La Crise de Suez
Norman et son épouse, Irene, à bord du M.V. Australia, Inconnu, 1956, University of British Columbia Library, Rare Books and Special Collections, BC 2124-122, Norman et Irene, peut-être heureux de quitter la N.-Z., voyagent vers une nouvelle affectation au Moyen-Orient
En décembre 1957, à peine huit mois après la mort de Herbert Norman, le ministre des Affaires extérieures, Lester Pearson, acceptait le prix Nobel de la paix pour son travail dans la résolution de la Crise de Suez l’année précédente. Comme l’écrivait le Comité du prix Nobel, Pearson était « l’homme qui avait, plus que quiconque, contribué à sauver le monde » lors de cette crise. Si Pearson a en effet « sauvé le monde », Herbert Norman peut, à juste titre, être considéré comme l’homme qui a sauvé celui qui a sauvé le monde.
Pourquoi Pearson avait-il besoin d’être sauvé? Et comment Herbert Norman l’a-t-il fait? La réponse se trouve dans les politiques coloniales et dans celles de la guerre froide du milieu du vingtième siècle.
Gamal Abdel Nasser était un dirigeant égyptien typique des dirigeants arabes des années 1950. Il était un homme du peuple qui avait fait son chemin dans les rangs militaires et était devenu de plus en plus nationaliste avec les années. Avec ses collègues officiers, il a renversé le roi Farouk en 1952. Ils considéraient les 80 000 soldats britanniques en poste le long du canal de Suez comme une présence coloniale oppressive. En 1956, lorsque Nasser est devenu président de l’Égypte, il a agi rapidement pour débarrasser le pays des intrus, nationalisant le canal de Suez et évinçant les forces britanniques. Les Égyptiens, tout comme les peuples colonisés à travers le monde, se sont réjouis de cette prise de possession. Mais cet acte a contrarié les puissances coloniales de la région, la Grande-Bretagne et la France, ainsi que leur allié, Israël. Les dirigeants des trois pays se sont rencontrés secrètement pour comploter la perte de Nasser. Ils ont conçu un plan et l’ont mis en application. Israël a ainsi lancé une invasion militaire surprise de l’Égypte. La Grande-Bretagne et la France ont ensuite donné ordre aux deux pays de se retirer de la zone du canal. Selon le plan, l’Égypte devait refuser de quitter son propre territoire, ce qu’elle a fait, donnant ainsi le signal à la Grande-Bretagne et à la France d’envahir l’Égypte.
Le monde entier fut consterné par ce geste flagrant d’arrogance impérialiste. Mais l’observateur dont le mécontentement comptait réellement était le président américain Dwight Eisenhower. Les trois puissances avaient négligé de l'informer du complot. Comme il en a lui-même informé le premier ministre britannique, l’invasion « unirait contre l’Ouest » les Asiatiques et les Africains. La colère d’Eisenhower a monté d'un cran lorsque l'Union soviétique a utilisé la désunion occidentale comme l’occasion de fanfaronner sur ses capacités de défendre l’Égypte avec ses armes nucléaires et d’envahir militairement la Hongrie pour mettre un terme au soulèvement qui y sévissait.
Le monde, à tout le moins le monde occidental, avait grand besoin d’un sauveur. Dans cette brèche est entré le ministre canadien des Affaires extérieures, Lester Pearson. En accord avec le secrétaire d'État américain, John Foster Dulles, Pearson a présenté une résolution d’urgence à l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette résolution contenait un élément original. Pour se désengager, la Grande-Bretagne, la France et Israël avaient besoin d’un moyen pour sauver la face. Le moyen offert par Pearson était une Force d'urgence des Nations Unies (FUNU) qui remplacerait les forces d’occupation et superviserait la « paix ». Les Nations Unies n’avaient jamais mis sur pied une force de maintien de la paix et personne ne savait exactement de quoi elle aurait l’air. Mais c’était un risque que l’organisation mondiale était prête à prendre.
La proposition de créer la FUNU a été bien reçue à New York. Mais au Caire, Nasser était naturellement sceptique. Son territoire avait été envahi et pourtant un contingent de troupes étrangères y serait mis en place; ce contingent ne serait pas en Israël, en Grande-Bretagne ou en France. Herbert Norman, pendant ce temps, était devenu ambassadeur du Canada en Égypte à peine deux mois avant l’avènement de la Crise de Suez. Il était sur place et avait la tâche ardue de convaincre Nasser de la justesse de la stratégie canadienne. La réputation des NU n’était pas le seul enjeu. Le destin de Pearson dans son propre pays était aussi dans la balance. Il était l’objet d’attaques parce que, comme l’écrivait le Herald de Calgary, il avait « laissé tomber la Grande-Bretagne ». Le critique conservateur pour les Affaires extérieures, Howard Green, avait condamné le gouvernement libéral comme étant le « valet des Américains » et avait qualifié le refus de Pearson de supporter la Grande-Bretagne comme « la période la plus honteuse dans l’histoire de la nation canadienne ».
Herbert Norman savait que le succès au Canal de Suez sauverait la « peau » politique de son patron. L’épouse de Pearson, Maryon, au moins aussi forte sur le plan intellectuel que son époux et beaucoup plus éloquente, à en juger par les discours de son époux, avait fait cette remarque tranchante que « derrière le succès de tout homme se trouve une femme étonnée ». Herbert Norman aurait pu ajouter « et des adjoints dévoués ».
Documents gouvernementaux
- E. Herbert Norman, « Nasser aime bien une bonne crise », Norman , 12 mars, 1957
- E. Herbert Norman, La conversation de Norman avec Nasser, Herbert Norman: A Documentary Perspective, 1999
Lettres
- E. Herbert Norman, Norman sur les Britanniques et les Français pendant la Crise de Suez, 3 janvier, 1957
- E. Herbert Norman, Norman sur la Crise de Suez , 4 mars, 1957
Articles de journaux ou de magazines