Extrait de « Voyages » traitant des Malécites et des Pescomodys
Les sauvages qui y habitent sont en petite quantité. Durant l’yver au fort de neges ils vont chasser aux eslans & autres bestes: de quoy ils vivent la pluspart du temps. Et si les neges ne sont grandes ils ne font guerres bien leur proffit: d’autant qu’ils ne peuvent rien prendre qu’avec un grandissime travail, qui est cause qu’ils endurent & patissent fort.
Lors qu’ils ne vont à la chasse ils vivent d’un coquillage qui s’appelle coque. Ils se vestent l’yver de bonnes fourrures de castors & d’eslans. Les femmes font tous les habits, mais non pas si proprement qu’on ne leur voye la chair au dessous des aisselles, pour n’avoir pas l’industrie de les mieux accommoder. Quand ils vont à la chasse ils prennent de certaines raquettes, deux fois aussi grandes que celles de pardeçà, qu’ils s’attachent soubs les pieds, & vont ainsi sur la neige sans enfoncer, aussi bien les femmes & enfans, que les hommes, lesquels cherchent la piste des animaux; puis l’ayant trouvée ils la suivent jusques à ce qu’ils apercoivent la beste: & lors ils tirent dessus avec leur arcs, ou la tuent à coups d’espées emmanchées au bout d’une demye pique, ce qui se fait fort aisement; d’autant que ces animaux ne peuvent aller sur les neges sans enfoncer dedans […].
Adaptation du texte original ci-dessus
Les sauvages qui y habitent [soit à proximité de la rivière Sainte-Croix, à la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine] sont peu nombreux. Durant l’hiver, au plus fort des neiges, ils vont chasser l’élan et d’autres bêtes, dont ils vivent la plupart du temps. Et s’il n’y a pas beaucoup de neige, la chasse n’est guère profitable; d’autant plus qu’ils ne peuvent rien prendre à moins de déployer de grands efforts, de sorte qu’ils sont éprouvés et souffrent beaucoup.
Lorsqu’ils ne vont pas à la chasse, ils vivent d’un crustacé appelé coque. L’hiver, ils se vêtent de bonnes fourrures de castors et d’élans. Les femmes confectionnent tous les vêtements, mais pas assez soigneusement pour cacher la peau sous les aisselles, car elles ne savent pas les ajuster mieux. Quand ils vont à la chasse, ils utilisent une sorte de raquettes, deux fois plus grandes que celles de notre pays, qu’ils attachent sous leurs pieds et ils peuvent ainsi se déplacer sur la neige sans s’enliser, tant les femmes, les enfants que les hommes, lesquels cherchent la piste des animaux; puis, l’ayant trouvée, ils la suivent jusqu’à ce qu’ils aperçoivent la bête, qu’ils tirent alors à l’arc ou la tuent à coups d’épées emmanchées au bout d’une demi-pique, ce qui se fait fort aisément; d’autant plus que ces animaux sont incapables de se déplacer sur la neige sans s’y enfoncer. […]
Le texte original de Samuel de Champlain est disponible à l’adresse
http://www.classicistranieri.com/french/1/7/2/5/17258/17258-h/v3.htm (Chapitre VI, 43/191)