Lettres de Canadiens au premier ministre sur la dépression
Vancouver police attack unemployed protesters, Unknown, 1938, en.wikipedia.org/wiki/Image:RCMP_1938_sitdowner_strike.jpg
Faro, Alta.
30 oct. 33
M. R. B. Bennett
Premier ministre du Canada
Ottawa.
Monsieur,
Vous allez penser que c’est très bizarre de recevoir une lettre d’un pauvre gars comme moi qui demande au premier ministre du Canada de lui rendre service, mais je ne peux m’en empêcher, parce que les conditions actuelles sont telles qu’un homme peut à peine gagner sa vie sur une ferme, particulièrement dans la région de Peace River. J’exploite un homestead à environ un mille et demi de Northstand longeant une voie de la Compagnie des chemins de fer du nord de l’Alberta. Ma récolte a gelé et ne me rapportera pas grand-chose. J'ai écrit au gérant de la Compagnie des chemins de fer du nord de l’Alberta à Edmonton pour obtenir un petit contrat de traverses cet hiver, mais je n’ai pas encore reçu de réponse et ça fait deux mois que j’ai écrit.
Je n’ai plus un sou et j’ai quatre enfants à nourrir et à habiller. Je ne veux pas me mettre sur le secours, je n’ai jamais été sur le secours de toute ma vie, alors je vous demande la faveur d’utiliser votre influence pour persuader la Compagnie des chemins de fer du nord de l’Alberta de donner un petit contrat de traverses à un pauvre concessionnaire de homestead comme moi pour que je puisse nourrir et habiller ma famille.
Vous vous demandez peut-être qui est ce gars. Eh bien, je suis né à Medicine Hat il y a quarante-deux ans. Aussi loin que je peux me souvenir, mon père a été un bon vieux conservateur et depuis que je peux voter, j’ai voté conservateur et je le ferai toujours. Je ne vous connais pas personnellement, mais j’ai souvent écouté vos discours.
L’autre jour après notre assemblée à l’école, quelqu’un a dit : « eh bien, M. Bennett est à Calgary pour dire aux chômeurs ce qu’il a fait pour eux » et ils ont ri; ça m’a mis en colère. Je leur ai dit que M. Bennet avait fait plus pour les chômeurs qu’aucun autre premier ministre n’aurait pu faire ou a fait dans la situation où se trouve notre monde aujourd’hui et on s’est pas mal engueulé. J’ai gagné parce que je ne change jamais d’idée.
J’aimerais avoir plus d’information sur ce que vous avez fait pour le Canada pour pouvoir me défendre.
[…]
J'espère avoir de vos nouvelles bientôt.
Cordialement
F. Reznick
C.-B. Déc. 1934.
Gouv. canadien à Ottawa, Canada
Eh bien, M. R. B. Bennet, es-tu un homme ou pas? pour être la cause de toute cette famine et de ces privations. Tu nous appelles des épaves, ça fait que si nous on est des épaves toi qu’est-ce que t’es sinon une épave aussi, sauf que toi t’es pas mal pire que nous autres. T'as dis que si t’étais élu, tu nous donnerais du travail et des payes, eh bien ça fait 4 ans que tu chausses les souliers de premier ministre et nous autres on cherche encore du travail et des payes. Tu nous as ôté tout notre travail. On ne peut pas gagner d’argent. Tu dis qu’un camp de secours est assez bon pour nous autres, alors c’est trop bon pour toi Bennet, tu es toi-même sur le secours. Tu as renoncé à ton gros salaire du gouvernement et après tu as demandé au gouv. de payer tes grandes fêtes pendant que nous les pauvres, on crève de faim. Pendant que toi tu t’amuses avec les filles d’hôtels.
[…]
P.S. ça va prendre mes 3 derniers sous, mais on espère que ça se rendra au plus profond de toi et que tu nous donneras alors du travail et des payes pour vivre. À cause de toi plusieurs personnes ont tué leurs familles et se sont tuées plutôt que de mourir de faim ou de froid. Essaie ça, premier ministre, fait juste essayer ça.
Maintenant tu veux partir en guerre pour t’enrichir. Eh bien, R. B. Bennet, j’espère que tu recevras ta part de balles.
[…]
[aucune signature]
Craven Alberta
11 fév. 1935
Monsieur,
N'allez pas penser que je suis folle de vous écrire cette lettre, mais j’ai trois jeunes enfants et ils ont tous besoin de souliers et de sous-vêtements, mais c’est de souliers dont ils ont le plus besoin parce qu’il y en a deux qui vont à l’école et il fait froid, mon mari n’a pas eu de récolte depuis 8 ans juste assez pour les semences et un peu de nourriture et je ne sais pas quoi faire. Je déteste demander de l'aide. Ça ne m’est jamais arrivé avant et on ne va pas sur le secours si possible. Ce que je voulais c’était $3.00 si c’était possible ou même des vieux vêtements à refaire mais si vous ne voulez pas faire ça s’il vous plaît ne le dites pas à la radio parce que tout le monde me connaît ici et on m’aime bien alors je vous supplie de ne pas dire mon nom. Je n’ai jamais demandé à personne ici pour de l’aide ou des vêtements parce que je les connais trop bien.
Sincèrement
Mme P. E. Bottle
[réponse de R. B. Bennett : $5.00]
[Coupure de journal incluse]
FACTEUR DE DÉPRESSION
La mort de James C. Grant, 22 ans, aide-comptable au chômage et membre de l’Aéroclub de Toronto, qui s’est jeté de 1,500 pieds de l’aile d’un aéroplane samedi soir après avoir souri en signe d'adieu à son instructeur, le capitaine d’aviation Ralph Spradbrow…
Hon. R. B. Bennett
Je dirais que le gouvernement du Dominion est le meurtrier de ce jeune Canadien car il a le pouvoir de faire quelque chose pour les chômeurs mais il n’a rien fait.
Leo Gadali
Toronto