpital devraient avoir une table. Il aurait dû y avoir un carnet de notes à part pour ses fournitures à lui.
Q. Supposons que sur une valeur de 400 $ en nourriture fournie par un entrepreneur, le Dr De Wolf touche l’équivalent de 50 $, y a-t-il une façon pour vous de le savoir?
R. Non, sauf en tenant un carnet.
Q. Un carnet a-t-il été tenu?
R. Jamais à ma connaissance.
En gardant un certain nombre de tablées séparées, on augmente les dépenses. Tout le monde veut le meilleur rôti et personne ne veut se faire resservir les restes de viande. Cela augmente également le nombre de domestiques. Il est impossible qu’une seule personne puisse servir quatre tablées.
Autre chose, le Dr De Wolf a déclaré qu’il n’y a plus de place à l’hôpital, qu’il déborde. Lui et sa femme occupent à eux seuls onze pièces. S’il avait une grande famille, la situation ne serait pas la même.
En ce qui concerne les médecins de l’établissement, j’ai eu l’impression qu’un assistant n’est pas nécessaire, qu’il devrait y avoir un directeur médical et que deux étudiants pourraient être engagés et demeurer dans l’établissement, il serait possible de payer leur pension en plus d’une cinquantaine de dollars par année pour leurs vêtements, ce qui représenterait pour eux un bon exercice et permettrait à l’institution d’économiser en plus de donner une bonne idée de son fonctionnement à nos propres employés.
Q. Où l’hôpital s’approvisionne-t-il en eau?
R. Au lac Maynard.
Q. On dit que le système est inefficace?
R. Il l’est, étant donné que deux ou trois autres personnes sont branchées au système.
Q. Avec la permission des autorités?
R. Certains d’entre eux, je crois. C’était avec la permission du gouvernement. Mott a la sienne, le Dr Parker et M. Troop. Je crois que c’est tout.
Q. Il y a assez de force pour que l’eau monte ces étages?
R. Peut-être qu’il y en avait assez avant le branchement. Il y a des réservoirs en haut. Durant la journée, ils sont presque vides à force d’être utilisés pour les toilettes. L’autre jour, M. Dixon a mis une pompe foulante qu’il a trouvée pas mal efficace, mais sinon, la réserve d’eau pour éteindre les feux est inadéquate. Ces citernes en haut se remplissent la nuit grâce au trop plein du lac, mais elles sont vidées durant le jour. En cas de feu, je ne crois pas qu’on pourrait faire monter l’eau jusqu’ici (pièce des médecins assistants, au troisième étage).
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Q. Avez-vous des seaux?
R. Il y a cinq extincteurs.
Q. Selon le rapport, une seule personne en connaît le fonctionnement.
R. Ça, c’était, je crois, lors de la première inspection. On a depuis remédié à la situation – sauf pour l’approvisionnement en eau.
Q. Dans quelle condition se trouvait l’équipement de lutte contre les incendies avant qu’on ne remédie à la situation?
R. Il ne fonctionnait pas – pas de boyaux et personne ne savait comment effectuer le branchement quand il y a eu des boyaux – pas de branchements, de clé à écrous ni de clé anglaise. On a remédié à cette situation.
Q. Mais avant qu’on y remédie, en cas de feu, quelles ressources auraient été disponibles?
R. Aucune.
Q. Est-ce qu’ils gardent – ont-ils déjà gardé des seaux d’eau?
R. Ils ont des seaux.
Q. Sont-ils pleins?
R. Non. S’il y avait un feu, comme tous les pavillons sont fermés à clés et les patients sont enfermés par les gardiens, alors ils devraient aller déverrouiller les chambres avant que les patients puissent sortir. Quand M. Farrell a découvert cette mauvaise façon de faire, on a raconté que cela nuisait aux commissaires. J’avais une opinion totalement différente. Je lui étais reconnaissant d’avoir fait cette découverte et je croyais que le Dr DeWolf aurait dû avoir la même opinion de cette situation.
Q. Lorsque vous avez émis vos recommandations, ont-elles été bien reçues?
R. Elles l’étaient peut-être, mais en général ça s’arrêtait là. Il y a eu cette affaire dont je vous ai parlé l’autre jour qu’il a rapidement fallu régler. Ça a froissé le Dr DeWolf et il a cru que j’interférais dans ses prérogatives. Il en a été offensé.
Q. Il a été offensé que vous ordonniez au gardien de le faire et jugeait que vous auriez plutôt dû le lui proposer?
R. Lorsque j’ai trouvé de la saleté dans les appartements du bas, j’aurais dû faire venir le docteur pour la lui montrer? J’ai demandé aux gardiens de nettoyer, et c’est ce qu’ils ont fait.
Q. Les gardiens semblent-ils indifférents à la situation?
R. Non, je n’ai jamais remarqué quelque chose de la sorte chez les gardiens.
[…]
- 10 -
[…]
Q. Avez-vous déjà entendu dire que des patients étaient maltraités?
R. Nous avons déjà reçu une plainte pour mauvais traitements et la personne qui les a infligés a été congédiée. Je crois que c’était Hook. Je ne me souviens d’aucun autre cas. Ils se font parfois frapper par les autres patients.
Q. Avez-vous déjà entendu des patients se plaindre de ne pas recevoir la visite du personnel médical?
R. Il y avait une patiente du nom de McKenna, dont la mère est venue ici et n’a pas pu la voir, mais si une plainte a été formulée ou non, je ne pourrais pas vous dire.
Q. Mais se sont-ils déjà plaints que le directeur ne les visitait pas?
R. Bien, vous pouvez recevoir de telles plaintes, mais elles sont formulées par des fous.
Q. Lorsque vous en receviez, les commissaires faisaient-ils enquête?
R. Nous en parlions au directeur et, bien entendu, il allait les visiter. Je ne peux pas dire que j’ai déjà entendu des plaintes.
Q. Lorsque les gens viennent voir leurs amis, ils les emmènent dans la salle d’accueil. Est-ce que des gardes sont présents lors de telles visites?
R. J’imagine que, s’ils le désirent, on leur permet que les visites soient privées.
Q. Y a-t-il un moyen de vérifier ou d’empêcher qu’un patient ne se plaigne à sa famille ou èa ses amis?
R. Pas à ce que je sache. Je crois que leurs lettres doivent passer par le directeur.
Q. Les patients se sont-ils déjà plaints de leur nourriture?
R. Quelques-uns, oui.
Q. Si un patient formulait une plainte de cette nature, les commissaires faisaient-ils enquête?
R. Oui.
Q. L’avez-vous déjà fait?
R. Oui.
Q. Et qu’est-il advenu?
R. Certaines d’entre elles ont été retenues, d’autres non.
Q. Qu’a-t-on fait lorsqu’elles ont été retenues?
R. On a remédié à la situation. Le corned-beef, par exemple, était pourri. On a arrangé les choses.
Q. Qui l’a fait?
R. Le directeur.
Q. Le bœuf est-il préparé sur place?
R. Oui.
Q. Qui a remédié à la situation?
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R. Le responsable de la réserve.
Q. Vous le lui avez ordonné?
R. Nous avons fait monter le bœuf. Il a été inspecté. Il a été retourné et remplacé par d’autre bœuf.
Q. A-t-on parlé du gaspillage de nourriture?
R. Il y avait pas mal de nourriture jetée par les fenêtres, du pain, etc. Je l’ai vu là-bas. Il y a beaucoup de pertes dues au fait que trop de nourriture est préparée et que les patients ne la mangent pas. J’ai dit et répété qu’une bonne partie pourrait être utilisée pour faire des poudings de pain perdu au lieu d’être jetée. Une bonne partie de ces pertes est attribuable, je crois, aux caprices des patients. Je crois qu’un changement devrait être apporté à la gestion de la réserve. L’intendant devrait lui-même contrôler toutes les provisions. Il devrait les recevoir et les vérifier avec la facture et ensuite, quand différents pavillons demandent différentes quantités, il devrait lui-même en faire la distribution. Il devrait peser et mesurer les quantités.