COUR DU BANC DU ROI. ) Siégeant à Québec le 24 avril,1920. PRESENT: l'Honorable Juge Desy. LE ROI: vs TELESPHORE GAGNON. Sous accusation de meurtre. PREUVE DE LA PART DE LA COURONNE. EMILIEN HAMEL. de St Jean-Deschaillons demeurant chez ses parents, âgé de 16 ans, neveu de l'accusé, étant dûment assermenté sur les Saints Evangiles dépose ainsi qu'il suit: INTERROGE PAR Mtre Lachance de la part de l'accusé. Q. Vous êtes Emilien Hamel et vous demeurez dans quelle Paroisse? R. A St Jean Deschaillons. Q. Vous avez quel âge aujourd'hui ? R. Seize ans. Q. Et vous demeurez chez vos parents ? R. Oui,Monsieur. Q. Connaissez-vous Telesphore Gagnon ? R. Oui,Monsieur. Q. Est-ce que c'est un de vos parents ? R. C'est mononcle Monsieur. Q. Vous rappelez vous si vous avez été chez lui l'année dernière en mil neuf cent dix-neuf ? R. Oui,Monsieur. Q. Vous rappelez vous dans quel mois vous avez été là ? R. A la fin de mars. Q. Y avez-vous été pendant longtemps ? R. J'ai été là une quinzaine de jours. Q. Une quinzaine de jours ? R. Oui,Monsieur . Q. Et qu'est-ce que vous avez fait ? R. Je travaillais au bois. Q. Est-ce que Aurore Gagnonétait à la maison pendant que vous avez travaillé pour votre oncle, pendant ces quinze jours là? R. Oui,Monsieur. - 2 - Q. Y avait--- il d'autres enfants aussi dans ce temps là à part d'Aurore dans la maison ? R. Oui,Monsieur., il y avait sa petite soeur. Q. Marie Jeanne était-elle là dans ce temps là, au mois de mars ? R. Oui,Monsieur. Q. Maintenant vous avez travaillé au bois avec qui ? R. Avec lui-même. Q. Ce bois était-il sur sa terre ou loin de sa terre ? R. C'est son bois sur sa terre. Q. Quand il va faire son bois lui est-ce sur sa terre qu'il fait son bois ? R. On travaillait pour Monsieur Bernard----c'est pou lui qu'il travaillait-----on le faisait toujours pour lui. Q. Mais Telesphore Gagnon travaillait pour qui ? R. Pour Monsieur Bernard. Q. Maintenant avez-vous eu connaissance qu'Aurore a été battue dans la maison ou en dehors de la maison----avez-vous eu connaissance de ça pendant les quinze jours que vous avez été là ? R. Oui,Monsieur. Q. Avez-vous eu connaissance qui est-ce qui l'a battue ? R. Lui, c'est lui qui l'a battue, et c'est elle qui lui a dit, à cause qu'elle ne lavait pas sa vaisselle. Elle a dit: Donne lui donc une volée, elle n'a pas écouté. Q.(Par la Cour) Qui elle ? R. Sa femme. Q. Alors qu'est-ce qu'il a fait Gagnon, votre oncle ? R. Il l'a battue. Q. Avec quoi ? R. Avec une petite hart. Q. Où a-t-il pris la petite hart ? R. Il l'avait coupée devant chez eux. Q. Il l'avait coupée devant chez eux ? R. Oui. - 3 - Q. Où est-ce qu'il la battait avec la hart, sur quelle partie de son corps ? R. Il l'a battue sur les jambes. Q. Comment est-ce qu'il la frappait, était-ce fort ou doucement ? R. Il l'a frappait pareil comme.... il l'a frappait fort. Q. Vous rappelez vous s'il lui a donné plusieurs coups ? R. Il lui a peut être donné une dizaine de coups. Q. Avez-vous eu connaissance s'il l'a battue d'autres fois que ça encore ? R. Oui,Monsieur., deux autres fois. Q. Maintenant avec-quoi l'a-t-il battue les deux autres fois ? R. Tout le temps avec cette petite hart là. Q. Tout le temps avec cette petite hart là ? R. Oui, le temps que j'ai été là. Q. Où la mettait-il cette petite hart là ? R. Il la serrait. Il y avait des clous contre l'armoire et il la serrait là. Q.(Par la Cour) Il y en a des harts de même devant vous. Est-ce que vous voyez cette hart là parmi celles qui sont devant la Cour. R. Non Monsieur je n'ai pas vu ça. Q. La hart blanche ? R. Je n'ai pas vu ça. Q. Ce n'est pas celle-là, exhibit P-4 ? R. Non. je n'ai pas vu celle-là non plus. Q.(Par la Cour) Qu'est-ce que c'était que l'autre hart par rapport à celle-là, par rapport aux harts qu'on vous montre ? R. L'autre hart, elle était plus petite que ça. Q. Qu'est-ce que faisait Aurore lorsqu'elle était battue comme ça ? R. Elle pleurait. Q. Qu'est-ce qu'il disait lui pendant qu'il la battait comme ça, Gagnon ? R. Ah bien il ne disait rien. - 4 - Q. Les deux autres fois qu'il l'a battue, il l'a battue où, sur quelle partie est-ce qu'il l'a battue comme ça avec la hart ? R. Il l'a tout le temps battue rien que sur les jambes. Q. As-tu eu connaissance si ta tante aussi devant Monsieur Gagnon a battu Aurore ? R. Oui. Q. Combien de fois as-tu vu la femme battre Aurore devant son mari ? Objecté par Mtre Lavergne à cette question de la part de l'accusé comme étant illégale parce qu'elle est suggestive. Objection maintenue. Q. Est-ce que d'autres personnes que ton oncle Gagnon a battu Aurore devant toi----y en a-t-il d'autres ? R. Bien.......... Q. A part de votre oncle y a-t-il quelqu'un qui a battu Aurore ? R. Non.----il y a sa femme. Q. Est-ce que devant Telesphore Gagnon elle l'a battue plusieurs fois comme ça ? R. Elle l'a battue une fois avec la petite hart. Q. Est-ce qu'elle l'a battue avec la même hart ou une autre hart ? R. La même hart. Q. Maintenant pendant que vous avez été là avez-vous eu connaissance si la femme battait---- a part cette fois qu'elle l'a battue devant son mari----avez-vous eu connaissance si elle là battait autrement. Q. Elle l'a battue, la petite fille, à cause qu'elle charroyait du bois dans le cabaneau. Objecté par Mtre Laverge à cette question de la part de l'accusé par ce qu'elle contredit l'acte de l'accusation. Question permise par la Cour. Q. Ne parle plus de la fois que la femme a battu Aurore devant son mari. Parlons d'autre chose à cette heure. R. C'est tout ce que je sais. - 5 - Q. Pouvez-vous dire comment la femme traitait Aurore devant vous ? Objecté par Mtre Lavergne de la part de l'accusé à cette question comme non pertinente et comme contredisant l'acte d'accusation. Question permise par la Cour. R. Une fois elle l'avait.........uen fois elle n'avait pas voulu la laisser manger à table. Lui il lui a dit d'approcher de la table pour manger. Q. Maintenant pendant que vous avez été là comment se conduisait Aurore ? R. Très bien Monsieur. Q. Elle se conduisait très bien ? R. Oui,Monsieur. TRANSQUESTIONNE PAR Mtre Francoeur de la part de l'Accusé. Q. Vous avez été là quinze jours ? R. Oui,Monsieur., à peu près quinze jours. Q. Votre oncle l'accusé, pendant les quinze jours que vous avez été là l'a battue trois fois ? R. Oui,Monsieur. Q. Avec une hart plus petite que celles qu'on vous a montrées toute à l'heure ? R. Oui. Q. Plus petite que toutes celles-là ? R. Oui plus petite. Q. Maintenant vous travailliiez au bois avec lui ? R. Oui,Monsieur. Q. Toute la journée ? R. Des fois qu'on restait à la maison, lui travaillait dans le bois et je restais à la maison moi. Q. Une fois vous dites qu'il l'a battue parce qu'elle ne voulait pas laver la vaisselle ? R. Par ce que sa femme lui a dit ça. Q. Il n'y était pas, lui ? R. Non. - 6 - Q. C'est quand vous êtes arrivé, ça ? R. Oui,Monsieur. Q. C'est en arrivant du bois que la femme de votre oncle lui a dit ça n'est-ce-pas ? R. Oui,oui. Q. N'est-il pas vrai qu'elle a ajouté d'autre chose au sujet de la conduite d'Aurore ? R. Je sais qu'elle lui a dit: Bat la donc, elle n'écoute pas jamais, elle n'a pas encore lavé sa vaisselle. Lui il lui a demandé à Aurore si elle allait écouter. Elle a dit que oui. Q. Est-ce avant qu'il l'est corrigée ou après ? R. C'est après. Q. Les deux autres fois qu'il l'a corrigée devant vous pourquoi était-ce ? R. C'est encore sur la même affaire. Q. En arrivant du bois sa femme lui a encore dit qu'elle n'avait pas écouté ? R. Oui, oui,Monsieur. Q. Encore à propos de la vaisselle ? R. Oui,Monsieur. Q. Est-ce qu'il l'a frappée bien fort avec ça ? R. Pas mal fort. Q. Est-ce qu'il l'a frappée comme les parents battent les enfants à la campagne ? R. Oui,Monsieur pareil. Q.(Par la Cour) En avez-vous vu bien des fois des pères frapper leurs enfants avec des harts comme celle que votre oncle avait dans la main ? R. Oui, Monsieur. Q.(Par la Cour) Plusieurs ? R. Oui. Q.(Par la Cour) C'est la mode par là ? R............. Q. Et vous avez vu la mère la battre une fois aussi ? R. Oui,Monsieur. - 7 - Q. Pour la même raison ? R. Oui. Q. A propos de la vaisselle encore ? R. Oui. Q. Est-ce qu'Aurore ne voulait pas la laver la vaisselle dans cette occasion là ? R. Bien....je crois bien que non, qu'elle ne voulait pas la laver. Q. Vous n'y étiez pas vous ? R. Non je n'y étais pas. Q. Vous ne savez pas si elle voulait la laver ? R. La vaisselle n'était pas encore lavée toujours. Q. Mais c'est la mère qui disait que l'enfant n'avait pas voulu la laver ? R. Oui. Q. Dans l'enquête préliminaire, quand vous avez été entendu en-bas vous avez dit que votre oncle devant vous l'avait corrigée une fois, Aurore----vous vous enrappelliez pas dans ce temps là ? R. Non, Monsieur je ne m'en rappelais pas. Q. Vous vous en rappelez mieux maintenant ? R. Oui, Monsieur. Q. On vous a demandé en-bas ceci----la Couronne dis-je----à la page 53, "Moi quand j'étais là j'ai vu qu'elle l'avait battue parce qu'elle n'avait pas lavé sa vaisselle. Q.Est-ce qu'elle l'a battue souvent ? R.Ah non. Q. Combien de fois ? R.Elle l'a battue une fois devant moi. Q.D'autres fois l'avez vous entendu battre ? R. Non,Monsieur. QVous l'avez vu battre rien qu'une fois ? R. Oui,Monsieur. Q. Rien que seulement une fois ? R. Oui,Monsieur. Q. Y a-t-il quelque autre personne qui l'ont battue ? R. Oui. Q. Qui est-ce que c'est ? R. Elle. Q. Avec quoi là battait-elle, comment ? R. Avec une hart. Q. Une grosse ou une petite hart ? R. Une petite hart. Q. Est-ce qu'elle là battait longtemps ? R. Non pas lonngtemps. Q. Combien de temps---combien de coups lui a-t-elle donnés ? - 8 - R. Je n'ai pas compté ça. R. Est-ce que l'enfant se débattait qu'elle pleurait ? R. Elle ne se débattait pas elle pleurait. Q. Avait-elle raison de la battre d'après vous ? R. Bien elle n'avait pas lavé sa vaiselle il me semble qu'elle avait raison ? R............. RE-EXAMINE PAR Mtre Lachance de la part de la Couronne. Q. Est-ce que Gagnon lui-même vous a parlé d'AUrore. Vous a-t-il dit qu'est-ce que c'était ? R. Non,Monsieur. Q. Vous a-t-il parlé au sujet de son caractère ? R. Non,Monsieur. Objecté par Mtre Lavergne de la part de l'accusé à ce que la Couronne recommence sa preuve en re-Examen. Objection maintenue par la Cour. Et le témoin ne dit rien de plus. La Cour s'ajourne alors au Lundi- suivant vingt-six avril mil neuf cent vingt à dix heures du matin. Source: ANQ, TP 999, 1960-01-3623, 1B 014 01-04-004B-01, Cour du banc du roi, assises criminelles, district de Québec, Déposition de Emilien Hamel, procès de Télesphore Gagnon pour meutre, avril 24, 1920, 8.
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