Construction d’une habitation à L'Anse aux Meadows dans « The Settlement » (La colonie)
Lorsque les Scandinaves ont érigé les maisons de L’Anse aux Meadows, ils ont utilisé la seule technique qu’ils connaissaient, c’est-à-dire qu’ils ont appliqué de la tourbe sur un châssis de bois. Cette technique de construction est typique de l’Islande du onzième siècle. Les plans des bâtiments étaient dans la tête des bâtisseurs. Ils ont probablement évalué la grandeur et le type d’espace requis pour chacun des bâtiments. La première étape consistait à retirer la tourbe de l'emplacement qui était destiné à devenir le plancher. Ils creusaient à une profondeur de 30 cm dans la terrasse pour retirer la tourbe. Ils coupaient des blocs de tourbe rectangulaires ou carrés. D’autres blocs avaient une coupe diagonale sur un côté et certains étaient en forme de losange. Ils coupaient aussi des lanières de tourbe de un mètre en longueur, un peu comme les bandes de gazon que l’on taille de nos jours pour obtenir des pelouses instantanées. […]
Pour monter les murs, ils déposaient les blocs côte à côte en deux rangées distantes d’un peu plus de un mètre, ce qui formait les côtés extérieurs et intérieurs, ou les « peaux », du mur. Des lanières de tourbe étaient installées en travers à intervalles réguliers et reliaient les deux peaux. Finalement, ils utilisaient du gravier et des matériaux non compacts pour terminer le remplissage.
Les lanières de tourbe étaient considérées comme le meilleur matériau de construction, mais il fallait dégarnir de vastes superficies. Puisque les lanières étaient plus minces que les blocs, elles contenaient une plus grande proportion de racines provenant de l’herbe, ce qui les rendait plus solides. À L’Anse aux Meadows, la tourbe a été coupée dans les sections sèches du marais et dans les sections de tourbe laîche. Lorsque séchée, la tourbe laîche est aussi solide que la brique et, au contraire de celle-ci, la tourbe peut absorber l'eau des pluies abondantes. Parmi les lanières de tourbe, celles en tourbe laîche étaient considérées comme étant de qualité supérieure et elles ont été utilisées dans les coins de l'immense halle F ainsi que dans la construction de toutes les autres halles. Ceci indique, par contre, qu’une grande quantité de tourbe laîche avait été retirée du marais pendant la construction. Dans la petite halle B, il n’y avait pas suffisamment de remplissage de gravier sur les murs qui étaient montés presque exclusivement avec de la tourbe laîche, bien qu’elle ait été installée de manière assez désordonnée. Dans un cas en particulier, les constructeurs avaient simplement pris une longue lanière de tourbe, l'avaient roulée en boule et avaient aplani la surface avec des blocs placés tout autour.
Une fois les murs érigés, le châssis de bois était mis en place à l’intérieur. Il consistait de grands poteaux placés en une ou deux rangées dans le centre des halles et de la maison B ou placées le long des murs. Les poteaux étaient intégrés dans l’ensemble de poteaux et de poutres qui supportait déjà un toit massif. L’analyse des restes de poteaux dans quelques halles a permis d'identifier l'essence de bois utilisée comme étant un bois indigène comme le sapin baumier, dont le diamètre moyen était de 25 à 30 cm. La hauteur n'a pu être déterminée, mais les plafonds des grandes halles étaient généralement très hauts afin que la fumée des âtres puisse s’élever assez haut et ainsi dégager les espaces où les gens vivaient.
Les toits étaient également faits de tourbe comme en font foi les parcelles irrégulières de tourbe qui se sont affaissées sur certains murs et à l'extérieur. Le châssis du toit était couvert d’un réseau de branches ou était scellé avec de l’écorce de bouleau. […]
Les petites huttes étaient de construction plus simples. C’était essentiellement des fosses avec un toit. Le matériau retiré de la fosse était jeté à côté pour former des murs qui étaient assez hauts afin qu’une personne puisse s’y tenir debout. Le toit reposait sur les murs et sur de minces poteaux placés dans les coins et le long des murs. Ces derniers devaient être recouverts d’un matériau quelconque pour les empêcher de s’affaisser, car la terrasse est composée de sable. La technique de construction de la hutte C était différente. Elle était de forme circulaire irrégulière avec une entrée qui avait la forme d’un corridor. Il n'y a aucune trace de poteaux. Cette hutte a dû être bâtie à la façon d’un iglou, la tourbe étant installée de bas en haut en couches dont le diamètre s’amenuisait et qui se refermaient au centre.
Des orifices dans le toit permettaient d’évacuer la fumée et d'illuminer la pièce pendant le jour. Le matériel archéologique ne permet pas d’identifier l’emplacement de ces orifices. […] Les portes étaient tout aussi importantes pour la ventilation que les orifices d’évacuation de la fumée. Il était particulièrement important qu'il y ait une porte à chaque extrémité des murs longitudinaux du bâtiment […]
Les murs intérieurs qui séparaient les pièces étaient aussi faits de tourbe.