Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 
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[ Camps de bûcherons, Inconnu, Album-souvenir 100e anniversaire de la paroisse Sainte-Philomène de Fortierville, 1882-1982  ]COUR DU BANC DU ROI.      ) Siégeant à Québec le 24 avril,1920.
JURIDICTION CRIMINELLE. )

PRESENT: l'Honorable Juge Desy.

LE ROI:

vs

TELESPHORE GAGNON. Sous accusation de meurtre.

PREUVE DE LA PART DE LA COURONNE.

EMILIEN HAMEL. de St Jean-Deschaillons demeurant chez ses parents, âgé de 16 ans, neveu de l'accusé, étant dûment assermenté sur les Saints Evangiles dépose ainsi qu'il suit:

INTERROGE PAR Mtre Lachance de la part de l'accusé.

Q. Vous êtes Emilien Hamel et vous demeurez dans quelle Paroisse?

R. A St Jean Deschaillons.

Q. Vous avez quel âge aujourd'hui ?

R. Seize ans.

Q. Et vous demeurez chez vos parents ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Connaissez-vous Telesphore Gagnon ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Est-ce que c'est un de vos parents ?

R. C'est mononcle Monsieur.

Q. Vous rappelez vous si vous avez été chez lui l'année dernière en mil neuf cent dix-neuf ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Vous rappelez vous dans quel mois vous avez été là ?

R. A la fin de mars.

Q. Y avez-vous été pendant longtemps ?

R. J'ai été là une quinzaine de jours.

Q. Une quinzaine de jours ?

R. Oui,Monsieur .

Q. Et qu'est-ce que vous avez fait ?

R. Je travaillais au bois.

Q. Est-ce que Aurore Gagnonétait à la maison pendant que vous avez travaillé pour votre oncle, pendant ces quinze jours là?

R. Oui,Monsieur.

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Q. Y avait--- il d'autres enfants aussi dans ce temps là à part d'Aurore dans la maison ?

R. Oui,Monsieur., il y avait sa petite soeur.

Q. Marie Jeanne était-elle là dans ce temps là, au mois de mars ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Maintenant vous avez travaillé au bois avec qui ?

R. Avec lui-même.

Q. Ce bois était-il sur sa terre ou loin de sa terre ?

R. C'est son bois sur sa terre.

Q. Quand il va faire son bois lui est-ce sur sa terre qu'il fait son bois ?

R. On travaillait pour Monsieur Bernard----c'est pou lui qu'il travaillait-----on le faisait toujours pour lui.

Q. Mais Telesphore Gagnon travaillait pour qui ?

R. Pour Monsieur Bernard.

Q. Maintenant avez-vous eu connaissance qu'Aurore a été battue dans la maison ou en dehors de la maison----avez-vous eu connaissance de ça pendant les quinze jours que vous avez été là ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Avez-vous eu connaissance qui est-ce qui l'a battue ?

R. Lui, c'est lui qui l'a battue, et c'est elle qui lui a dit, à cause qu'elle ne lavait pas sa vaisselle. Elle a dit: Donne lui donc une volée, elle n'a pas écouté.

Q.(Par la Cour) Qui elle ?

R. Sa femme.

Q. Alors qu'est-ce qu'il a fait Gagnon, votre oncle ?

R. Il l'a battue.

Q. Avec quoi ?

R. Avec une petite hart.

Q. Où a-t-il pris la petite hart ?

R. Il l'avait coupée devant chez eux.

Q. Il l'avait coupée devant chez eux ?

R. Oui.

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Q. Où est-ce qu'il la battait avec la hart, sur quelle partie de son corps ?

R. Il l'a battue sur les jambes.

Q. Comment est-ce qu'il la frappait, était-ce fort ou doucement ?

R. Il l'a frappait pareil comme.... il l'a frappait fort.

Q. Vous rappelez vous s'il lui a donné plusieurs coups ?

R. Il lui a peut être donné une dizaine de coups.

Q. Avez-vous eu connaissance s'il l'a battue d'autres fois que ça encore ?

R. Oui,Monsieur., deux autres fois.

Q. Maintenant avec-quoi l'a-t-il battue les deux autres fois ?

R. Tout le temps avec cette petite hart là.

Q. Tout le temps avec cette petite hart là ?

R. Oui, le temps que j'ai été là.

Q. Où la mettait-il cette petite hart là ?

R. Il la serrait. Il y avait des clous contre l'armoire et il la serrait là.

Q.(Par la Cour) Il y en a des harts de même devant vous. Est-ce que vous voyez cette hart là parmi celles qui sont devant la Cour.

R. Non Monsieur je n'ai pas vu ça.

Q. La hart blanche ?

R. Je n'ai pas vu ça.

Q. Ce n'est pas celle-là, exhibit P-4 ?

R. Non. je n'ai pas vu celle-là non plus.

Q.(Par la Cour) Qu'est-ce que c'était que l'autre hart par rapport à celle-là, par rapport aux harts qu'on vous montre ?

R. L'autre hart, elle était plus petite que ça.

Q. Qu'est-ce que faisait Aurore lorsqu'elle était battue comme ça ?

R. Elle pleurait.

Q. Qu'est-ce qu'il disait lui pendant qu'il la battait comme ça, Gagnon ?

R. Ah bien il ne disait rien.

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Q. Les deux autres fois qu'il l'a battue, il l'a battue où, sur quelle partie est-ce qu'il l'a battue comme ça avec la hart ?

R. Il l'a tout le temps battue rien que sur les jambes.

Q. As-tu eu connaissance si ta tante aussi devant Monsieur Gagnon a battu Aurore ?

R. Oui.

Q. Combien de fois as-tu vu la femme battre Aurore devant son mari ?

Objecté par Mtre Lavergne à cette question de la part de l'accusé comme étant illégale parce qu'elle est suggestive.

Objection maintenue.

Q. Est-ce que d'autres personnes que ton oncle Gagnon a battu Aurore devant toi----y en a-t-il d'autres ?

R. Bien..........

Q. A part de votre oncle y a-t-il quelqu'un qui a battu Aurore ?

R. Non.----il y a sa femme.

Q. Est-ce que devant Telesphore Gagnon elle l'a battue plusieurs fois comme ça ?

R. Elle l'a battue une fois avec la petite hart.

Q. Est-ce qu'elle l'a battue avec la même hart ou une autre hart ?

R. La même hart.

Q. Maintenant pendant que vous avez été là avez-vous eu connaissance si la femme battait---- a part cette fois qu'elle l'a battue devant son mari----avez-vous eu connaissance si elle là battait autrement.

Q. Elle l'a battue, la petite fille, à cause qu'elle charroyait du bois dans le cabaneau.

Objecté par Mtre Laverge à cette question de la part de l'accusé par ce qu'elle contredit l'acte de l'accusation.

Question permise par la Cour.

Q. Ne parle plus de la fois que la femme a battu Aurore devant son mari. Parlons d'autre chose à cette heure.

R. C'est tout ce que je sais.

- 5 -

Q. Pouvez-vous dire comment la femme traitait Aurore devant vous ?

Objecté par Mtre Lavergne de la part de l'accusé à cette question comme non pertinente et comme contredisant l'acte d'accusation. Question permise par la Cour.

R. Une fois elle l'avait.........uen fois elle n'avait pas voulu la laisser manger à table. Lui il lui a dit d'approcher de la table pour manger.

Q. Maintenant pendant que vous avez été là comment se conduisait Aurore ?

R. Très bien Monsieur.

Q. Elle se conduisait très bien ?

R. Oui,Monsieur.

TRANSQUESTIONNE PAR Mtre Francoeur de la part de l'Accusé.

Q. Vous avez été là quinze jours ?

R. Oui,Monsieur., à peu près quinze jours.

Q. Votre oncle l'accusé, pendant les quinze jours que vous avez été là l'a battue trois fois ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Avec une hart plus petite que celles qu'on vous a montrées toute à l'heure ?

R. Oui.

Q. Plus petite que toutes celles-là ?

R. Oui plus petite.

Q. Maintenant vous travailliiez au bois avec lui ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Toute la journée ?

R. Des fois qu'on restait à la maison, lui travaillait dans le bois et je restais à la maison moi.

Q. Une fois vous dites qu'il l'a battue parce qu'elle ne voulait pas laver la vaisselle ?

R. Par ce que sa femme lui a dit ça.

Q. Il n'y était pas, lui ?

R. Non.

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Q. C'est quand vous êtes arrivé, ça ?

R. Oui,Monsieur.

Q. C'est en arrivant du bois que la femme de votre oncle lui a dit ça n'est-ce-pas ?

R. Oui,oui.

Q. N'est-il pas vrai qu'elle a ajouté d'autre chose au sujet de la conduite d'Aurore ?

R. Je sais qu'elle lui a dit: Bat la donc, elle n'écoute pas jamais, elle n'a pas encore lavé sa vaisselle. Lui il lui a demandé à Aurore si elle allait écouter. Elle a dit que oui.

Q. Est-ce avant qu'il l'est corrigée ou après ?

R. C'est après.

Q. Les deux autres fois qu'il l'a corrigée devant vous pourquoi était-ce ?

R. C'est encore sur la même affaire.

Q. En arrivant du bois sa femme lui a encore dit qu'elle n'avait pas écouté ?

R. Oui, oui,Monsieur.

Q. Encore à propos de la vaisselle ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Est-ce qu'il l'a frappée bien fort avec ça ?

R. Pas mal fort.

Q. Est-ce qu'il l'a frappée comme les parents battent les enfants à la campagne ?

R. Oui,Monsieur pareil.

Q.(Par la Cour) En avez-vous vu bien des fois des pères frapper leurs enfants avec des harts comme celle que votre oncle avait dans la main ?

R. Oui, Monsieur.

Q.(Par la Cour) Plusieurs ?

R. Oui.

Q.(Par la Cour) C'est la mode par là ?

R.............

Q. Et vous avez vu la mère la battre une fois aussi ?

R. Oui,Monsieur.

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Q. Pour la même raison ?

R. Oui.

Q. A propos de la vaisselle encore ?

R. Oui.

Q. Est-ce qu'Aurore ne voulait pas la laver la vaisselle dans cette occasion là ?

R. Bien....je crois bien que non, qu'elle ne voulait pas la laver.

Q. Vous n'y étiez pas vous ?

R. Non je n'y étais pas.

Q. Vous ne savez pas si elle voulait la laver ?

R. La vaisselle n'était pas encore lavée toujours.

Q. Mais c'est la mère qui disait que l'enfant n'avait pas voulu la laver ?

R. Oui.

Q. Dans l'enquête préliminaire, quand vous avez été entendu en-bas vous avez dit que votre oncle devant vous l'avait corrigée une fois, Aurore----vous vous enrappelliez pas dans ce temps là ?

R. Non, Monsieur je ne m'en rappelais pas.

Q. Vous vous en rappelez mieux maintenant ?

R. Oui, Monsieur.

Q. On vous a demandé en-bas ceci----la Couronne dis-je----à la page 53, "Moi quand j'étais là j'ai vu qu'elle l'avait battue parce qu'elle n'avait pas lavé sa vaisselle.

Q.Est-ce qu'elle l'a battue souvent ?

R.Ah non.

Q. Combien de fois ? R.Elle l'a battue une fois devant moi.

Q.D'autres fois l'avez vous entendu battre ?

R. Non,Monsieur.

QVous l'avez vu battre rien qu'une fois ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Rien que seulement une fois ?

R. Oui,Monsieur.

Q. Y a-t-il quelque autre personne qui l'ont battue ?

R. Oui.

Q. Qui est-ce que c'est ?

R. Elle.

Q. Avec quoi là battait-elle, comment ?

R. Avec une hart.

Q. Une grosse ou une petite hart ?

R. Une petite hart.

Q. Est-ce qu'elle là battait longtemps ?

R. Non pas lonngtemps.

Q. Combien de temps---combien de coups lui a-t-elle donnés ?

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R. Je n'ai pas compté ça.

R. Est-ce que l'enfant se débattait qu'elle pleurait ?

R. Elle ne se débattait pas elle pleurait.

Q. Avait-elle raison de la battre d'après vous ?

R. Bien elle n'avait pas lavé sa vaiselle il me semble qu'elle avait raison ?

R.............

RE-EXAMINE PAR Mtre Lachance de la part de la Couronne.

Q. Est-ce que Gagnon lui-même vous a parlé d'AUrore. Vous a-t-il dit qu'est-ce que c'était ?

R. Non,Monsieur.

Q. Vous a-t-il parlé au sujet de son caractère ?

R. Non,Monsieur.

Objecté par Mtre Lavergne de la part de l'accusé à ce que la Couronne recommence sa preuve en re-Examen.

Objection maintenue par la Cour.

Et le témoin ne dit rien de plus.

La Cour s'ajourne alors au Lundi- suivant vingt-six avril mil neuf cent vingt à dix heures du matin.

Source: ANQ, TP 999, 1960-01-3623, 1B 014 01-04-004B-01, Cour du banc du roi, assises criminelles, district de Québec, Déposition de Emilien Hamel, procès de Télesphore Gagnon pour meutre, avril 24, 1920, 8.

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