Les Affaires extérieures embauchent Norman
LÉGATION CANADIENNE
TOKYO
Norman the scholar, Unknown, University of British Columbia Library, Rare Books and Special Collections, BC2124-202
M. O.D. Skelton, M.A., Ph. D.,
Ministère des Affaires extérieures,
Ottawa,
CANADA
18 novembre 1935.
PERSONNEL ET PRIVÉ
Monsieur Skelton,
Veuillez accepter mes remerciements pour votre lettre du 29 octobre dernier au sujet de la nomination d'un agent linguistique pour cette légation. Je suis heureux que vous soyez d'accord sur la nécessité d'une telle nomination. Bien entendu, comme vous le constatez si bien, nous devons d'abord trouver un homme compétent. J’ai lu attentivement la copie de la correspondance que vous m'avez fait parvenir. Les deux candidats semblent avoir d’excellentes compétences. E. H. Norman me semble être le meilleur des deux. Cependant, comme je crois vous l’avoir déjà laissé entendre dans une lettre précédente, la personne qui sera nommée au poste d'agent linguistique devra posséder d'autres compétences en plus de ses réalisations scolaires. Non seulement doit-il être à l’aise dans les tâches bureaucratiques qui incluent savoir s’y prendre avec les Japonais qui se présentent à la chancellerie, sans parler des traductions à réaliser, de sa présence aux travaux de la Diète, et ainsi de suite, mais il doit également être un homme à l’aise en société et de bonne apparence et qui possède un intérêt pour les sports de plein air. Nos contacts dans ce pays sont extrêmement difficiles, je dirais même exaspérants, et après plus de six ans en poste ici, je pourrais difficilement affirmer que mes administrateurs ou moi-même avons développé des amitiés avec les Japonais. Nous avons des centaines de connaissances et nos contacts sociaux sont agréables, mais j’ai bien peur que cela n’aille pas plus loin. L’ignorance de la langue est une des raisons de cet état de fait. Pour connaître les Japonais, l’agent linguistique devra s’insérer dans leurs activités quotidiennes en jouant au golf, en participant à leurs déjeuners, leurs soupers et ainsi de suite. Je pourrais vous en dire long à ce sujet et en particulier au sujet des agents linguistiques de certaines ambassades et légations ainsi que sur les résultats, ou le manque de résultats, de leurs activités.
Je vous écris ce qui précède parce qu’il est important de bien comprendre la situation et de ne pas procéder à une nomination qui ne répondrait pas à ces besoins; et ces besoins sont extrêmement difficiles à satisfaire.
Ce que j’aimerais beaucoup que vous fassiez si vous pensez que E. H. Norman peut être un bon candidat serait de le prendre avec vous au Ministère et que Beaudry et vous gardiez un œil sur lui afin de vérifier s’il est un gentleman, s’il a de bonnes manières, s’il perçoit bien les ouvertures qui lui sont faites et, bien sûr, s’il travaille bien.
En lisant votre lettre, je préférerais procéder lentement plutôt que de voir arriver un homme qui ne saurait répondre à nos besoins. Car il faudrait le renvoyer.
Veuillez accepter mes sincères salutations,
[signé Herbert Marler]
Hamiliton, 20 juillet [1937]
Monsieur Keenleyside,
J’aurais dû vous mettre au courant de mes plans pour l’année prochaine avant cette date tardive. Je devrais d’abord vous informer que je viens tout juste de terminer une année très agréable, et qui plus est, très utile à Harvard. Cette année de travail m’a permis d’obtenir ma maîtrise avec un A dans tous mes cours. (Je m’excuse de vous donner de tels détails scolaires, mais je me souviens que M. Skelton m’a demandé mes résultats à Toronto et à Cambridge. J’ai pensé que cela m’aiderait au Ministère si j’avais de bons résultats.)
Avant de vous ennuyer avec d’autres détails, je devrais d’abord demander si le poste de Tokyo est toujours ouvert; il va sans dire que s'il existe encore une chance d'obtenir un tel poste, je suis toujours aussi intéressé.
Cependant, pensant qu'il n'y aurait aucun développement de ce côté pour quelque temps, j'étais déterminé à continuer de travailler dans ce domaine; j'ai alors renouvelé ma bourse à Harvard pour une autre année. Cette seconde année ne sera pas perdue, loin de là, en ce qui concerne le poste de Tokyo car ma connaissance de la langue n'est pas encore suffisante pour me permettre de lire facilement ou couramment et je peux profiter de la magnifique bibliothèque spécialisée dans le domaine de l'Extrême-Orient à l'Institut Harvard-Yenching.
J’espère avoir l’occasion d’en discuter plus en détail lors de notre prochaine rencontre cet été (du moins, je l'espère). Quand pensez-vous être à Ottawa? J’avais espéré être au lac Couchiching pendant un certain temps, là où M. Patterson m'a dit que vous seriez également, mais j'ai bien peur que cela soit maintenant impossible. Après votre départ de Couchiching, peut-être pourrions-nous prévoir une rencontre à Ottawa si vous y allez.
Je m’excuse si cette lettre est en grande partie consacrée à des affaires personnelles, mais j’ai hâte d’avoir la possibilité de vous rencontrer et de connaître votre opinion sur la situation présente en Extrême-Orient, etc.
Cordialement.
Veuillez accepter mes sincères salutations,
E. H. Norman.
[Note de service du ministère des Affaires extérieures]
Ottawa, 25 novembre 1938.
Légation de Tokyo
Nomination d’un agent linguistique canadien
La Légation canadienne insiste depuis plusieurs années pour qu’un agent linguistique canadien soit nommé à Tokyo. Le travail de traduction, oral ou écrit, est actuellement entre les mains de personnes de race japonaise, bien qu’un Canadien de descendance japonaise qui est très compétent et digne de confiance soit en poste. On nous a cependant fait remarquer qu’il serait souhaitable d’avoir un Canadien attaché en permanence à la Légation, quelqu’un qui parle et qui écrit le japonais couramment et qui peut agir comme interprète tout en ayant une connaissance approfondie de l’anglais.
Il n'est pas facile de trouver un homme possédant toutes les qualifications personnelles et linguistiques requises. Nous avons considéré un certain nombre d’hommes. Le plus prometteur est M. E. H. Norman. Fils d’un missionnaire canadien, M. Norman est né et a vécu au Japon jusqu'à l’âge de 17 ans, moment où il est venu au Canada pour obtenir un diplôme en études classiques à l'Université de Toronto et en histoire à Cambridge. En 1936, il a obtenu une bourse d’études du General Education Board [Conseil de formation générale] pour l’étude approfondie de la langue et de l’histoire japonaise et il a étudié à Harvard depuis ce temps sauf pour un court séjour au Japon. Il a reçu une bourse pour la troisième et dernière année et il étudie présentement à Columbia à l’Institut des relations du Pacifique à New York.
M. Norman est un homme compétent et bien de sa personne. Il s’est marié en 1935.
La démission de Mlle Andrews a ouvert la porte à la suggestion qu’un secrétaire particulier permanent ou un autre Troisième Secrétaire soit nommé à Tokyo. Si M. Norman est nommé comme agent linguistique, il pourrait prendre une partie du travail général de la Légation et rendre inutile l’addition d’un nouveau secrétaire.
540 W. 123 St.
N.Y.C.
26 janvier 1939.
Monsieur Keenleyside,
Je suis désolé de ne pas avoir eu la chance de venir à Ottawa au cours de la dernière année, mais mon été au Japon m’a empêché de revenir faire un séjour au Canada.
Nous sommes maintenant au milieu de l’année scolaire et j’accueillerais avec plaisir vos conseils sur mes plans d’avenir. Cette année, mon travail consiste principalement à préparer une étude sur « L'établissement d’un état moderne au Japon » qui s'intègre dans un projet de recherche de l’Institut des relations du Pacifique. J’utilise en grande partie des sources japonaises et plus j'étudie le sujet, plus je suis fasciné par le problème posé par la période de la Restauration de Meiji et plus je comprends le Japon contemporain. Lorsque mon travail sera terminé ici, je devrais être en mesure de continuer l’étude des aspects plus contemporains de l’histoire japonaise. Un tel travail y gagnerait si je pouvais l’accomplir au Japon car le matériel disponible ici n’est plus adéquat. Il est peu probable que ma bourse soit renouvelée pour une quatrième année et elle ne le sera certainement pas si je vais au Japon. Ainsi, avant de partir à la recherche d’un poste en enseignement, j’aimerais savoir s’il y aura une nomination pour le poste de Tokyo dans un avenir proche.
J'ai confiance que mon expérience en recherche et ma connaissance de la langue pourraient être utiles à la Légation et je crois que, pour continuer mes recherches historiques et linguistiques, il serait avantageux pour moi d’être au Japon.
Pour être honnête, j’aimerais tellement mieux un poste à la Légation canadienne comme chercheur ou secrétaire linguistique que tout autre emploi, qu’avant de m'informer si je peux continuer mes études aux É.-U. ou ailleurs, je préfère recevoir vos conseils sur le sujet. J’ai écrit à M. Skelton l’automne passé après mon retour du Japon et la réponse que j’ai reçue provenait de son secrétaire disant qu’il était absent. Serait-il sage de lui écrire une autre fois pour expliquer la nature de mon travail ici, comme je viens de le faire pour vous et pour m'enquérir des possibilités qu'une décision soit prise? Si vous pensez que la question ne sera pas réglée avant quelque temps, il serait peut-être mieux que je ne le dérange pas. Avant de procéder, j’aimerais avoir votre opinion.
[...]
Veuillez accepter mes sincères salutations,
[signé E. H. Norman]
Monsieur E. H. Norman,
A-33, 540 Ouest, 123e rue,
New York, N.Y.
Ottawa, 26 avril 1939.
Cher M. Norman,
J’ai le grand plaisir de vous affirmer que nous pouvons maintenant vous offrir le poste d'agent linguistique débutant à la Légation de Tokyo. Le salaire initial sera de $2,220 avec des augmentations de $120 jusqu’à $3,180. De plus, il y a une indemnité pour les frais de subsistance et de représentations de $750 lorsque vous serez à Tokyo.
Je crois qu’il serait souhaitable de vous présenter au travail à Ottawa au début mai, bien qu’il soit possible de discuter d’une date ultérieure, si cela ne cadre pas avec votre situation. Pendant un certain temps, étant donné la situation en Extrême-Orient, je ne suis pas certain qu’il soit judicieux que vous y alliez. De toute façon, il y a suffisamment de travail à faire au Canada.
Nous sommes très heureux de votre arrivée imminente parmi nous.
Veuillez accepter mes sincères salutations,
[signé O. D. Skelton
540 Ouest, 123 rue
New York City
29 avril 1939
Monsieur Skelton,
Je suis très heureux en lisant votre lettre ce matin d’apprendre que le ministère des Affaires extérieures me confie le poste d’agent linguistique débutant à Tokyo. C’est avec grand plaisir que j’accepte cette offre.
La Fondation Rockefeller vient tout juste de renouveler ma bourse pour une quatrième et dernière année pour me permettre d'obtenir mon doctorat en histoire japonaise à Harvard. Bien que je n’aie pu entrer en contact avec eux depuis l’arrivée de votre lettre, j'ai confiance qu'ils me libéreront de ma nomination lorsqu'ils apprendront que je pourrai mettre en pratique la formation qu’ils m’ont si généreusement donnée ces trois dernières années.
Je tiens à me présenter au travail le plus rapidement possible. Mon travail pour l’Institut des relations du Pacifique sur la monographie intitulée « L’établissement d’un état moderne au Japon » est presque terminé. Je pense cependant que deux mois suffiront pour terminer. Je ferai tout ce que je peux pour raccourcir cette période afin de me présenter à Ottawa le plus rapidement possible. Bien sûr, je serai heureux de me rendre à Ottawa à n’importe quel moment si vous désirez me rencontrer.
J’attends avec impatience l’occasion de servir le Ministère et le gouvernement. Ma seule inquiétude est de pouvoir justifier la confiance que vous mettez en moi.
Veuillez accepter mes sincères salutations,
[signé E. H. Norman]
540 Ouest, 123 rue
N.Y.C.
24 mai 1939.
Monsieur Skelton,
Depuis ma dernière lettre acceptant ma nomination au poste d'agent linguistique débutant à Tokyo, j’ai informé la Fondation Rockefeller de la situation et ma bourse a conséquemment été révoquée pour la prochaine année.
Comme indiqué dans ma dernière lettre, je prévois terminer mon travail à l’Institut des relations du Pacifique à la fin juin. Est-ce que vous désirez que je commence à travailler au Ministère immédiatement?
Je souhaiterais grandement recevoir une indication sur la durée probable de mon séjour à Ottawa. Cela m’aiderait à prendre les arrangements personnels nécessaires.
Veuillez accepter mes sincères salutations,
[signé E. H. Norman]