La Presse 29 avril 1920, p. 1
LE MARI DE LA MEGERE EST COUPABLE D’HOMICIDE LE JUGE DESY ESPERE BIEN QUE LE VERDICT RENDU CONTRE LE TRISTE PERE QUE FUT GAGNON, VA FAIRE REFLECHIR LES PARENTS ENCLINS A LA BRUTALITE La sentence sera prononcée dans une dizaine de jours, dit-on. MALENTENDU AUX ASSISES Ce qui s'est produit lors du prononcé du verdict en Cour. REMARQUES DU TRIBUNAL (Du correspondant de la PRESSE) Gagnon ne partagera donc point le sort de sa triste compagne, l'accusation de meurtre ayant été écartée par le jury, lequel est entré en délibérations, hier après-midi, dès que l'hon. juge Désy eut terminé son long, formidable et éloquent requisitoire. DANS UNE DIZAINE DE JOURS (Spécial à la PRESSE) SEANCE D'HIER APRES-MIDI Après le réquisitoire de l'hon. juge Désy, lequel réquisitoire c'est terminé hier après-midi à 1 h. 30 la Cour avait été ajounée à 3 hrs. Les jurés allèrent dîner et ils durent délibérer en mangeant, car en revenant au Palais de Justice, à 2 h. 15 ils firent savoir au juge qu'ils étaient prêts à rendre leur verdict. Le juge les fit alors venir dans la salle d'audience qui était déjà remplie de curieux. LA QUESTION D'USAGE Le greffier du tribunal, M. Alphonse Pouliot, pose au jury la question d'usage: -"Messieurs du jury, êtes-vous d'accord sur le verdict que vous avez à rendre dans la cause du Roi contre Télesphore Gagnon?" L'un des jurés de langue française, M. Xavier Simard, déclara qu'il parlerait pour les autres. -Quel est votre verdict? Le juré qui servait de porte-parole aux autres, M. Simard, répondit: -"Coupable, avec recommandation à la clémence de la cour. Le greffier pose alors la question A suivre sur la page 23 LE MARI DE LA MEGERE EST COUPABLE D'HOMICIDE Suite de la première page en anglais et M. John Reed, le seul des deux jurés de langue anglaise qui ne comprenait pas le français répondit: UN MALENTENDU Le juge fait alors remarquer qu'il semble y avoir un malentendu. Il explique de nouveau aux jurés qu'ils ont à choisir entre trois verdicts: meurtre, manslaughter ou non-culpabilité. Il demande aux jurés de se retirer et de revenir avec un verdict unanime. Trois ou quatre minutes après, les jurés reviennent et leur président, M. Xavier Simard, répond à la question du greffier: M. Simard explique que, dès leur premier retour pour le verdict, les jurés étaient d'accord, mais qu'ils se sont simplement trompés sur les termes. En somme, tous les jurés comptent tenir Télesphore Gagnon responsable de la mort de sa fille, mais ils désirent qu'il ne soit pas pendu. La même erreur, nous dit M. le greffier Pouliot, s'est produite il y a quelque dix ans, lors du procès de Dickson. REMARQUE DU JUGE L'hon. juge Désy déclare alors qu'il prononcera sa sentence le lendemain. Il remercie le jury de l'attention qu'ils ont apportée au procès et il le félicite du verdict rendu. Il dit que la justice ne veut punir que les coupables. La punition qui sera prononcée contre l'accusé devra servir de leçon à ceux qui seraient tentés de faire comme lui. Il est certain que le prisonnier pleure de tout son coeur sur les torts qu'il a eus envers sa fille. En acceptant sa sentence avec courage et dans un véritable esprit de contrition et de repentir, il sera assuré que la petite martyre, Aurore Gagnon, sa fille, qui est au ciel, lui a déjà pardonné tout le mal qu'elle a souffert de lui durant sa vie sur cette terre. Le juge exprime l'espoir que le verdict qui vient d'être rendu servira de leçon aux parents qui corrigent leurs enfants de la façon odieuse dont Télesphore Gagnon a corrigé sa malheureuse enfant. La punition qu'il veut imposer au coupable sera juste, simplement juste. Source: Correspondant La Presse, "Le mari de la mégère est coupable d'homicide. Le juge Désy espère bien que le verdict rendu contre le triste père que fut Gagnon, va faire réfléchir les parents enclins à la brutalité," La Presse (Montréal), avril 29, 1920.
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