FEU JOHN REDPATH
Une longue carrière de service a pris fin ce matin avec la mort de M. John Redpath, de Terrace Bank, à Montréal, qui a rendu l’âme parmi les siens, à l’âge de 73 ans. Il était atteint depuis bientôt un an d’une maladie paralytique peu souffrante qui lui avait permis de jouir d’un assez bon degré de conscience. John Redpath naît à Earlston, en Écosse, en 1796, et est très tôt fait orphelin. Après avoir maîtrisé le métier de constructeur, il émigre au Canada en 1816 et s’installe à Montréal, où il habitera continûment par la suite, à l’exception d’une année passée à Québec et de quelques années où il vit à Canal Rideau, alors en construction. Il exécute, en partenariat avec son associé feu hon. Thomas Mackay, plusieurs contrats d’envergure dans le cadre de ces chantiers nationaux, contrats qui rencontre l’entière satisfaction de l’ingénieur en chef, colonel By. M. Redpath contribue principalement à la construction des formidables écluses des Chutes Jones (tandis que son associé se consacre à celles d’Ottawa). On dit que ces dernières sont aujourd’hui en aussi bon état qu’au jour de leur achèvement. M. Redpath porte un vif intérêt au développement des ressources du Canada et appuie, en partageant ses moyens ou son expérience de la gestion, de nombreux projets d’amélioration publics. Il est l’un des premiers promoteurs d’une maison d'expédition sur la route Ottawa-Rideau, et un associé au sein d’une entreprise de bateaux à vapeur reliant Montréal et Québec. Il nourrit, dès sa formation, un grand intérêt envers la Montreal Telegraph Company, et s’intéresse par la suite aux mines de cuivre et d’ardoise des Cantons-de-l’Est, aux mines de fer de Hull ainsi qu’à celles de charbon de la Nouvelle-Écosse. Le premier à porter un intérêt à l’industrie de la raffinerie du sucre au Canada, il érige et met en activité, près des écluses Saint-Gabriel, une vaste raffinerie qui occupera une place de choix parmi les manufactures de la ville. Durant trente-cinq ans, il est l’un des directeurs de la Banque de Montréal, dont il sera également vice-président à la suite du décès de l’hon. Peter McGill. Il est un échevin actif auprès du premier Conseil de ville de Montréal, et le premier président du Mechanics’ Institute.
Le domaine de la philanthropie chrétienne, cependant, se révèle être le créneau dans lequel M. Redpath exprimera sa plus grande et sa plus chaleureuse générosité. De nombreuses années durant, il se dévoue sans relâche à la cause du Montreal General Hospital, siégeant à son comité de gestion et occupant par la suite sa présidence. Une première réunion, qui vise à mettre sur pied une maison d’industrie à Montréal a lieu cet hiver-là. Cette grande œuvre de bienfaisance, débutée sous des auspices fort favorables grâce à une gestion commune entre protestants et catholiques romains, aurait sans aucun doute été poursuivie n’eut été de la nécessité, apparue l’année suivante, de transformer le bâtiment en caserne. Ce n’est que presque trente ans plus tard que le projet est remis à l’ordre du jour et que la Maison protestante d’industrie et de refuge de Montréal voit le jour. M. Redpath en est élu président et contribue très généreusement à ses activités. L’Université McGill, un autre de ses champs d’intérêt, bénéficie de ses généreuses contributions à sa fondation. Il est durant de nombreuses années un ancien de l’église Saint-Paul, liée à l’Église d’Écosse, dont le feu révérend Dr Black est pasteur. En 1843, cependant, sentant qu’il doit jouer un rôle de premier plan au sein du mouvement de l’Église libre et il contribuera largement à l’érection de l’église de la rue Côté, puis quelque vingt ans plus tard, à celle de l’église presbytérienne de la rue Saint-Joseph. Il met sur pied des écoles de jour dans ces deux établissements, bien que cette initiative, dans le premier cas, s’avère infructueuse. Il a également contribué de manière très généreuse aux projets de l’église où il était un ancien depuis ses débuts. Toutefois, M. Redpath ne restreint pas ses travaux ou ses dons à quelque dénomination religieuse que ce soit : il soutient plutôt, comme aurait pu le confirmer grand nombre d’églises et de sociétés, les bonnes œuvres dans leur ensemble. Il entretient, dès sa fondation, une relation particulière avec la Société missionnaire canadienne-française, et suivant le décès du colonel Wilgrees, en devient le président. Il sera également président ainsi que principal supporteur de la mission au Labrador, à l’île Caribou.
En 1840, il se rend à Londres afin de représenter les intérêts des propriétaires protestants de Montréal, qui s’opposent aux allégations du Séminaire de Saint-Sulpice. Mais bien qu’il estime leurs allégations injustifiées, et qu’il prenne part à la conversion de ses concitoyens canadiens-français à l’Évangile, il entretient toujours avec eux des rapports des plus courtois et des plus amicaux, manifestant à leur égard bonté et respect. Il préfère en effet, lors de l’embauche de centaines de travailleurs pour ses vastes chantiers, donner la priorité aux Irlandais et aux Canadiens-français.
M. Redpath, marié à deux reprises, laisse dans le deuil sa veuve, une famille nombreuse, dont certains membres gèrent les opérations de la raffinerie de sucre, ainsi qu’un fils, membre du clergé de l’Église d’Angleterre. M. Redpath était, très littéralement, le défenseur de la veuve et de l’orphelin, mais il sera impossible d’entrer ici dans le vaste domaine de ses dons privés. « Il se repose de ses travaux et ses œuvres le suivent. »