Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

Un récit Tsilhqot’in de la mort de Donald McLean (Samandlin)

[ Détail de la carte dessinée par Alexis qui montre l'endroit où McLean a été tué, Détail de la carte d’Alexis montrant l'endroit où McLean a été tué. À partir d’une carte initialement dessinée par les Indiens Alexis et Ualas, telle qu’interprétée par M. Ogilvie et signée par W. Cox au lac Benshee le 22 juillet 1864., Alexis and Ualas, Public Record Office, Great Britain MPG6541 ]

par Eugene Williams avec Terry Glavin

Samandlin est le nom que les Chilcotins, pour leurs propres raisons, avaient donné à Donald McLean, un commerçant qui avait pris sa retraite de la Compagnie de la Baie d’Hudson et qui avait été embauché par les autorités coloniales pour aider à commander un groupe de volontaires composé de Blancs qui formaient une force expéditionnaire contre les guerriers chilcotins en 1864. Il se peut que le nom Samandlin soit une évolution de la prononciation chilcotine du mot français monsieur– il y a des Chilcotins qui avaient un peu appris le français aux temps de la traite des fourrures – en plus d’être une prononciation abrégée de McLean. Quoi qu’il en soit, son meurtre a été un incident crucial parmi les événements de 1864 et, du point de vue des Xeni gwet’in, la mort de Samandlin est considérée comme l’affrontement déterminant dans la lutte pour la défense de leur patrie.

[De Eugene Williams :]

« Alors, Samandlin, il est allé là-bas à Eagle Lake. Il a pris le sentier. C’était un sentier indien, eh ? Les Indiens n’avaient pas de chevaux, ils marchaient, montaient dans la montagne. Ils ramassaient les patates douces là-haut, je pense.

« Alors, ils sont allés vérifier le sentier, eh ? Deux gars sont allés pour tout vérifier. Puis, bien vite, Samandlin. Il est arrivé par le sentier. Il ne connaissait pas le sentier, mais il est monté par le sentier… »

McLean est décrit comme un « homme de famille dévoué » avec une « réputation d’honnêteté » dans un récit populaire des événements de 1864, si bien titré, The Chilcotin War (La guerre de Chilcotin), écrit par le journaliste de Kamloops, Mel Rothenburger, un descendant de McLean. McLean apparaît également dans les mémoires écrites par le missionnaire protestant, R.C. Lundin Brown, intitulées Klatsassan, du nom du réputé chef des guerriers chilcotins. Brown décrit McLean comme un homme qui était « immensément populaire à cause de sa gentillesse, de son énergie sans borne, de la bonne volonté avec laquelle il entreprenait tout travail qui avait besoin d’être fait ». C’est le même homme à qui même le Révérend Brown impute la mort de 19 Indiens avant le début des hostilités dans le territoire chilcotin, le même homme qui est devenu célèbre pendant l’hiver 1849 pour avoir tué un vieil Indien non armé dans un village Carrier près de Quesnel parce que le vieil homme ne savait pas où un présumé meurtrier se cachait. Pendant cette même « enquête », le groupe de McLean a tué un autre homme non armé, fait feu à bout portant dans la tête d’un jeune enfant et tiré dans l’épaule de la mère de l’enfant mort…

Ce n’était certainement pas la gentillesse de McLean qui a poussé le gouverneur colonial Frederick Seymour à le sortir de sa retraite à son ranch de Hat Creek et à l’engager pour faire le travail de mercenaire qui avait besoin d’être accompli dans le territoire chilcotin. Et McLean était impatient de faire le travail. Il a mis sa fameuse veste de métal pare-balles, rapidement assemblé deux douzaines de ses propres volontaires pour partir en pays chilcotin et, le jour où il a été tué, il était parti seul à la recherche de l’ennemi, défiant des ordres explicites de William Cox, commandant de l’expédition et commissaire colonial, de rester au campement avec les autres.

« Il a trouvé le sentier, c’est sûr, ce Samandlin », dit Eugene.

« Puis, quelqu’un a sorti son couteau de son étui et il a coupé des copeaux d’un arbre qu’il a laissés sur le sentier. Laissés sur le sentier. »

C’était le piège.

À ce moment, Eugene prend fermement son couteau, son pouce sur le côté émoussé de la lame pour maintenir sa main et il taille un mince copeau du bâton. Il prend le copeau qu’il a coupé et le met par terre devant lui.

« Il l’a posé sur le sentier, dit-il, pointant avec son couteau le copeau de bois par terre entre ses pieds.

Il l’a laissé sur le sentier. Comme ça. », dit-il. Eugene reprend fermement le petit bâton dans sa main gauche et pousse la lame de son couteau de chasse vers lui avec sa main droite, taillant un copeau de bois et le laissant tomber par terre. Il regarde les deux copeaux entre ses bottes, puis relève la tête et recommence à tailler.

« Alors Samandlin est venu ici et il a passé un long moment sur le sentier, je pense. »

Eugene s’assoit très droit sur son bloc de bois et regarde par terre. « Il voulait savoir depuis combien de temps cela était là. Alors il l’a mis dans sa bouche.» Eugene ramasse le copeau et le met dans sa bouche. « Je pense, un arbre vert, je pense. Il voulait savoir. C’était peut-être sec, peut-être encore mouillé. »

Samandlin a mordu à l’hameçon. Un tireur chilcotin l’a mis dans sa mire.

Eugene est tranquille pendant un moment. « Très vite, quelqu’un… bang. Là-bas. » Eugene pointe vers les arbres derrière la cabine.

« Eh bien, le premier, je pense qu’il a raté la cible. Deux gars. Alors le second, il a tué Samandlin.

– Deux gars, je répète. Le second l’a tué.

– Ouais, dit Eugene.

– Je pense qu’il montait une côte, eh ? Il faisait chaud. Alors il a enlevé sa chemise, comme ça. Quelqu’un a entendu dire qu’ils avaient des chemises en acier. Je ne sais pas quelle sorte de chemise c’était.

– J’en ai entendu parler, je lui dis. J’en ai entendu parler.

– Alors cette fois-là, il ne portait pas sa chemise, je pense. La balle ne pouvait pénétrer cette chemise. Elle serait tombée, je pense. Mais c’était ouvert. Juste ici. Eugene pointe sa poitrine. Juste ici. C’est là que l’Indien l’a touché avec une balle. C’est pour ça qu’il l’a tué.

Eugene taille lentement quelques autres copeaux de la pointe du bâton qu’il a dans sa main gauche.

– Qui l’a tué ?, je lui demande.

– Sachayel. »

Mabel était debout près du feu. Eugene lui demande la même question en chilcotin. Elle écoutait depuis quelques temps, en tournant du bannock sur la plaque de fer.

Ils se sont parlé en chilcotin et Eugene a dit, encore une fois, « Sachayel ».

Il réfléchit pendant un moment et puis il dit : « Deux gars, je sais. Je ne sais pas lequel. »

Rothenburger a dit que le tireur était un dénommé Anukatlk, un éclaireur qui s’était joint aux guerriers tard dans la guerre. Le Révérend Brown a dit que c’était quelqu’un qui se nommait Shililika. Mabel se tenait tranquillement près de la plaque de fer qui était sur un feu à ciel ouvert. Elle nous a regardés et a dit à Eugene : « Hatish. »

« Hatish ?, demande Eugene.

– Hatish, répond Mabel.

– Hatish. Ouais, dit Eugene. Il fait oui de la tête, mais il n’a pas l’air certain.

– C’était l’autre gars ?, je demande.

– Sachayel, je répète, mais peut-être Sachayel, peut-être?

– Ouais, dit Eugene. Peut-être lui. Je ne sais pas. Je ne suis pas certain. »

Alors peut-être Sachayel, peut-être Hatish, et il y a les noms d’Anukatlk et de Shililika, et je me rappelle l’identité incertaine du chef des Chilcotins qui a été pendu à Quesnel avec les autres. Dans les documents officiels, il est identifié comme Klatsassin, parfois connu sous le nom de Klatsassan, parfois Klatsassine et parfois Klatassin. En Chilcotin, c’est Lhasas?in et Adam William m’a expliqué un jour, qu’en anglais, cela voulait dire « on ne sait pas qui il est ».

On ne sait pas vraiment qui peut s’attribuer le mérite d’avoir tué Samandlin, mais, comme le dit Eugene, on pensait que s’il gagnait à Eagle Lake, il gagnerait tout, il aurait tout. Mais il a perdu. Il a été tué. Et la troupe de 50 hommes du commissaire William Cox a rebroussé chemin et est repartie d’un pas rapide vers le lac Puntzi, laissant le corps de Samandlin enterré quelque part dans la forêt.

Source: Eugene Williams, "Un récit Tsilhqot'in de la mort de Donald McLean ," Nemiah: The Unconquered Country Terry Glavin (Vancouver: New Star Books, 1992).

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