Lettre en provenance de Biddulph.
BIDDULPH, 13 avril 1881.Au rédacteur en chef de l’Irish Canadian.
MONSIEUR – Mon attention a été attirée par une lettre datée du 28 mars et signée « Zoulou », parue dans votre numéro du 31 dernier. L’auteur de cette lettre, alors qu’il semblait chercher à innocenter cette communauté, tient des propos extrêmement préjudiciables à celle-ci. Je pense déceler dans de telles affirmations le pied fourchu d’un ennemi des habitants fortement calomniés de cette municipalité. L’auteur de la lettre ne doit pas s’imaginer qu’il peut se faire passer pour un ami des catholiques de Biddulph parce qu’il fait quelques affirmations les disculpant en apparence concernant à l’attitude injuste de la presse de London à l’endroit des citoyens de Biddulph; alors qu’il fait d’autres déclarations préjudiciables à leur réputation, déclarations qu’il sait être fausses.
Au sujet de la tragédie, il déclare : — « Je défie quiconque de nommer un crime commis ou une personne agressée en-dehors des personnes directement impliquées dans cette malheureuse querelle, qui s’est terminée de façon si tragique. * * * Mais la stricte vérité est qu’en tout temps, peu importe l’intensité de l’animosité entre les parties adverses, les étrangers qui ne fraternisaient avec aucune faction ont toujours été autant à l’abri de la violence et de la brutalité que Robinson Crusoé l’était sur son île déserte. » Ici, le lecteur est informé de façon malveillante qu’il y a deux clans rivaux à Biddulph, ou du moins que c’était le cas avant la tragédie; que la plus intense animosité existait entre ces clans, qui se querellaient sans cesse entre eux, et que leurs querelles ont culminé en l’effroyable tragédie des Donnelly; et par-dessus tout, que les ex-prisonniers étaient de ceux qui étaient directement impliqués dans la regrettable querelle qu’il dit s’être terminée si effroyablement par le terrible massacre de plusieurs membres de la famille Donnelly en ce mémorable quatre février 1880.
Or, Monsieur, tout ceci est un vil mensonge; et je défie quiconque d’opposer à mes propos une contradiction justifiée. Et voici ce que j’ai à dire sur le sujet :
Il n’y a jamais eu deux clans ou parties adverses à Biddulph en ce sens odieux qu’il existe de tels clans partout, c’est connu. Il n’y a donc pas et n’y a jamais eu de querelles constantes entre deux classes de la communauté; en conséquence, la tragédie des Donnelly n’était pas (comme le prétendait votre correspondant) le résultat d’une querelle quelconque. Il faudrait qu’une querelle soit vraiment terrible et haineuse pour se terminer aussi affreusement que votre correspondant prétend que nos supposées querelles se sont terminées. Notre ami pourra apprendre du Free Press de London pourquoi la tragédie des Donnelly s’est produite à Biddulph s’il ne le sait pas déjà. Mais il sait jouer son rôle de calomniateur sous les traits d’un ami; mais nous ne sommes pas assez dupes pour ne pas voir son jeu hypocrite.
Les journalistes de l’Advertiser et du Free Press ont affirmé à plusieurs reprises, de la façon la plus éhontée qui soit, que des clans ennemis avaient toujours existé à Biddulph, se livrant à des querelles et à des disputes qu’ils auraient importées d’Irlande. Votre correspondant actuel a envoyé de nombreuses communications à ces journaux pour réfuter les mensonges de leurs journalistes respectifs; mais en aucun cas ils n’ont publié d’articles pour réfuter les mensonges de leurs honnêtes journalistes. Ils les ont envoyés à Biddulph avec la mission de puiser à la source du roi des mensonges ce qu’ils jugeraient propre à calomnier une certaine partie de la population de Biddulph; et il semble qu’ils aient été déterminés à ce que les mensonges de leurs chers journalistes – aussi loin que s’étend leur pouvoir – soient reçus comme des vérités.
Et maintenant, afin que la calomnie soit complète, quelqu’un s’avance portant le masque d’un ami, et emprunte le nom de plume d’un véritable ami des citoyens de Biddulph, se présente à la porte de votre bureau, exigeant que cette calomnie éculée soit révélée aux nombreux lecteurs de votre journal parfaitement honnête et indépendant. Et spontanément, vous avez consenti à sa requête, ne sachant pas quel coup il donnait ainsi à une part de la population, dont vous êtes le seul avocat et défenseur en tant que journaliste dans ce Dominion; et maintenant qu’on a abusé de vous de façon aussi fourbe, il n’en tient qu’à vous de faire amende honorable en publiant la présente, afin de faire savoir à nos ennemis qu’il y a au moins un journaliste honnête dans le Dominion qui ne fera pas délibérément de faux témoignage contre son voisin, et qui ne permettra pas à des mensonges de passer pour des vérités quand il les détecte.
Il est clair que ce n’est pas pour les catholiques de Biddulph que votre correspondant se fait du souci. Ce doit être quelqu’un qui ne fait pas de bonnes affaires à Lucan; ou encore quelqu’un qui veut vendre sa ferme, et qui de toute évidence ne veut pas entendre dénigrer l’endroit. Mais il prend un drôle de moyen pour préserver la bonne réputation de l’endroit ou plutôt pour la maintenir – car c’est ce qui est, et sera, indispensable aussi longtemps que les autorités de Lucan ne chercheront pas à faire cesser le chahut ou à punir les voyous qui font des mauvais coups dans les rues.
[...] Mais de tous les vils gredins mentionnés, les journalistes sont les plus vils parmi les plus vilains, de l’avis des habitants de Biddulph. À ce sujet, je dois, pour être juste, exonérer le Herald de London, si orangiste soit-il, ou qu’il soit réputé l’être; et je dois dire qu’à mon avis, M. Lloyd, le journaliste du Herald , est un gentleman honorable. Les journalistes dont j’ai parlé n’ont pas plus d’animosité envers la communauté de Biddulph qu’envers n’importe quelle autre au pays. C’est seulement leur haine invétérée envers les catholiques qui les incite à calomnier les gens de la région en exagérant le moindre incident qui se produit ici et en cherchant à en jeter l’anathème sur la portion catholique de la population.
Comme la vraie histoire de la criminalité de Biddulph sera publiée en novembre ou en décembre prochain, je m’abstiendrai d’en dire davantage sur le sujet dans la présente; mais considérant ce que les journalistes fallacieux ont déjà dit sur le sujet et les événements de la localité, et appréhendant ce qu’ils pourraient encore dire, sachez que j’ai l’intention de vous écrire une autre lettre, dans laquelle je révélerai des faits qu’il est primordial que les lecteurs de votre journal connaissent. D’ici-là, sachez que le premier jour de février 1880, les voleurs, incendiaires, meurtriers, etc. de Biddulph étaient au nombre de vingt-cinq, sans compter leurs complices et amis. Leur quartier général se trouvait bien entendu sur la célèbre Roman Line. Je dois concéder cela aux journalistes, mais ils doivent de leur côté concéder qu’il existait deux autres bandes, une à Lucan et une à Clandeboye, qui étaient toutes deux aussi viles que celle de la Roman Line. Dans ma prochaine lettre je dévoilerai quels membres de cette bande infernale se disent catholiques et quels autres se disent protestants. Les gens de cette localité ne souhaitent pas perpétuer cette note tragique éternellement, mais comme les journalistes de la presse de London et aussi du Globe and Mail de votre ville sont déterminés à continuer leur croisade pour calomnier les catholiques de cette communauté, nous devons essayer de rétablir les faits devant ceux qui, parmi nous, achètent votre journal – et les colonnes d’un journal et la parution prochaine de l’histoire sont les moyens tout indiqués pour y arriver.
Recevez mes salutations respectueuses,
VERITAS.