La petite Aurore l’enfant martyre(film, 105 minutes) Scène où Catherine rend visite aux Andois, elle frappe à la porte et entre. Marie-Louise : Tien, notre nouvelle mariée. Catherine : Bonjour Marie-Louise! Marie-Louise : Bonjour, v’nez vous asseoir. Catherine : Oh! Vous dérangez pas, y a longtemps qu’suis pas montée vous voir, hein! Ben vous comprenez avant mon mariage j’étais trop pressée, pis après ben ça m’a pris un p’tit bout temps avant d’tout connaître tout les airs d’la maison et puis avant d’accoutumer tout les enfants à moi. Marie-Louise : Comment sont-ils les p’tits? Catherine : Oh! Les enfants y sont fins, une vraie bénédiction. (Elle aperçoit Aurore couchée, qui a l’air très malade.) Marie-Louise : … Abraham, lui? Catherine : Ben la vôtre est ben chétive, savez-vous que ça peut devenir grave. Marie-Louise : Si elle pouvait mourir serais ben débarrassée… Catherine : Oh! Dites pas ça. Marie-Louise : On voit bien qu’vous êtes pas à ma place. C’est juste pour bouger pis ça trouve encore le moyen d’être pas endurable. Si a pouvait être assez fine de mourir sans qu’personne s’en aperçoive. Le monde est assez méchant qu’y pourrait jaser sur mon compte. Catherine : Savez-vous j’étais venue pour vous emprunter votre p’tit moulin à viande. Marie-Louise : Oh ben y est pas ici. Théodore s’en est servi. Ça va m’prendre cinq minutes pour aller l’chercher hein parce qu’y doit pas être en très bon ordre. (Marie-Louise sort, Catherine s’approche d’Aurore et s’assied près du lit.) Catherine : Aurore, Aurore! Aurore: Oui, madame. (Aurore se réveille et s’assied dans son lit) Catherine : Mon doux seigneur, mais c’est-y possible. Comment as-tu fais pour te brûler comme ça? Aurore : Ben euh! Catherine: Ben quoi! Aurore: C’t’un accident. Catherine: Tu m’a pas l’air à être sûre. Sois sans crainte, elle est partie, tu peux tout me conter. Aurore : J’peux pas parler. Catherine : Pourquoi? Aurore : Parce qu’elle a dit qu’elle me crèverait les yeux si j’parlais. Catherine : Oh! Écoute-moi bien, j’dirais pas un mot à personne de tout ce que tu vas me raconter. Seulement, si j’étais au courant des fois… sans faire semblant de rien ben j’pourrais m’arranger pour t’aider. Seulement dis-moi tout hein, conte-moi pas de mensonges, c’est pas joli. Aurore : Ben, elle m’a pas touchée depuis deux semaines. Catherine : Oui, mais avant? Aurore : Avant elle m’faisait faire tous les ouvrages de la maison, pis, quand j’allais pas assez vite, ben, elle m’battait. Catherine : Ton père, qu’est-ce qui dit de ça? Aurore : Bien papa, y croit tout c’que madame lui dit et puis quand j’veux dire quelque chose, elle dit qu’c’est pas vrai pis y m’bat. Catherine : Qu’est-ce qu’a t’a fait encore? Aurore : Bien quand j’pouvais pu travailler, pis qu’j’avais soif, elle m’faisait boire d’la lessive, m’faisait manger du savon puis elle me battait avec une courroie. J’en ai encore toutes les marques. Catherine : Pis j’suppose que des brûlures dans ta tête ça s’est fait tout seul. Ah! c’est-y possible d’aller à l’église tous les dimanches, pis d’massacrer un enfant comme ça. J’serais en conscience si j’allais pas raconter ça à monsieur l’curé tout suite. Aurore : Faites pas ça, elle saurait pis elle nous a dit qu’elle nous arrach’rait la langue à Maurice et à moi si on parlait. Elle s’en vient! Catherine : Chut! (Aurore se recouche) Catherine : Pis aie pas peur, tout ce que tu viens d’me dire j’en dirais pas un mot à personne. (Catherine se lève, Marie-Louise entre avec le moulin à viande dans les mains) Marie-Louise : J’ai pas été trop longtemps toujours? Catherine : Oh non! Oh non! (Marie-Louise remarque la chaise près du lit d’Aurore, elle la ramène près de la table en regardant Catherine. Il y a un malaise. Catherine lui prend le moulin des mains.) Marie-Louise : Mon doux vous repartez donc bien vite. Catherine : Ah bien avant qu’j’aie fait cuire ma viande, pis la hacher, j’peux pas m’amuser trop trop. Au revoir donc! Marie-Louise : Tâchez d’pas trop avoir de misère avec vos p’tits. Catherine : Ah! y a pas d’saint danger!… j’sus pas une femme pour maganer mes enfants, moi! (Catherine sort. Marie-Louise se retourne vers Aurore.) Marie-Louise : T’a parlé toi, tu t’rappelles c’que j’t’ai dit si tu parlais… Aurore : Non, non… Scène où Marie-Louise brûle les mains d’Aurore sur le poêle. Source: Extrait du scénario du film «La petite Aurore l'enfant martyre», Jean-Yves Bigras dir., Montréal: France Film, 1952.
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