PORTRAIT INTÉRESSANT DE « GEROME »
Sa vie avant d’être retrouvé à Meteghan---Détails publiés pour la première fois.
Chipman, N.-B., 8 sept.
Rédacteur en chef du Yarmouth Herald :
MONSIEUR,-- En lisant le Sun de Saint John aujourd’hui je suis tombé sur un article de trois colonnes tiré de votre journal et intitulé « Le mystère de Meteghan » qui décrivait un homme étrange laissé sur le rivage de l’isthme de Digby il y a 44 ans par un bateau identifié par de simples pêcheurs comme étant une canonnière.
Un monsieur assis à mes côtés à qui j’ai montré l’article (et je me permets de dire que cet homme avait plus de 70 ans et qu’il était une autorité des plus dignes de foi) m’a dit qu’il avait su l’histoire de cet homme étrange deux ou trois ans avant sa découverte sur le rivage de l’isthme de Digby il y a 44 ans. Il ne connaissait pas l’origine ou la nationalité de cette personne, mais les faits qu’il a relatés vont comme suit :
Il y a 46 ou 47 ans, deux frères du nom de Conroy, des bûcherons habitant près d’ici, et dont l’un est encore en vie, ont trouvé un homme étrange étendu sur un des dépôts de billots, un endroit où les bûcherons roulent les billots jusque dans le courant, sur le bord de la rivière Gaspereau, à 20 milles d’ici. Cette personne était presque morte, ses deux jambes gravement gelées. Ils l’ont emmené ici et il a été pris en charge par les responsables de la paroisse. On a constaté que, pour lui sauver la vie, il serait nécessaire de lui amputer les deux jambes. Il a donc été emmené à Gagetown, ville principale du comté de Queens, où le Dr Peters, qui jouissait à l’époque d’une renommée locale en tant que chirurgien, a pratiqué l’opération. L’homme s’est rétabli et aussitôt qu’il a été en état d’être déplacé il a été ramené ici, où on a pris soin de lui durant près de deux ans aux frais de la paroisse, il a vécu dans une famille du nom de Galligher. Certains membres de cette famille, je crois qu’il a dit Mme Galligher, vivent encore à environ deux milles d’ici.
Il semble presque certain que les gens des environs n’ont pas été aussi hospitaliers que les simples pêcheurs acadiens du comté de Digby, puisque même les responsables de la paroisse étaient déterminés à se débarrasser du pauvre impotent et dans ce but, il a été amené à Saint John où des arrangements ont été pris avec le capitaine d’une goélette pour le transporter de l’autre côté et le laisser en Nouvelle-Écosse. On connaît bien le nom de celui qui l’a emmené loin d’ici, mais on ne sait rien des arrangements exacts de son transport de l’autre côté de la baie de Fundy, seulement le fait qu’il a été laissé là-bas.
On a fait d’énormes efforts là-bas pour apprendre qui il était et d’où il venait, mais soit il était incapable, soit il refusait de comprendre les langues dans lesquelles lui parlaient les gens de l’endroit, incluant le prêtre de la paroisse. On a supposé qu’il venait d’un bateau étranger ancré à Chatham et qu’il tentait de se rendre à Saint John ou vers un port ouvert l’hiver.
Le monsieur a dit qu’on avait l’impression ici que l’homme n’avait pas toute sa tête, probablement à cause de la terrible expérience d’être perdu et gelé dans un pays étranger.
J’ai brièvement mis sur papier les faits comme ils m’ont été rapportés par le monsieur mentionné ci-dessus et il serait facile de les faire corroborer par plusieurs témoins encore vivants. J’ai oublié de dire qu’on le connaissait sous le nom de « Gamby » et qu’on lui avait donné ce nom, car lorsqu’il tentait de se faire comprendre, il utilisait souvent un mot qui ressemblait à celui-là.
Bien à vous,
M. R. O. Foss,
Ingénieur adjoint du district,
Transcontinental Hy.,
Fredericton, N.-B.