Les dépositions sont un type particulier de documents judiciaires. Nous les traitons ici de manière distincte à cause de leur importance, autant dans le déroulement des procédures judiciaires qu’au sein de nos «archives virtuelles».
Produites par le système judiciaire, les dépositions sont en quelque sorte les documents de base des procès criminels. Il s’agit des transcriptions des interrogatoires, c’est-à-dire des échanges verbaux entre les avocats d’une part et le témoin à la barre de l’autre. Lire ces dépositions, c’est un peu comme si on assistait au procès. Théoriquement, nous y retrouvons les paroles exactes qui ont été échangées.
Au Québec, dans les années 1920, les dépositions prennent la forme de documents dactylographiés d’une longueur variant de quelques pages à plusieurs dizaines de pages, selon les questions posées par les avocats et l’importance du témoin. Elles ont toujours un en-tête indiquant la date, le lieu, le cadre dans lequel est produite la déposition (enquête préliminaire ou procès), le nom de l’accusé, le nom du déposant, son âge, sa profession, son lieu d’habitation et parfois son lien avec l’accusé. Le texte d’une déposition se présente toujours sous forme de questions et réponses et il est noté systématiquement par qui le témoin est interrogé ou contre-interrogé, que ce soit l’avocat de la couronne, l’avocat de la défense ou bien la cour (le juge). S'il y a une pause au cours du témoignage, elle est indiquée également (heure de la pause, heure de la reprise).
Les dépositions font plus que rapporter les faits pour éclaircir un crime. Dans leurs témoignages, les déposants révèlent des aspects «ordinaires» sur leur quotidien. Faits anodins, manière de parler de telle ou telle chose, repas, relations de voisinage, activités quotidiennes... Il s’agit des dimensions de la vie qui vont de soi pour tous et chacun à l’époque, mais qui peuvent nous sembler étranges et fascinantes aujourd’hui.
Avant d’utiliser les dépositions, il faut bien en saisir le contexte de production. L’interrogatoire, après tout, se déroule dans le contexte d’une confrontation publique entre un avocat et un témoin; l’un et l’autre peuvent avoir intérêt à ne pas présenter les «faits» avec autant de précision et de franchise que l’historien le voudrait. Les greffiers, d’ailleurs, aussi talentueux et responsables qu’ils puissent l'être, ne sont pas des machines et la sténographie n’est pas une science exacte. Dans les transcriptions rédigées par les greffiers, des erreurs peuvent donc se glisser et des paroles peuvent être mal interprétées. À l’occasion, un juge se plaindra du mauvais travail de son greffier et il arrive même que les transcriptions publiées dans les journaux soient de meilleure qualité que celles livrées dans les dépositions officielles.
Tout de même, les dépositions judiciaires sont une mine de renseignements précieux pour ceux et celles qui veulent étudier toute une gamme d’aspects de la régulation sociale et de la criminalité au Canada au début du XXe siècle. Elles nous font plonger dans un univers de détails et de particularités, à partir desquels nous pouvons parfois mieux imaginer l’ensemble. Celles relatives à l’affaire Gagnon se retrouvent généralement aux Archives Nationales du Québec à Québec, dans les fonds des cours les ayant produites: Sessions de la Paix pour les enquêtes préliminaires (à ne pas confondre avec l’enquête du coroner) et Banc du Roi pour les procès criminels.