La véritable histoire de Jérôme, le mystérieux cul-de-jatte de Meteghan, maintenant racontée par A. W. Savary
Au rédacteur en chef du Telegraph :
Monsieur : -- Le document ci-joint, à l’exception du post-scriptum, est une copie de la lettre que j’ai envoyée au New York Herald concernant Jérôme.
A. W. SAVARY
Annapolis Royal, 31 mars 1909.
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(Jérôme, le cul-de-jatte muet retrouvé à Meteghan, en Nouvelle-Écosse)
Au rédacteur en chef du New York Herald :
Monsieur,
Puisque j’ai appris que le Herald avait récemment demandé plus de renseignements concernant Jérôme, l’homme qui, après que ses jambes eurent été amputées, a été abandonné sur le rivage de la baie de Fundy à Sandy Cove, dans le comté de Digby en Nouvelle-Écosse, peut-être publierez-vous les résultats de mon enquête et les conclusions tirées à son sujet pour vos lecteurs. J’ai consulté Maître Robert Bishop, juge de paix à Sandy Cove, M. Samuel Gidney de Mink Cove, quatre milles au sud de Sandy Cove, Maître Angus M. Gidney, auparavant de Mink Cove et maintenant propriétaire du Wohneda Lodge à Imbertville, Smith’s Cove, comté de Digby, un des membres de l’Assemblée législative de la province, et M. John Mecchi, de Meteghan, marchand, gentleman italien et ancien officier de l’armée italienne qui s’est installé à Meteghan quelques années après que Jérôme y ait été placé et qui a été naturalisé comme sujet britannique. J’ai consulté MM. Bishop et A.M. Gidney oralement ainsi que par écrit. J’ai obtenu l’information des MM. Gidney il y a quelques mois seulement et cela, ajouté à ce que M. Mecchi m’a raconté, a dissipé tout doute que j’avais à l’effet que l’homme aurait pu être portugais plutôt qu’italien.
En août 1863, M. Bishop, accompagné de William Eldridge, qui est plus tard déménagé à Portsmouth, N.H., travaillait sur une colline à Sandy Cove qui surplombe la baie de Fundy lorsqu’en après-midi, il a aperçu deux petites goélettes à poupe étroite approchant le havre par le nord-est. C’était une catégorie de bateau très commune dans les ports des deux côtés de la baie de Fundy, des bateaux de pêche. L’une précédait l’autre d’environ un demi-mille. « La première est restée dans l’anse, a louvoyé puis est demeurée à distance avec son foc au vent; ils ont mis la barque à l’eau, l’ont chargée de plusieurs choses et elle (la barque) s’est rendue jusque sur la plage sablonneuse », pour y chercher de l’eau ont cru les observateurs, puisqu’il y avait un petit puits d’eau fraîche sur la plage au pied de la berge à un endroit où les navires avaient l’habitude de venir remplir leurs tonneaux d’eau. Bien entendu, à cause de la berge et des arbres, ils ont perdu de vue le bateau lorsque ce dernier a atteint le point de débarquement. Les observateurs n’auraient plus repensé à cet évènement banal n’eût été de ce qui s’est passé par la suite. Une fois que la barque est revenue, ces deux « goélettes » sont « reparties vers le N.O. ». M. Bishop m’a écrit que « peu de temps après » (mais lors d’une conversation avec lui en 1907, je l’ai entendu dire qu’il s’agissait du lendemain matin), alors que lui et Eldridge travaillaient sur cette même colline, un jeune homme du village plutôt simple d’esprit nommé George Albright, qui est mort depuis, a couru vers eux en criant avec excitation qu’il y avait un homme sans jambes sur le rivage. Ils sont descendus et l’ont trouvé. Près de la source, où il avait manifestement été placé, ils ont trouvé des biscuits de marins et une carafe d’eau, mais l’homme, lui, avait « rampé sur la plage à mi-chemin vers la marée, qui était alors haute et n’était qu’à cinq pieds de lui! Il se déplaçait avec ses mains, dans une position assise et en poussant sur le sol à l’aide de ses paumes, il se levait et se propulsait vers l’avant, ses moignons devant lui. Quelques minutes de plus, et il se serait retrouvé là où des milliers de gens semblables à lui, d’enfants abandonnés des classes inférieures de l’humanité et de prolétaires de nos grandes villes vont tous les jours, sombrant dans l’oubli et l’anonymat, sans personne pour les pleurer, minuscule goutte dans le vaste océan de la misère humaine, de la souffrance et de la mort. Il a été sauvé de la marée et emmené dans une maison du village nouvellement inhabitée et tous les efforts possibles ont été déployés pour lui soutirer son histoire, mais il ne pouvait parler anglais et ne disait que quelques mots qu’on croyait être en italien. Le seul mot qu’on a pu comprendre et lui donner comme nom était « Jérôme ». Lorsqu’on lui demandait d’où il venait, M. Bishop dit qu’il répondait « Colombo », mais d’autres qui l’ont vu se demandent s’il voulait dire par là l’endroit d’où il venait, son propre surnom, ou le nom du bateau sur lequel il était venu jusque dans ce pays. On lui a offert une plume, de l’encre et du papier, mais il a signifié qu’il n’avait jamais appris à écrire. Il semblait avoir environ 24 ans.
M. A.M. Gidney, qui l’a vu le jour suivant, dit qu’il semblait peu intelligent, mais qu’il tentait de toute évidence de comprendre et de répondre aux questions qui lui étaient posées. Il disait « Si » lorsqu’il voulait manifestement dire « oui » et il se faisait comprendre aussi clairement quand sa réponse était négative. Lorsqu’on lui a demandé comment il en était venu à perdre ses jambes, il a répondu « froid ». Je suppose qu’à cause du choc physique de l’amputation et de l’hypothermie, il était en train de devenir dément, mais ne l’était pas encore totalement; et il se pourrait bien que d’être placé parmi des francophones après avoir appris un peu d’anglais ait précipité son mutisme, dans lequel sa démence s’est développée. Les surveillants des pauvres de Sandy Cove ont fait une demande auprès des députés du comté qui siégeaient à l’époque au parlement provincial et ceux-ci ont volontiers accordé 2,00$ par semaine pour subvenir à ses besoins à partir d’un fonds voté par le gouvernement pour le « soutien des pauvres transitoires », c’est-à-dire les indigents n’ayant pas de domicile dans une municipalité spécifique de la province. Il a été placé chez un Acadien du côté opposé de la baie Sainte-Marie puisqu’il était apparemment italien et donc on supposait qu’il était catholique. Là-bas, dans la communauté française, vivait à l’époque un Corse du nom de Jean-Nicolas qui avait été soldat pendant la guerre de Crimée, un homme très rude et ignorant qui avait un problème d’élocution et était incapable de s’exprimer clairement en italien, en français ou en anglais. Selon mes renseignements, Nicolas n’a pu lui soutirer que quelques mots. Mais il est probable que si M. Mecchi, une personne éduquée et intelligente, avait été présent à ce moment-là, il aurait pu réussir à obtenir tous les renseignements sur son nom et son identité. M. Mecchi m’a informé qu’il avait à l’occasion réussi à obtenir de lui quelques mots, suffisamment pour découvrir, à partir du dialecte qu’il parlait, qu’il provenait de la rive nord ou adriatique de l’Italie puisqu’il disait « fretto, fretto » pour « très froid » et « Sior so » pour « Si Signor », des expressions propres aux Italiens de cette région. J’ai vu qu’un correspondant du Sunday Herald avait écrit le 9 décembre 1906 qu’il aurait une fois mentionné « Trieste » comme l’endroit d’où il était originaire. Ceci tendrait à corroborer l’opinion de M. Mecchi, car Trieste, bien qu’il s’agisse d’une ville autrichienne, est une ville portuaire de l’Adriatique où vit une population italienne nombreuse dont la langue serait incompréhensible pour un Corse ignorant.
On a fait si peu de cas de l’affaire à ce moment-là que je n’en ai entendu parler qu’un an ou deux plus tard, même si je rencontrais M. Wade, un des députés du comté, que nous discutions des affaires du comté presque quotidiennement et que mes fonctions et activités professionnelles de l’époque en tant que politicien m’amenaient continuellement à être en contact avec les dirigeants francophones de Meteghan et les anglophones de Sandy Cove. Je ne saurais dire si un journal était publié à Digby en 1863. Il y en avait un en 1862, mais la presse de la province n’a assurément pas cru que l’évènement était digne de mention si toutefois quelqu’un avait cru bon de le rapporter à la presse, mais il est plutôt surprenant que le gouvernement n’ait pas offert de récompense pour retrouver les personnes qui ont ainsi abandonné Jérôme. Quant aux autres, qu’avaient-ils à faire d’un pauvre Italien bon à rien, issu de la lie de la société, qui n’arrivait même pas à écrire son propre nom? Ce sont les auteurs imaginatifs et hardis s’adressant aux amoureux du sensationnalisme qui, dans les années suivantes, lui ont donné l’importance de l’Homme au masque de fer, suggérant qu’il avait été laissé sur le rivage par un grand bateau ou une canonnière qui aurait disparu tel un bateau fantôme d’une vieille légende étrange et que l’homme aurait été vêtu d’un uniforme d’officier, laissant croire que ses jambes avaient été coupées pour l’empêcher de parler, de peur qu’il ne révèle un affreux secret, un crime de la mafia, ou quelque chose du genre, ou alors qu’il était peut-être l’héritier d’une grande succession, mutilé par le prochain successeur, dont la merveilleuse intuition avait prédit qu’une telle opération l’empêcherait de révéler son identité. Il est remarquable de constater que les correspondants de journaux et les autres qui, charmés par le romantisme et le prestige de ce mystère, ont fait des recherches et des enquêtes sur Jérôme, n’ont jamais cherché à interviewer ceux qui étaient bien au fait de sa découverte et qui l’ont vu peu après, ni à s’informer auprès du brillant Italien que j’ai nommé plus tôt, mais se sont contentés des racontars et des ouï-dire des gens qui n’étaient pas encore nés ou qui n’étaient que des enfants au moment des évènements et qui ont imaginé les détails que ne pouvaient leur fournir leurs informateurs.
Lors de ma première visite à Meteghan, après avoir entendu parler de lui, probablement en 1864 et peut-être aussi tard qu’en 1865, je suis allé le voir et d’après son apparence, j’ai conclu qu’il était un marin âgé de trente ans tout au plus qui avait sombré dans la démence à la suite du choc physique causé par tout ce qu’il avait vécu. Il semblait être victime d’une profonde mélancolie et m’a lancé un regard plein de pitié et de reproche et est sorti de la pièce en rampant lorsqu’il s’est rendu compte que je parlais de lui avec son hôtesse. J’ai pensé qu’il n’avait pas le teint aussi foncé qu’ont habituellement les Italiens que j’ai vus dans ce comté.
M. Samuel Gidney, en l’an 1879, pour autant qu’il puisse se rappeler, ou environ 16 ans après la découverte de Jérôme, alors qu’il était en voyage à Boston, a mouillé l’ancre dans le port d’un endroit appelé Little River dans l’État du Maine et y est resté une nuit. En soirée, deux hommes de l’endroit ont visité le bateau. En apprenant que le bateau venait de Sandy Cove, un des hommes a demandé à M. Gidney si plusieurs années auparavant un homme dont les jambes avaient été amputées avait été retrouvé sur le rivage de l’endroit. En recevant une réponse affirmative, il a dit à M. Gidney que c’était lui qui l’avait débarqué là; qu’il l’avait transporté d’un endroit au Nouveau-Brunswick où les gens l’avaient payé pour qu’il le débarque en Nouvelle-Écosse afin de décharger leur paroisse ou leur ville des coûts de son entretien. M. Gidney n’a pas jugé le renseignement assez important pour le communiquer à la presse, mais l’a mentionné au passage à d’autres qui sont également demeurés indifférents. Peut-être ne savait-il pas à cette époque que Jérôme était toujours en vie. C’est tout ce que M. Gidney m’a écrit, mais M. A.M. Gidney m’a fourni le reste de l’histoire que le pêcheur du Maine avait racontée puisqu’il l’avait entendue à l’époque où son cousin avait reçu et transmis l’information. L’homme avait embarqué « clandestinement » sur un bateau italien et le capitaine l’a débarqué sur la côte du Nouveau-Brunswick, quelque part entre Saint John et l’État du Maine. Lors d’un après-midi glacial de mars, alors qu’il traversait un bassin de flottage en marchant sur les billots de bois, il a glissé et est tombé dans l’eau, puis a dormi la nuit suivante dans le moulin avec son pantalon mouillé. Par conséquent, ses jambes étaient tellement gelées que le chirurgien le plus proche a décidé qu’il était nécessaire de les amputer. Cette opération a donc été faite environ cinq mois avant sa découverte à Sandy Cove, ce qui concorde avec l’avis de ceux qui l’ont vu à ce moment-là et qui disent que ses jambes n’avaient pas été amputées depuis plus de six mois.
Un article corroborant ces révélations est paru dans le Sun de St. John, au Nouveau Brunswick, le 16 septembre 1905. Après avoir fait référence à une de ces fabulations que j’ai mentionnées, l’article continue comme suit : « Il semble dommage d’enlever son caractère romanesque à une histoire aussi palpitante, mais la vérité est que cet homme n’a pas été laissé sur le rivage par une canonnière et n’a pas perdu ses jambes lors d’un conflit militaire ». Voici l’explication de l’histoire de l’étranger de Meteghan : « Le sénateur King de Chipman (c’est-à-dire la paroisse de Chipman, comté de Queens, Nouveau-Brunswick) dit que cet homme a été retrouvé dans les bois à environ 25 milles de Chipman il y a de cela quarante-cinq ans. Il était étendu sur une pile de billots, à demi mort de froid. Comment il s’est rendu jusque-là et qui il était demeurent un mystère. Quoi qu’il en soit, l’homme a été transporté jusqu’à Chipman où on a pris soin de lui. Ses jambes étaient tellement gelées qu’on a jugé nécessaire de les amputer afin de sauver la vie de l’homme. L’opération a été faite par feu le docteur Peters de Gagetown, un chirurgien très doué. L’homme était de toute évidence étranger, déclare le sénateur, mais sa nationalité n’a pas pu être déterminée puisque le seul mot qu’on lui ait entendu prononcer était « Gamby »; c’est du moins comme tel qu’on l’a interprété. C’est par ce nom qu’on connaissait et qu’on appelait l’homme le temps de son séjour à Chipman. Il semblait avoir perdu l’usage de ses facultés. Ce sont les surveillants des pauvres qui prenaient soin de l’homme alors qu’il était à Chipman, mais soit ils se sont lassés de ce travail, soit la ville a éprouvé des difficultés financières et il a été décidé d’envoyer l’homme ailleurs. On l’a amené à Saint John par bateau à vapeur. Le sénateur King dit ne pas être certain si c’est à la demande des autorités de Saint John ou des habitants de Chipman que l’homme a été expulsé de la province, mais il se souvient qu’on a mis l’étranger à bord d’une goélette côtière et qu’on l’a amené en Nouvelle-Écosse, où on l’a cruellement abandonné, pauvre misérable sans jambes, incapable de parler de façon cohérente ».
J’ajouterai que j’ai écrit à l’Honorable sénateur King pour obtenir des renseignements plus précis que ceux recueillis dans l’interview précédente accordée au Sun, mais je n’ai reçu aucune réponse. Peut-être ne connaît-il rien de plus à ce sujet ou alors il ne souhaite pas étaler devant tous la conduite disgracieuse de ses anciens voisins, les fonctionnaires de la municipalité qui étaient les responsables d’un acte si bas. Il n’est pas impossible que l’homme s’était rendu dans les camps de bûcherons du Nouveau-Brunswick ou du Maine pour y travailler, comme avaient l’habitude de le faire les immigrants de son pays durant plusieurs années, mais s’était perdu en s’écartant de son camp après quoi est arrivée la mésaventure qui lui a coûté sa raison, ses membres inférieurs et l’a rendu incapable de révéler, particulièrement aux gens parlant une langue étrangère, le secret de son lieu de naissance et de sa famille.
Les lettres suivantes sont des copies de celles que j’ai reçues de MM. Gidney :
Mink Cove,
12 oct. 1908
Juge A.W. Savary,
Annapolis.
Cher Monsieur,
Reçu votre lettre du 15 du mois dernier. Incapable de répondre plus tôt puisque absent de la maison.
En lien avec l’homme appelé « Jérôme » je crois que c’était en 1879 j’étais en route vers Boston dans une goélette. Un soir nous avons accosté au port de Little River, dans le Maine. Le soir deux hommes sont montés à bord. Ils nous ont demandé d’où nous venions. Nous leur avons répondu de Sandy Cove. Ils nous ont demandé si nous nous souvenions d’un homme sans jambes qui avait été abandonné là-bas il y a plusieurs années. Nous leur avons dit que oui et il a répondu que c’était lui qui l’avait laissé là. Il a dit qu’il l’avait emmené du Nouveau-Brunswick. Des gens là-bas l’avaient engagé pour le laisser sur ce rivage pour épargner des coûts à la ville. Il m’a dit son nom mais je ne m’en souviens vraiment plus. C’est à peu près tout ce que l’homme m’a dit à son sujet.
En espérant que ceci saura vous satisfaire,
Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués,
(Signé A Samuel Gidney)
Smith’s Cove, N.-É.
5 sept. 1908
L’Honorable A.W/ Savary,
Annapolis.
Cher juge Savary,
J’ai reçu votre demande et pour répondre à vos questions concernant « Jérôme », je tiens à dire que je ne l’ai jamais entendu dire les mots Jérôme ou Colombo. Il est possible que ce dernier soit le nom du bateau sur lequel il était passager clandestin.
M. Samuel Gidney lors d’un voyage de Sandy Cove à Boston a accosté au port de Machias, dans le Maine. Un des habitants de l’endroit est monté à bord du bateau et en apprenant que la goélette venait de Sandy Cove a demandé s’il (Gidney) avait déjà entendu parler d’un homme sans jambes abandonné sur le rivage à cet endroit. Il a ensuite raconté l’histoire suivante. Un passager clandestin à bord d’un bateau italien qui ramassait son chargement quelque part au N.-B. entre Saint John et l’État du Maine avait été débarqué. En tentant de traverser un bassin sur des billots de bois il était tombé dans l’eau. Après être sorti du bassin il avait passé la nuit dans un moulin à bois. C’était au mois de mars et puisque la température était extrêmement froide ses jambes avaient tellement gelé qu’il avait été nécessaire de les amputer.
Les gens de l’endroit avaient donné à l’Américain qui pêchait le long de la côte du Nouveau-Brunswick dans un petit bateau dix dollars pour débarquer l’infirme en Nouvelle-Écosse. C’est ce qu’il a fait en le laissant à Sandy Cove.
Lorsque j’ai vu Jérôme le jour après qu’il ait été abandonné, il répondait ou tentait de répondre aux questions assez volontiers. Il nommait le gréement de différents bateaux dans la baie.
Il utilisait les mots « Si, Si » souvent et à sa façon de les utiliser j’ai cru qu’il voulait dire oui.
Il ne semblait pas très intelligent. Peut-être que cette impression est due à son incompréhension de notre langue.
Recevez mes meilleurs vœux,
Votre fidèle serviteur,
(Signé) A.M. Gidney.
J’ai le regret de dire que j’ai égaré la lettre de M. Mecchi, écrite il y a plusieurs années alors qu’il avait l’occasion d’être en relation quotidiennement avec son malheureux compatriote. Il parlait de la possibilité que l’homme ait une période de lucidité à l’approche de la mort, ce qui arrive fréquemment aux gens souffrant de démence depuis longtemps, et qu’il révèle son histoire, que les curieux désiraient tant connaître, à condition que soit présent quelqu’un pouvant comprendre et traduire les phrases possiblement insignifiantes et inintéressantes.
A.W. Savary,
Annapolis Royal, N.-É.
P.S. Depuis que j’ai écrit ce qui précède un monsieur travaillant pour le Sun de Saint John m’a informé que le sénateur King avait également déclaré que le malheureux travaillait à la coupe de bois pour son père (celui du sénateur) lorsque l’incident s’était produit. Il s’était égaré loin du camp.