LES LIENS DE SANG
Inconnu, Redpath Sugar Museum, Harold Redpath, le frère de J. Clifford Redpath, est photographié ici en compagnie de sa femme Alice Watson et de ses enfants Betty et John, dans les Cantons-de-l'Est, au Québec
En 1901, les Redpaths font partie d’une élite anglophone qui habite l’opulent Square Mile de Montréal, une communauté intime et fermée, auto-instaurée. Les familles y fréquentent les mêmes institutions scolaires, religieuses et sociales, et leurs enfants se marient entre eux. Les familles du Square Mile font leurs courses et se prévalent de services professionnels, médicaux, dentaires, légaux et comptables auprès de personnes partageant le même héritage ethnique et la même condition sociale qu’eux. Les chefs de ces ménages, ces soi-disant princes marchands et capitaines d’industrie, concluent des partenariats d’affaires et siègent mutuellement aux conseils d’administration des uns et des autres. En affaires, les familles offrent une aide utile, encourageant pères, frères, oncles et membres de la belle-famille à travailler ensemble. Les fils et les gendres sont employés par l’entreprise du père et ont ainsi facilement accès à du capital, ce qui leur permet de fonder leurs propres entreprises.
Les liens de sang sont extrêmement importants. Les liens familiaux jouent un rôle prédominant dans les rituels du baptême et du mariage, et offrent aux membres de ces familles un important support émotif et financier. Les stratégies de mariage assurent que les familles du Square Mile conservent leur mainmise sur la richesse, le pouvoir et le statut, restreignant leur accès à la seule élite. Les membres des familles s’épaulent aussi dans les périodes de difficultés économiques, comme dans celles entourant la maladie ou la mort. Contrairement à aujourd’hui, les proches vivent très près les uns des autres, meurent à la maison parmi les leurs plutôt qu’à l’hôpital, et sont enterrés dans le lot ancestral.