Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 

ASSOCIATION CANADIENNE POUR LE BIEN-ÊTRE DES PRISONNIERS

UNE FEMME DOIT-ELLE ÊTRE PENDUE?

Marie Anne Houde (Mme Gagnon) de Québec a été condamnée à être pendue le 1er octobre prochain pour le meurtre de sa belle-fille.

Les membres de l’Association canadienne pour le bien-être des prisonniers sont pleinement conscients de la gravité du crime qui a été commis ainsi que du besoin de protéger la vie des enfants : en fait, plusieurs membres du conseil sont reconnus pour travailler activement avec des organisations qui oeuvrent pour la protection du bien-être des enfants. Néanmoins, l’Association est d’avis que la loi sur la peine de mort devrait être abolie et que la pendaison d’une femme ou d’une personne mineure est particulièrement répugnante aux sentiments humanitaires qui existent à notre époque.

Dans ce cas-ci, nous préconisons que la commutation de peine soit recommandée aux autorités pour les raisons suivantes :—

(1) Depuis qu’elle a été reconnue coupable et que sa sentence a été prononcée, Marie Anne Houde a donné naissance à des jumeaux, ce qui veut dire (s’ils vivent) que deux êtres humains vivront leur vie comme les enfants d’une femme qui a péri sur l’échafaud.

(2) Tout femme qui a vécu une maternité dans ces circonstances se voit conférer un droit spécial à l’indulgence, quel que soit son crime.

(3) Les médecins divergeaient d’opinion sur la santé mentale de la femme. Selon nous, les excès mêmes de cruauté devraient créer des doutes à savoir si elle était normale du point de vue psychologique étant donné sa maternité prochaine, même si elle pouvait être jugée comme normale. Ce cas fait certainement partie de ceux où le bénéfice du doute doit être pleinement accordé.

(4) Nous croyons que le lieu du procès aurait dû être changé à cause des sentiments de la population locale.

Il n’est aucunement question pour ceux qui appuient cette pétition de laisser cette femme s’en sortir sans être punie, mais nous sommes persuadés que justice peut être pleinement rendue sur cette terre.

Certains de nos membres féminins ne sont pas d’accord avec le fait que notre argument soit basé sur le sexe; mais la majorité de nos membres est persuadée que le public canadien ne pourra jamais ignorer cette loi tacite qui, malgré la reconnaissance des « droits des femmes », exempte les femmes de commettre des actes de violence physique ou d’en être sujettes; en conséquence la pendaison d’une femme par des hommes est un acte auquel doivent tenter de s’opposer la communauté chrétienne et le public humanitaire.

La Province de Québec a déjà pendu un mineur cette année. Est-ce qu’elle devra également inscrire dans ses livres de 1920 la seule pendaison d’une femme durant la dernière décennie?

(Signé) GEORGE P. GRAHAM, président :
ancien ministre des Chemins de fer.
ROBERT BICKERDIKE, président hon. :
JOHN KIDMAN, secrétaire correspondant hon.

B. P. 542,
Montréal, P. Q.

7 août 1920.

Source: ANC, , RG 13, Box 1507, File Houde Marie-Anne, vol. 1, part. 1, Canadian Prisoners' Welfare Association, "Is a Woman to Hang?," août 7, 1920, 1.

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