Les femmes dans « Scandinavia in the Viking Age » [La Scandinavie à l’ère viking]
[…] Les veuves étaient dotées de plus grandes responsabilités et demeuraient chefs de famille tant que leurs enfants étaient mineurs. En effet, de nombreuses pierres runiques ont été défrayées par des veuves. Il était donc fréquent que les femmes survivent non seulement à leur mari, mais aussi à leurs enfants. Par conséquent, elles devenaient des propriétaires indépendantes des biens fonciers. Cela est tout à fait compatible avec les écrits du onzième siècle qui soulignent que les femmes avaient tendance à vivre plus longtemps que les hommes, en partie grâce à une culture accrue de fèves et autres légumineuses riches en fer. Comme le taux de mortalité infantile était élevé, elles survivaient souvent à leurs enfants. En plus, comme l’Église condamnait l’infanticide, ce qui concernait les filles plus que les garçons, le ratio démographique a changé et les femmes se sont retrouvées en plus grand nombre qu’avant. (Sawyer and Sawyer 1993, 40-42). Par contre, plusieurs femmes mouraient jeunes. Les complications durant les grossesses et lors des accouchements ne sont pas en cause, car il a été prouvé que le haut taux de mortalité relié aux grossesses est un phénomène moderne, en grande partie dû à des infections et à des complications qui étaient rares ou inconnues en Europe avant le dix-neuvième siècle (Sellevold 1989, n. 6). Il est plus probable qu’en bas âge les filles étaient moins bien soignées que les garçons et qu’elles étaient trop fragiles pour résister à l’effort requis pour l’accouchement. Celles qui survivaient à leur période de fertilité avaient cependant de meilleures chances d’atteindre la vieillesse que leurs contemporains masculins. (Sawyer and Sawyer 1993, 42).
Le Mariage Et Les Autres Formes De Cohabitation
Les sagas et les inscriptions runiques démontrent que les familles étaient formées de mariages monogames. Un homme pouvait entretenir plusieurs relations extraconjugales et avoir des enfants de ces unions, mais lorsqu’il mourait, une seule épouse était reconnue. Nous ignorons comment les couples s’unissaient, mais il ne fait aucun doute qu’à cette époque, et ultérieurement, le mariage était fondé sur un contrat entre familles. Des conventions de réciprocité étaient requises, spécialement entre les familles riches, car l’annulation d’un héritage pouvait provoquer le transfert de grands domaines d’une famille à une autre.
Les mariages avec contrats n’étaient cependant pas la seule forme de cohabitation en vigueur. Il était fréquent de vivre en concubinage, ou d’avoir des relations informelles sans conséquence juridiques, et bien que les enregistrements ne fournissent aucune preuve de cette coutume, plusieurs dirigeants des onzième et douzième siècles avaient des concubines. Et il ne fait aucun doute que le concubinage était une pratique courante, spécialement parmi les riches propriétaires terriens. Il ne faut pas confondre le concubinage avec les relations à court terme. Une concubine était une partenaire permanente, à tout le moins à long terme, et les enfants pouvaient hériter de leur père s’il les reconnaissait. Dans les classes sociales plus élevées, avoir une concubine et une épouse assurait la descendance d’un homme, car un ou plusieurs fils lui survivraient; dans les classes sociales plus basses, de telles relations informelles auraient bien pu être la forme courante de partenariat entre les hommes et les femmes. Rien n’indique que ces relations étaient socialement inacceptables jusqu’à ce que l’Église les condamne et n’approuve que les mariages chrétiens.
La Famille
Une femme ne coupait pas les liens avec sa famille lorsqu’elle se mariait. Dans la nouvelle famille qu’ils avaient créée ensemble, les époux et leurs enfants avaient des droits de propriété ou des attentes. Rien n’indique qu’à cette époque les épouses possédaient une part de la propriété, comme ce fut le cas plus tard, mais il semble probable que cela ait été le cas. Le fait que de nombreuses pierres runiques aient été commanditées par les veuves, seules ou avec d’autres membres de la famille, suggère qu’en tant qu’épouses, elles jouaient un rôle important au sein des familles, probablement comme copropriétaires. À part quelques exceptions régionales, il semble qu’il était dévolu à la veuve de commander le monument funéraire de son époux si les fils, les frères ou le père de ce dernier étaient décédés ou si ses fils étaient trop jeunes. Dans ce cas, la veuve prenait la responsabilité de la maisonnée, la tutelle des mineurs et le contrôle de la propriété. Il est permis de penser qu’elle avait des droits bien précis comme copropriétaire lorsque son époux était vivant. La présence de nombreux monuments funéraires commandés conjointement par la veuve et les fils confirme le caractère nucléaire de la famille et suppose peut-être que, dans ces familles, l’héritage n’avait pas encore été divisé entre les héritiers.
La Taille Des Familles
Les inscriptions runiques offrent aussi quelques renseignements sur la taille et la composition des familles dans l’est de la Suède où les hommes et les femmes commandaient ensemble les pierres runiques. Les inscriptions avec trois ou quatre enfants étaient rares, mais comme il y avait un haut taux de mortalité, les naissances ont dû être beaucoup plus nombreuses. Il y avait beaucoup moins de filles que de garçons. Dans les inscriptions trouvées à Upland qui incluaient les deux, la proportion des fils par rapport aux filles est de 3 pour 2. Le fait d’exclure les filles mariées n’explique pas cette situation car leurs noms s’y trouvaient parfois. C’est probablement le résultat de tentatives délibérées pour contrôler la taille de la population en limitant le nombre des filles à qui on permettait de survivre. […]
Bibliographie
Sawyer. B. and Sawyer, P. 1993. Medieval Scandinavia: from Conversion to Reformation circa 800-1500, Minneapolis and London.
Sellevold. B.J. 1989. ‘Fødsel og død: kvinners dødelighet i forbindelse med svangerskap og fødsel i forhistorisk tid og mxkkiaitier. belyst ut fra studier av skjelettmaterialer', in Gunneng et al. 1989, 79-86.