COUR DU BANC DU ROI. ) Siégeant à Québec le 19 avril,1920. PRESENT: L'Honorable Juge L. P. Pelletier. LE ROI. - vs – MARIE-ANNE HOUDE. Sur accusation de meurtre. PREUVE DE LA PART DE LA DEFENSE. Docteur Albert Prévost, de la Cité de Montréal médecin, âgé de 38 ans étant dûment assermenté sur les Saints Evangiles dépose ainsi qu'il suit: INTERROGE PAR MTRE FRANCOEUR DE LA PART DE L'accusée. [L’interrogatoire débute avec des questions au sujet des qualifications professionnelles du témoin et avec une question «hypothétique» de la part de Me Francoeur à l’intérieur de laquelle les détails des mauvais traitements subits par Aurore sont exposés.] - 7 - Q. Donnez-moi donc Docteur vos conclusions sur les faits que j'ai relatés dans ma question et sur vos constatations personnelles ? R. Je ne comprends pas exactement. Q. Je vous demande à quelle conclusion vous en arrivez, après les faits que je viesn de vous relater dans ma question, les faits de la cause et la preuve que vous avez entendue vous-même, et les constatations que vous avez faites vous-même personnellement au cours de votre examen de l'inculpée. ? R. J'en suis venu à la conclusion que l'inculpée souffrait d'aliénation mentale. Q. Voulez-vous nous dire sur quoi vous basez cette conclusion ? R. A l'interrogatoire de l'inculpée j'ai constaté qu'à maintes reprises durant sa vie elle avait présenté des troubles de l'intelligence, durant chacune de ses grossesses elle m'a déclaré entendre des sons de cloche, des cris, et même son nom; elle m'a dit avoir eu des troubles du gôut et de l'odorat, à savoir que lorsqu'elle mangeait de la viande, tel que du boeuf, elle trouvait que le boeuf avait gout d'anguille et que ça sentait l'anguille; chaque soir aussi presque, durant sa grossesse - 8 - elle se levait parce qu'elle était en crainte, en peur, disant qu'elle voyait des fantômes ou des morts, et que, aussi, c'était les cris où son nom y était énoncé qui la faisait lever pour savoir qui est-ce qui l'appelait. Durant ses grossesses elle m'a déclaré qu'elle était changée un peu d'humeur, mais d'après les déclarations faites en Cour ici, il appert que son changement de caractère était considérable, durant ses grossesses, et personnellement elle m'a dit qu'elle avait toujours eu des troubles durant ses états de règles avant d'être mariée. Si on relate les faits évidents en Cour, je crois, à savoir que durant treize ans de son existence, à partiir de dix-sept ans jusqu'à l'âge de trente ans---- et durant cet espace de temps elle a été trois ans veuve---- et qu'elle a présenté sept couches et deux fausses couches et un enfant de six mois et demi, je suis forcé de conclure qu'elle a été pratiquement en couche toute son existence et que par conséquent elle a présenté des troubles hallucinatoirs ou illusoires---- c'est à dire par hallucination j'entends quelque chose dans ses oreilles qui n'existe pas, qui ne se présente pas en aucune façon à aucune personne autour d'elle ---- ou des faits illusoires, c'est à dire qui se représentaient devant elle alorsqu'il y avait un objet mais que cet objet était absolument difformé et inexact. Ainsi si elle avait des troubles du goùt et de l'odorat---- ce sont des choses existantes, mais son gôùt était faussé ainsi que son odorat. En matière mentale, il est très important de constater ces symptômes parce qu'ils nous indiquent deux faits importants: Ou bien un état mental acquis, progressif et constant, ou encore un état foxique [toxique] c'est à dire d'empoisonnement, pour l'expliquer plus simpelement, - 9 - qui indique que la personne souffre d'un état naturel, la grossesse, ou encore maladif, une infection quelconque. Ce qui semble évident chez l'inculpée c'est que chaque fois qu'elle était en grossesse ceci la forcait à avoir des troubles du côté de ses perceptions et au sujet de son affection, c'est à dire de son sentiment de mère. Après l'avoir interrogée profondément au sujet de ses enfants: savoir, si elle s'en occupait d'une façon convenable, si elle les aimait, si elle manifestait son amour maternel en les caressant, elle m'a répondu: Ceci ne se fait pas, parce que ce n'est pas l'habitude---- ça m'arrive une fois par année au moment des grandes fêtes. Q. (Par la Cour) Ce qui veut dire que pratiquement elle ne caressait ni n'embrassait ses enfants ? R. Oui, votre Honneur. Lorsque j'ai mis devant elle ce fait qui est énorme pour tout être je crois ---- quand je lui ai dit: Vous savez ce qui vous attend---- vous savez quel est le prix d'un procès de ce genre, et que peut être d'ici à peu de temps votre existence ne sera plus---- elle n'a manifesté aucun sentiment d'émotion, pas même une larme, elle n'a pas même rougi, aucun symptôme d'émotion, et même elle était toute surprise de savoir qu'elle pourrait être condamnée,---- et à ma demande si, elle était sauvée qu'est-ce qu'elle ferait, elle m'a dit qu'elle retournerait tout simplement chez elle recommencer son travail comme auparavant. Ce fait je crois est un fait assez important au point de vue de son sens moral, de son émotion. Elle m'a dit faire ses devoirs religieux d'une façon assidue.Elle m'a dit, à ce point de vue, durant son incarcération, que lorsqu'elle demeurait chez elle elle s'occupait particulièrement de ses enfants pour tâcher de les corriger au point de vue - 10 - de la morale et m'a même dit en avoir fait mention par écrit au curé de la Paroisse. A côté de ces faits qui sont absolument normaux, vous avez devant vous d'autres symptômes qui sont absolument le contraire. Elle battait son enfant d'une façon absolument exagérée, la privant de manger, la liant, la battant avec toutes espèces d'instruments, la brulant---- des faits qui sont absolument le contraire de ce que je viens de dire toute à l'heure. c'est ce qui me fait conclure qu'elle était très instable et très variable.---- Est-ce qu'il me serait permis un peu de référer à mes notes votre Honneur ? Par la Cour.- Je suis surpris que vous ne les ayiez pas encore regardées. R. Comme caractère, après avoir interrogé son mari, la matronne........... --------------- Q. J'avais oublié aussi le témoignage du mari---- le mari a été entendu ce matin---- tous ceux qui ont été entendus ? R. Il me parait évident qu'elle a de gros troubles du caractère, très irritable, à tel point que le mari, pour éviter toutes espèces de complications, évitait de lui parler pour ----- ne pas l'irriter. J'ai constaté aussi qu'elle se levait chaque nuit, et la matronne aussi a constaté le même fait durant son séjour à la prison. Par conséquent nous sommes en droit de conclure qu'elle avait des insomnies. A maintes reprises ella présenté des anxiétés refusant à certain temps de demeurer seule dans la pièce, ou encore allant d'une façon absolument impulsive, --------- constater qu'elle avait vu l'objet --je dois faire remarquer que ce fait n'a pas été constaté ni par le mari ni par la matronne. Q. (Par la Cour) C'est eule seule qui vous l'a dit ? - 11 - R. D'une façon spontanée, votre Honneur. J'ai constaté aussi, comme symptôme physique pouvant donner raison à ce déséquilibre mental, un palais légèrement ogival. Je m'explique. En maladies mentales on reconnait comme très utile mais pas absolument nécessaire, de découvrir des stigmates de dégenerescence mentales physiques. Il m'a paru qu'elle avait aussi une assymétrie faciale. Q. Qu'est-ce que c'est que ça ? R. C'est à dire qu'elle avait un côté de la face qui était plus grande que l'autre. Je dois avouer qu'il y a de ce côté, quoique non douloureux, une petite bosse, une nodosité qui indiquerait en médecine peut être un état d'abcès qui n'est pas en évolution actuelle. Cette personne est excessivement anémique. Elle est blafarde. Les deux fois que je l'ai vue elle avait un léger oedène, c'est à dire une enflure du côté de ses deux jambes. Elle présente à certains point s de son corps des troubles de la sensibilité. Je m'explique, c'est à dire qu'à l'aide d'un instrument piquant, ou à l'aide des doigts en pincant à certains endroits de son corps, elle ne rescent pas aussi vivement d'un côté que de l'autre, ou indifférement. Ces troubles de la sensibilité se présentent couramment dans tous les états de débilité mentale. Si j'étais appeler à préciser mon diagnostic que j'ai généralisé otoute à l'heure, sa forme d'aliénation mentale, en la considérant du commencement de son existence jusqu'à l'heure actuelle, et ayant noté tous les faits, les faits extraordinaires et mystérieux qu'elle est censé avoir commis, je dois porter le diagnostic: Aliénation mentale à forme de débilité mentale qui s'aggrave à l'aide de troubles du côté du sens génital, - 12 - c'est à dire du côt de ses organes de la maternité, constatant qu'elle a eu des troubles dans ses règles et que chaque fois qu'elle a été enceinte elle a présenté des symptômes d'aliénation mentale, pour moi, absolument typiques. Q. Docteur Prévost, l'accusé a-t-elle pu inventer les symptômes que vous venez de relater à la Cour d'après votre examen personnel ? R. Non,Monsieur. Q. Pourquoi ? R. Parce que ces choses là sont du domaine d'un médecin spécialiste en médecine nerveuse et mentale. Q. Est-ce que des faits semblables sont rapportés dans les annales de la médecine ? R. Couramment Monsieur. Q. Au point de vue de l'aliénation mentale ? R. Oui ,Monsieur. Q. Des faits identiques ? R. Oui ,Monsieur. Q. Croyez-vous que l'accusée est censée connaître ces faits de maladies semblables ? R. Non. Q. Pouvez-vous dire quel effet cela produit sous le rapport de sa responsabilité, son état mental ? Objecté par Mtre Lachance de la part de la Couronne à cette question comme en étant une qui est du ressort du Jury. Objection renvoyée. R. Je considère l'inculpée comme irresponsable. Source: ANQ, TP 999, 1960-01-3623, 1B 014 01-04-004B-01, Cour du banc du roi, assises criminelles, district de Québec, Déposition du Dr Albert Prévost, procès de Marie-Anne Houde pour meurtre, avril 19, 1920, 7.
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