Les Micmacs : comment vivaient leurs ancêtres il y a cinq cents ans
Des forêts abondantes, des rivières poissonneuses
Il y a cinq cents ans, le climat ressemblait beaucoup au nôtre : des étés frais et humides, des mois de soleil et de brume, des hivers variant de froids et enneigés à ceux où il n’y avait pas de neige sur le sol et où les températures étaient au-dessus du point de congélation.
L’environnement des Micmacs à cette époque était cependant très différent. Aujourd’hui, il y a de vastes régions déboisées pour le pâturage, la culture, les villes et les villages. Il y a cinq cents ans, la terre était entièrement boisée de bouleaux, d’érables, de hêtres, de chênes, de pins, d’épinettes et de sapins. Ces arbres fournissaient l’écorce pour les maisons, les canots et les contenants; ils fournissaient aussi les racines pour les fixations, le bois pour le combustible et pour façonner une grande partie des outils dont avaient besoin les Micmacs. La forêt abritait aussi de nombreux animaux. Il y avait des ours, des orignaux, des porcs-épics, des lièvres, des gélinottes et des pigeons migrateurs. Près des lacs et des ruisseaux, on retrouvait des castors, des rats musqués, des ratons laveurs et des loutres. Les seules clairières étaient faites de prés naturels, de marais et de tourbières ou de sections brûlées par les feux de forêts. Ces clairières étaient des endroits importants pour les Micmacs, car ils y trouvaient les plantes dont ils avaient besoin. Les plantes comestibles telles que les arachides, les canneberges, les bleuets, les fraises et les framboises poussaient dans ces endroits ensoleillés. Les plantes médicinales ou celles utilisées pour faire des paniers ou des paillassons provenaient aussi de ces endroits déboisés. Certains oiseaux y nichaient et les caribous et les orignaux venaient s’y nourrir.
À cette époque, il était fréquent de voir des caribous, des orignaux, des castors et d’autres animaux en ces lieux. Les rivières étaient si poissonneuses au printemps qu’elles avaient l’air de contenir plus de poissons que d’eau. Et les poissons étaient plus gros à l’époque. L’esturgeon pesait souvent plus de 400 kg alors qu’aujourd’hui, les plus gros pèsent environ 100 kg. Il y avait tellement de pigeons dans le ciel qu’ils cachaient parfois le soleil, comme un gros nuage. Le pigeon migrateur est une espèce qui n’existe plus aujourd’hui, mais il y en déjà eu des millions au pays des Micmacs. De grands troupeaux de phoques et de morses se prélassaient au soleil et donnaient naissance à leurs petits le long des rives des provinces maritimes; aujourd’hui les morses ont disparu et il ne reste qu’une faible population de phoques.
Les Micmacs trouvaient la plus grande partie de leur nourriture et les autres matériaux dont ils avaient besoin le long des rivages des baies, des criques et des rivières. Ils y passaient la quasi-totalité de l’année. Dans les eaux peu profondes, ils pêchaient des crustacés : palourdes, moules, buccins, bigorneaux, calmars, crabes et homards; et des poissons : plies, éperlans, aloses, raies, saumons et anguilles. Les oies, les canards et autres oiseaux aquatiques nichaient et se nourrissaient dans les environs. En eaux profondes, les Micmacs pêchaient le marsouin, l’esturgeon, l’espadon et les petites baleines. Ils chassaient le phoque et ramassaient les œufs d’oiseaux sur les îles environnantes.
Sur terre, ils pouvaient trouver la plupart des plantes et des animaux nécessaires sans être obligés de trop s’éloigner de la mer. Cependant, tard le printemps et l’automne, ils laissaient leurs résidences côtières pour remonter vers les endroits où les rivières se rétrécissaient et la communauté s’y rassemblait pour attraper le saumon et l’anguille. Ils se rendaient aussi à l’intérieur des terres pour un court laps de temps en hiver lorsque la nourriture fraîche se faisait rare sur la côte. […]
Les troupeaux de mammifères marins
Les Micmacs chassaient différents mammifères marins, dont le morse, le marsouin, la petite baleine et le phoque gris. Le plus important était le phoque commun. Sa viande était bonne à manger et sa peau était utilisée pour faire des mocassins et d’autres vêtements. Le produit le plus précieux était cependant l’huile provenant de la graisse. L’huile de phoque était particulièrement bonne pour assaisonner les aliments et pour enduire les cheveux et le corps. Le gras était bouilli dans l’eau et, lorsque l’huile flottait à la surface, on la transférait avec des louches dans des vessies d’orignaux pour fins d’entreposage. On chassait le phoque commun tout au long de l’année. Des troupeaux comptant des centaines de bêtes se prélassaient au soleil sur les plages sablonneuses dans les criques étroites. Les Micmacs s’en approchaient tranquillement en canot et les transperçaient d’un coup de lance en eau peu profonde lorsque les phoques tentaient de rejoindre la mer. […]
L’appel de l’orignal
L’orignal était le plus gros animal terrestre chassé par les Micmacs. En été, les chasseurs le traquaient et le tuaient avec des flèches. Puisqu’une seule flèche ne pouvait tuer un si gros animal, ils le suivaient et lui tiraient des flèches lorsqu’ils le pouvaient; parfois, ils le forçaient à se diriger près de leurs wigwams. Un gros orignal pouvait mettre un jour ou deux à mourir.
En période de rut, à l’automne, les chasseurs tentaient d’attirer l’orignal en imitant l’appel de la femelle avec un cornet d’écorce de bouleau. Quelques chasseurs tendaient une embuscade à l’orignal; ils l’attendaient, flèches et lances à la main et lorsque l’orignal arrivait à proximité, tous les chasseurs tiraient leurs flèches et leurs lances. L’hiver, les chasseurs utilisaient des chiens et portaient des raquettes pour traquer l’orignal. Le meilleur moment pour chasser était lorsqu’il y avait beaucoup de neige. Le lourd orignal s’enlisait dans la neige et s’épuisait très vite parce qu’il ne pouvait courir aisément. Les chiens dont se servaient les Micmacs étaient plutôt petits et légers, ce qui leur permettait de courir sans s’enfoncer dans la neige pour gêner et ralentir l’orignal. Les chasseurs, grâce à leurs raquettes, pouvaient eux aussi se déplacer assez vite sur la neige. Ils achevaient l’animal à l’aide de leurs flèches et de leurs lances.
Une fois l’orignal tué, les femmes le dépeçaient et ramenaient la carcasse au wigwam. Si l’orignal avait été tué loin du campement, les Micmacs établissaient un abri temporaire et campaient sur place pendant quelques jours. Les femmes découpaient la viande en longues tranches pour les fumer. Elles farcissaient les intestins de graisse, de viande et de baies avant de les suspendre dans un endroit enfumé du wigwam pour les utiliser plus tard. Toutefois, la partie la plus appréciée de l’orignal était la graisse blanche et crémeuse que les femmes tiraient des os. Elles brisaient les os avec des marteaux en pierre et plaçaient les morceaux broyés dans de grandes marmites de bois dans lesquelles elles préparaient les soupes et les ragoûts. Elles faisaient chauffer le mélange d’os et d’eau en plongeant des pierres chauffées au rouge dans la marmite. La graisse se mettait à flotter à la surface, puis elle était recueillie et versée dans des contenants faits d’écorce de bouleau pour la faire refroidir. Cette graisse était utilisée pour assaisonner la nourriture et, comme elle fournissait une énergie instantanée, on la consommait parfois telle quelle. On offrait de grosses boîtes de graisse en cadeau à quelqu’un que l’on respectait ou estimait particulièrement.
Les oiseaux étaient une source importante de nourriture que les enfants pouvaient aider à se procurer. En plus de recueillir les œufs, les enfants attrapaient des grouses avec un collet; ils s’approchaient de l’oiseau, lui passaient une corde autour du cou et tiraient d’un coup sec. Les enfants approchaient les oies sauvages alors qu’elles se nourrissaient dans les marécages et les assommaient avec un bâton.
Les adultes chassaient habituellement les oies la nuit. Deux ou trois hommes en canot ramaient silencieusement jusqu’au milieu d’une bande d’oiseaux endormis; puis ils allumaient des torches faites d’écorces de bouleau et faisaient du bruit. Les oies se réveillaient en sursaut et s’envolaient. Confuses, elles volaient autour des torches enflammées. Les hommes assommaient alors les oies puis leur tordaient le cou. Cette technique permettait aux Micmacs d’emplir un grand canot en une seule nuit. Après s’être fait un festin d’oie fraîche rôtie, ils fumaient le reste de la viande.
Les aliments fumés étaient consommés sans être cuits, mais la plupart de la nourriture était bouillie. On la faisait bouillir dans une grande marmite faite d’une bûche de bois franc. Pour creuser la bûche, on carbonisait le bois puis on grattait la partie brûlée jusqu’à ce que l’ouverture soit assez profonde. Ces marmites étaient si lourdes que les Micmacs en fabriquaient une à chaque endroit où ils devaient passer quelque temps. Ils avaient donc une marmite près de la côte et en des endroits en amont où ils pêchaient le saumon et l’anguille. Pour faire cuire la nourriture, ils remplissaient la marmite d’eau et à l’aide d’une paire de pinces en bois, ils y plongeaient des pierres chauffées. La chaleur des pierres amenaient l’eau à ébullition. Puis ils ajoutaient la nourriture qu’ils voulaient faire cuire. Ensuite, la soupe ou le ragoût pouvait être servi dans une assiette de bois ou d’écorce.
Parfois, ils faisaient rôtir la viande. Ils piquaient le morceau de viande ou le poisson sur un bâton pointu qu’ils plaçaient près du feu jusqu’à ce que la nourriture soit cuite, ou alors ils en plaçaient des morceaux sur une grille de bois vert qu’ils posaient directement sur la braise. Les plus gros morceaux de viande étaient cuits à l’aide d’une rôtissoire. Grâce à ce procédé, la viande était cuite uniformément sans qu’il y ait besoin de la surveiller de près. On fabriquait la rôtissoire en passant un câble au-dessus d’une perche qui surplombait le feu, puis on attachait les extrémités du câble à une broche qui traversait la pièce de viande. On donnait un élan à la viande pour la faire bercer – comme on pousserait un enfant sur une balançoire – puis on la laissait. La viande continuait de se balancer pendant un long moment, dans un mouvement de va-et-vient, jusqu’à ce qu’elle soit cuite de tous les côtés. […]
Une vie de famille paisible
Il était courant que deux familles parentes ou plus occupent le même wigwam. Le lien de parenté le plus étroit était celui entre frère et sœur, ce qui signifie que deux sœurs, leurs maris et leurs enfants, ou alors deux frères, leurs épouses et leurs enfants, pouvaient choisir de vivre sous le même toit. Les femmes y trouvaient leur compte puisqu’elles s’entraidaient et se tenaient compagnie lorsque les hommes étaient partis chasser. Quant aux hommes, ils formaient une équipe de travail avec qui ils s’entendaient bien, et ils se comprenaient entre eux puisqu’ils partageaient les mêmes habitudes – ce qui est important lorsqu’on chasse en silence.
Certains hommes avaient plus d’une femme. D’une part, cela leur donnait une famille plus nombreuse qui pouvait les aider au besoin et d’autre part, cela leur permettait d’avoir davantage d’enfants. C’est pourquoi dans certains camps de wigwams, de nombreuses personnes vivaient ensemble, en particulier des gens des plus respectés avec qui vivaient leur propre famille et d’autres enfants.
Pour que tous ces gens vivent dans l’harmonie sur le même site, chacun devait respecter des règles de bonne conduite. On devait traiter avec respect les personnes plus âgées que soi, il existait même des mots spéciaux pour s’adresser aux frères et sœurs aînés. À l’intérieur du wigwam, chaque personne avait une place bien précise. Les femmes et les filles étaient d’un côté; les hommes et les garçons étaient de l’autre. Les parents étaient à l’arrière du wigwam, les enfants cadets étaient auprès d’eux et les plus vieux, près de l’entrée. Si une personne souhaitait se retirer, elle se plaçait le long du mur du wigwam. Les autres ne devaient la déranger ni lui parler tant qu’elle n’était pas revenue au centre du wigwam, près du foyer. Puisqu’ils montraient du respect aux aînés et honoraient le droit d’autrui à l’intimité, les Micmacs vivaient en paix au sein de leur famille.
L’éducation des enfants
La naissance d’un enfant était une occasion de réjouissance. La mère lavait son nouveau-né et l’enveloppait dans des couvertures douces sur lesquelles elle avait peint des signes magiques pour protéger l’enfant. Puis, elle le déposait dans un porte-bébé de bois où le père avait gravé de jolis motifs très élaborés et elle attachait les sangles pour que le poupon soit à l’aise et en sécurité à l’intérieur.
Jusqu’à ce qu’il puisse marcher, l’enfant ne voyait le monde que depuis le dos de sa mère ou de ses sœurs aînées. Pendant que la mère travaillait, le porte-bébé était suspendu à la branche d’un arbre ou à l’intérieur du wigwam et se balançait doucement, loin de tout danger. Les enfants aînés jouaient avec le bébé, s’assoyaient près de lui pour éloigner les moustiques ou pour le chatouiller avec une plume, tout en lui apprenant des mots. Ainsi, dès leur naissance, les enfants faisaient partie intégrante de tous les aspects de la vie de famille. Leurs parents les aimaient tendrement et invitaient toute la communauté à un festin en l’honneur du nouveau-né. Ils célébraient souvent le premier pas ou la première dent en organisant un autre festin.
Les enfants apprenaient en regardant et en écoutant les autres, qu’ils imitaient ensuite. Dès qu’ils pouvaient se déplacer autour du campement, les garçons jouaient avec de petites lances et des arcs miniatures, s’entraînant aux arts de la chasse et du piégeage, étudiant les pistes et les cris des mammifères et des oiseaux alors qu’ils suivaient leur père et leurs oncles ou leurs frères. […]
Préparation d’un mariage et d’un festin
Les filles étaient considérées comme des femmes prêtes à être mariées lorsqu’elles étaient physiquement matures. Un garçon devenait un homme aux yeux de la communauté quand il tuait son premier orignal; il pouvait alors se marier. Le jeune homme se rendait chez les parents de la fille qu’il aimait et demandait la permission de vivre avec eux pour une période d’essai d’un à trois ans. Durant cette période, il chassait et pêchait pour eux et fabriquait tout l’équipement dont un homme avait besoin pour s’occuper et prendre soin de sa propre famille : outils, armes, traîneau, canot, cadres de raquettes. Sa fiancée devait quant à elle démontrer ses talents : dépecer les prises de son futur époux, préparer sa nourriture, confectionner ses vêtements, tresser le cuir brut de ses raquettes.
Cette période d’essai permettait à tous de voir combien les deux jeunes s’appréciaient et de juger s’ils étaient capables d’accomplir toutes les tâches nécessaires à la survie de la maisonnée. À un certain moment, les parents se rencontraient; si le couple était prêt à se marier et si les familles étaient d’accord, un festin de mariage était préparé. Le jeune homme fournissait des centaines de kilos de nourriture en guise de démonstration finale de sa qualité de pourvoyeur. Le festin durait plusieurs jours, durant lesquels on racontait des histoires, les familles racontaient des histoires sur le couple et les pipes de tabac circulaient parmi les convives. Des chansons, des danses et des jeux ajoutaient au plaisir.
Après la cérémonie du mariage, le jeune couple pouvait choisir de vivre seul, de rester avec d’autres membres de la famille ou de partir en voyage quelque temps. Puis naissait le premier bébé et la vie de famille reprenait son cycle. […]
Savoir-faire traditionnel des Micmacs
Après qu’un chasseur ait tué un animal, les femmes le dépouillaient avant de le dépecer. Elles faisaient la majorité des vêtements de leur famille avec les peaux et les fourrures d’orignal, de caribou, de castor, d’ours et de phoque. La peau était attachée à un cadre de bois pour être étirée, puis les femmes l’écharnaient. Si la fourrure n’était pas nécessaire, elles enlevaient tous les poils et raclaient l’extérieur de la peau. Ensuite, la peau était entièrement enduite d’huile ou de graisse et d’une substance de tannage telle que de la cervelle animale, qui assouplissait et préservait le cuir. La peau était étalée et étirée pour la rendre souple. Finalement, elle était suspendue au-dessus d’un feu étouffé et était fumée pour assurer que le cuir demeure souple même s’il se faisait mouiller. Le fumage colorait également les peaux d’animaux, qui sont naturellement d’un blanc crème; les femmes micmaques pouvaient les teinter de différents tons de brun clair, marron et noir, selon le temps qu’elles les laissaient au-dessus de la fumée.
Vêtements
Hommes et femmes portaient des pagnes faits d’une peau assouplie, dont les extrémités étaient retenues à la taille par une ceinture. Ils avaient tous une paire de jambières faites d’une peau épaisse d’orignal ou de phoque pour les tenir au chaud et pour leur protéger les jambes des broussailles épineuses. Leurs mocassins étaient également fabriqués en cuir d’orignal ou de phoque et cousus avec grand soin pour éviter que l’eau ne les pénètre. L’hiver, les mocassins pouvaient être doublés avec de la fourrure et montaient haut. Certains étaient simplement un long cylindre de peau constitué d’une patte d’orignal que l’on retirait intacte et dont on cousait le bout du pied. Tant les hommes que les femmes portaient des manches – une manche pour couvrir chaque bras et épaule. Elles étaient attachées ensemble à l’avant et à l’arrière.
Chaque personne possédait une peau grande comme une couverture, faite d’un cuir qui ressemblait à du suède ou d’une riche fourrure de castor très chaude, que l’on jetait sur ses épaules l’hiver. Les femmes avaient une autre peau qui leur servait de robe. Il y avait deux sortes de robes pour femmes, qui avaient toutes deux des ceintures à la taille et descendaient jusqu’au bas des genoux. Les enfants avaient des vêtements semblables et les bébés étaient emmaillotés dans de très douces fourrures de renard ou dans du duvet de cygne.
Pour coudre les vêtements, on utilisait une alène en os pour percer le cuir, mais il y avait aussi des aiguilles faites d’os ou de cuivre. Les femmes se servaient des tendons séchés d’animaux en guise de fil. Les peaux pour hommes et pour femmes étaient attachées plutôt que cousues parce qu’ils les retiraient pour la nuit et s’en servaient comme couvertures. […]
Wigwam signifie abri
Les Micmacs vivaient dans des wigwams. Wigwam est un mot micmac qui signifie habitation ou abri. Ce peuple savait fabriquer des wigwams de formes et de dimensions variées. Le wigwam de type conique, muni d’une porte et d’un foyer au centre, était le plus commun, mais il y avait aussi celui, plus gros, en forme de A qui avait une porte et un foyer à chaque extrémité. Le wigwam de type V avait une base de forme triangulaire. Vu de haut, il avait l’air d’un V avec une porte à l’extrémité la plus large. Il y avait aussi la hutte ronde qui ressemblait à un bol à l’envers. Tous ces types d’habitations étaient construits à partir d’une structure de perches que l’on recouvrait ensuite d’écorce, de peau ou d’une natte de roseau, ou d’une combinaison de ces matériaux. Le revêtement d’écorce de bouleau était ce qu’il y avait de mieux parce qu’il était hydrofuge et que les insectes ne s’y attaquaient pas.
Pour bâtir un wigwam conique recouvert d’écorce de bouleau, les femmes fabriquaient d’abord la charpente. Elles coupaient de cinq à dix longues perches d’épinette et les attachaient à une des extrémités avec de longues racines d’épinette résistantes. Elles redressaient ensuite les perches puis les écartaient à leur base de façon à ce qu’elles forment un cône de la dimension de wigwam voulue. Ensuite, elles faisaient un arceau avec une gaule résistante et l’attachaient solidement à l’intérieur de la charpente, environ à hauteur d’homme. L’arceau empêchait les perches de s’affaisser vers l’intérieur ou l’extérieur. […]
Canot
Le canot et les raquettes sont tous deux des inventions des Indiens de l’Amérique du Nord. Ces deux moyens de transport, ainsi que le toboggan et le traîneau, permettaient aux Micmacs de voyager hiver comme été. Le canot et les raquettes sont si parfaitement adaptés au relief et au climat qu’ils ont été immédiatement adoptés par les explorateurs et les colonisateurs européens qui sont arrivés plus tard sur ce continent. La forme de ces objets est essentiellement demeurée la même et ils sont encore utilisés aujourd’hui.
Le canot d’écorce de bouleau était probablement la plus impressionnante des constructions des Micmacs. On pouvait s’en servir tant en haute mer que dans les cours d’eau peu profonds, ainsi que pour descendre les rapides. Dans ce pays de montagnes et de forêts où les déplacements ne se font que par voie d’eau, le canot représentait le meilleur moyen de transport. Il pouvait porter de lourdes charges, tout en demeurant assez léger pour être porté par une ou deux personnes d’une voie navigable à l’autre, pour contourner les chutes dangereuses ou pour remonter le courant à l’aide de perches. Ainsi, grâce au canot, les familles pouvaient voyager loin à l’intérieur des terres; le réseau de rivières, de lacs et de ruisseaux constituait leur autoroute.
La longueur du canot micmac variait entre trois et huit mètres. Ses hautes extrémités et ses côtés recourbés vers l’intérieur empêchaient qu’il n’entre trop d’eau lors des parcours en eaux agitées. Cette forme était bien caractéristique; c’est à elle qu’on reconnaissait que le canot était l’œuvre d’un Micmac et de personne d’autre.
Pour fabriquer un canot, les hommes choisissaient de grands bouleaux blancs dont ils retiraient l’épaisse écorce tout d’une pièce, aussi haut que possible avant l’endroit où poussent les branches. Ces feuilles d’écorce étaient déposées sur le sol, puis pliées pour recouvrir la carcasse de bois du bateau. Des racines d’épinette étaient utilisées pour coudre l’écorce et pour l’attacher à la carcasse. Parfois, on teignait les racines de couleurs différentes. Afin de rendre le bateau imperméable, on calfatait les joints entre les feuilles d’écorce avec de la gomme d’épinette.
Les rames étaient faites de hêtre, d’érable ou de frêne. Les pales avaient la longueur d’un bras d’homme et étaient souvent ornées de motifs sculptés.
Les Micmacs fabriquaient aussi des bateaux recouverts de peaux. Ils remplaçaient l’écorce par des peaux d’orignal ou de caribou. Ces embarcations servaient de moyen de transport temporaire lorsqu’il n’y avait pas de canot disponible, puisque le revêtement en cuir non tanné pourrissait après un court moment dans l’eau. […]
Outils
Les Micmacs se servaient des matières premières qu’ils trouvaient dans leur environnement pour fabriquer tout ce dont ils avaient besoin. Au cours des siècles, leurs ancêtres ont découvert comment utiliser les os, l’ivoire, les dents, les griffes, les tendons, les peaux, les fourrures, les plumes, les piquants et les sabots d’animaux, ainsi que les coquilles, l’argile, le cuivre et la pierre, sans oublier le bois, l’écorce, les racines et d’autres parties de végétaux. À partir de ces matières, ils créaient des vêtements, des maisons, des moyens de transport et tous les outils, le mobilier, les armes et les jouets qui leur permettaient de vivre et d’agrémenter leur quotidien. Ils réussissaient à faire tout cela sans métal ni machinerie : ils ne comptaient que sur leur habileté et leur savoir.
Traditionnellement, certains travaux ou tâches étaient accomplis par l’homme et d’autres relevaient de la responsabilité de la femme. Tous deux mettaient à contribution leurs talents particuliers, même si chacun connaissait probablement assez le travail de l’autre pour se débrouiller en cas d’urgence. Par exemple, les femmes construisaient habituellement le wigwam familial, mais un chasseur seul dans les bois pouvait s’en bâtir un lui-même. Les femmes fabriquaient parfois des canots même si d’ordinaire, c’était la tâche du mari, du père ou du frère. Aussi, l’homme et la femme participaient tous deux à certaines tâches, chacun travaillant à une étape différente; par exemple, pour la fabrication des raquettes, l’homme s’occupait du cadre et des aiguilles et la femme apprêtait le cuir brut et le tressait sur le cadre.
L’homme chassait, pêchait et se battait, en plus de fabriquer les outils et les armes nécessaires à la pratique de toutes ces activités. Il travaillait le bois, les os, les ramures et la pierre, façonnant des marmites de bois, des porte-bébés, des toboggans, des pipes à tabac, des appeaux à canard, des bols et des cuillères. Nombre de ces articles étaient ornés de motifs sculptés.
Les haches et les herminettes étaient fabriquées en affûtant et ciselant une pierre telle que du granit, jusqu’à ce qu’elle ait une arête tranchante et une surface lisse. Ces outils étaient utilisés tour à tour pour couper ou ouvrer le bois. Pour sculpter ou gouger avec précision, on utilisait des dents de castor – ses incisives en fait, qui sont assez puissantes pour ronger les arbres. Parfois, on aiguisait les dents de castor en pointe pour tracer des motifs délicats. Les dents de devant de l’orignal et du porc-épic faisaient aussi de bons outils à bois. On pouvait emmancher les dents de ces trois animaux, c’est-à-dire qu’on les montait sur un manche, ce qui permettait une meilleure maîtrise de l’outil. Pour rendre le bois et les os lisses, les hommes utilisaient le côté tranchant des coquilles ou ils polissaient leur travail avec du sable. Ils perçaient des trous à l’aide d’un foret à archet muni d’une mèche faite en pierre.
Les hommes micmacs fabriquaient aussi des lames de couteau, des pointes de lance, des têtes de flèche et des racloirs en pierre. Cependant, seuls certains types de pierre étaient utilisés, soit celles ayant une structure cristalline particulière, telle que le quartz, l’agate, le silex et le jaspe. Chacune de ces pierres avaient une façon bien particulière de se briser lorsqu’elles étaient frappées. Un homme qui savait exactement à quel endroit frapper la pierre, et avec quelle force la frapper, pouvait donner au « cœur » de la pierre la forme qu’il voulait en détachant les fragments du pourtour de la pierre. Cet art ne s’improvisait pas : il fallait des années de pratique minutieuse pour l’apprendre. Parmi les outils dont se servaient les Micmacs pour tailler la pierre – puisque c’est de cela qu’il s’agissait – il y avait des marteaux de diverses dimensions faits de pierre ou de ramures. […]
Roseaux, racines et piquants de porc-épic
Les femmes micmaques dépeçaient les prises de chasse, cuisinaient, construisaient les wigwams, confectionnaient et ornaient les vêtements. Elles faisaient les cordages (les cordes, les filets, les ficelles, les fils et les lanières dont leur famille avait besoin) et la plupart des récipients : bols, assiettes, pots, paniers et sacs. Les femmes étaient également des tisserandes de talent. Elles se servaient entre autres d’écorce de cèdre, d’écorce de tilleul, de roseau, de jonc, de massette, d’ortie, de chanvre sauvage, de foin d’odeur, de racines d’épinette, de roseau des sables, de cuir brut, de babiche, de plumes, de poils d’orignal, de piquants de porc-épic et de peaux de toutes sortes d’animaux, du caribou au lapin en passant par l’anguille. Pensez un peu à ce que cela signifie : elles devaient savoir où, quand et comment recueillir toutes ces matières, comment les préparer pour pouvoir ensuite les utiliser. Elles devaient apprendre six techniques élémentaires de tissage ainsi que leurs multiples variantes pour chacune des matières différentes. Certaines pouvaient être cousues de trois ou quatre façons différentes. Voilà une technologie pour le moins impressionnante.
Paniers, boîtes, sacs et bols
Les femmes faisaient aussi toutes sortes de récipients. Ceux-ci étaient indispensables à ce peuple qui ne possédait ni armoire, ni garde-manger, ni commode. Un peuple qui se déplaçait régulièrement à pied ou en canot devait avoir des paniers, des boîtes, des sacs et des bols légers mais résistants pour ranger et transporter tous les biens et les provisions de la famille. Les femmes remédiaient à ce problème en utilisant une gamme de matériaux solides mais légers.
Pour fabriquer des sacs ou des récipients en cuir tanné, elles faisaient sécher les peaux d’animaux jusqu’à ce qu’elles deviennent un cuir brut rigide. Les blagues à tabac, les gaines de couteaux, les sacs de transport et les carquois ne sont que quelques exemples d’articles qui étaient fabriqués à partir de peaux. Parfois, la peau de l’animal était retirée tout d’une pièce et utilisée comme sac. […]