UNE SANGLANTE TRAGEDIE

Mme Redpath, veuve du riche raffineur de sucre, et son fils Clifford, meurent mystérieusement atteints par trios coups de revolver

Affreux malheur qui crée dans tout Montréal une profonde consternation

Toute la haute société anglaise de notre ville est aujourd’hui sous le coup d’une bien vive émotion par suite d’une sombre tragédie qui vient de se produire dans son sein. Jamais, croyons-nous, malheur plus déplorable n’a frappé une famille, et c’est avec un cri de profonde horreur que la population de Montréal a appris la sinistre nouvelle. Il s’agit de la mort d’une honorable femme et de son fils, tous deux occupant un rang proéminent dans l’aristocratie anglaise du pays.

Les fait de la tragédie sont particulièrement pénibles et cachent un mystère que nulle personne au monde ne pénètrera jamais.

Quoique l’on ait tout fait pour étouffer cette affaire, le bruit a transpiré suffisamment pour que toute la ville soit aujourd’hui instruite de la nouvelle. Comme toujours en pareils cas, les commentaires vent leur train, et les versions que l’on rapporte sont toutes d’une exagération ou d’une invraisemblance absolue.

La veuve de M. John Redpath, le célèbre raffineur de sucre, mort il y a quelque vingt ans, vivait avec ses enfants dans une magnifique propriété située au numéro 1065 de la rue Sherbrooke, près de la rue McKay. Madame Redpath, très âgée, y coulait une existence douce et paisible au milieu de ses enfants. L’âge l’avait rendue quelque peu souffrante et la douleur de voir le plus jeune de ses fils, Clifford, enclin à des attaque d’épilepsie, jetait un voile sur son bonheur. Néanmoins, tout allait bien, et le jeune Clifford, âgé de 25 ans, après une brillante clèricature à l’Université McGill, se préparait avec ardeur à subir le dernier examen pour obtenir son titre d’avocat. Depuis quelques jours surtout, le jeune homme travaillait sans relâche. Constanment plongé dans ses livres, il ne prenait aucun repos, et c’est à peine s’il prenait le temps de se mettre à table pour les repas.

Un tel excès devait exercer une influence néfaste sur son moral. On remarquait en effet qu’il était plus affaissé que d’ordinaire.

Hier après-midi, vers 4.30 heures, le jeune Clifford revenant de l’Université, pénétra dans la chambre de son frère qui était par hasard à la maison. Après avoir échangé quelques mots avec lui, Clifford sortit et pénétra chez sa mère dont l’appartement était situé sur le même palier. M. Redpath (le frère) qui était occupé à sa toilette, ne prêta guère d’attention au jeune homme. Un instant plus tard, une détonation, aussitôt suivie d’une autre se fit entendre dans la chambre de Mme Redpath, glaçant d’effroi le malheureux fils resté dans la chambre. Se ressaisissant aussitôt, M. Redpath se précipita en avant, mais au moment oû, il allait ouvrir la porte de l’appartement de sa mere, un troisième coup de feu partit de l’intérieur. D’un vigoureux coup d’épaule, M. Redpath enfonça la porte et pénétra dans la chambre. Un spectacle horrible l’y attendait. Sa mère, ayant à la tète une affreuse blessure gisait dans une mare de sang. A côté d’elle le jeune Clifford était étendu, également couvert de sang.

Affolé, M. Redpath tenta de rappelr sa mère à la vie. N’y parvenant pas, il agita désespérément la sonnette mandant auprès de lui les deux servantes qui étaient seules avec lui dans la maison. Il leur enjoignit de courir chez le plus proche médecin, et, quelques instants plus tard, les Drs McKenzie, Campbell et Patton arrivaient sur les lieux.

L’examen qu’ils firent des cadavres leur révéla un état de choses fâcheux. Les deux cas, à leur avis étaient désespérés.

Sur leur avis on transporta le jeune Clifford à l’Hôpital Victoria oû le Dr Bell tenta vainement de le rappeler à la vie. Il en fut de même pour madame Redpath qui, malgré tous les soins, succomba vers 10 heures.

Une heure plus tard, un message téléphonique annonçait que le jeune Clifford avait également succombe.

Le coroner, aussitôt avert, s’est rendu sur les lieux et a fait jes constatations d’usage. Il a permis d’ensevelir les deux cadavres et il à fixe l’enquête à 3.30 heures, cet après-midi, au domicile des défunts.

Chose curieuse, la police n’a pas été officiellement informée de cette sombre tragédie.

Source: Inconnu, "Une sanglante tragedie," La Patrie, 14 juin 1901. Notes: PG, 8

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