Discours du chef adjoint James Johnston sur le problème doukhobor, vers 1955
[Tel que lu par M. Eggett au Comité de relations intergroupes de Kootenay le 17 avril 1985]
Vous vous souviendrez que la femme de Peter et son fils, Peter, sont venus au Canada en 1905. Peter voulait que son fils travaille, mais Peter le Second avait d’autres idées en tête. Tout ce qu’il voulait, c’était boire, jouer et s’amuser. Peter père en a finalement eu assez de la situation et a renvoyé sa femme et son fils en Russie, ce qu’ils ont fait, mais avec un vif ressentiment contre Peter. Le jeune Peter était assez intelligent pour réaliser que son père s’occupait d’une très bonne affaire et, ayant de grandes ambitions, il avait hâte au jour où il prendrait la relève de son père. Cette occasion s’est présentée à la mort de Peter à une heure du matin le 29 octobre 1924 à Farron, C.-B. Le train no 11 de cette compagnie (le Kettle Valley Express) venait tout juste de quitter la station de Farron – à 23 milles à l’ouest de Castlegar – lorsqu’une puissante explosion a eu lieu dans la voiture-coach 1586. La détonation a eu lieu à peu près au centre de la voiture du côté sud et elle était d’une telle force qu’elle a projeté le toit de la voiture à 100 pieds. Il y avait 23 passagers dans la voiture, quatre d’entre eux sont morts sur le coup et cinq autres sont morts en route vers les hôpitaux de Grand Forks et de Nelson. L’explosion a eu lieu juste derrière le siège occupé par Peter Verigin et Mary Strelaeff. En plus des personnes tuées, 11 autres personnes ont été blessées.
Le feu a pris dans la voiture 1586 tout de suite après l’explosion, mais l’action immédiate de l’équipe du train, qui a détaché la voiture-lit qui était derrière la voiture-coach, a avancé le train d’environ 350 pieds et a ensuite détaché la voiture-coach, a sauvé le reste du train. Le premier officier de police sur la scène était le constable E. J. House du service de police du C. P. de Nelson. House n’était certes pas un Sherlock Holmes, mais il a fait une recherche méticuleuse des environs et il a réussi à trouver, à environ 50 pieds en haut de la colline au nord des voies ferrées, une pièce d’une pile sèche qui comportait une borne très inhabituelle, dont un morceau d’étain était soudé sur la paroi en zinc. House a également trouvé le mécanisme d’un réveil qui avait un morceau de fil de cuivre attaché à une roue d’engrenage qui règle l’heure. La condition dans laquelle ces deux pièces ont été retrouvées indiquait qu’elles avaient été brûlées et avaient été touchées par l’explosion. Deux enquêtes du coroner ont été tenues au début de novembre 1924, une à Nelson et l’autre à Grand Forks. Les verdicts dans les deux cas étaient presque identiques – « Les personnes nommées plus haut sont mortes à environ 1 h du matin le 29 octobre 1924, à un mille à l’ouest de Farron, à la suite du déclenchement d’un explosif à grande vitesse de détonation placé dans la voiture-coach no 1586 du Canadien Pacifique par une ou des personnes inconnues. Nous recommandons fortement au Canadien Pacifique et aux autorités provinciales de poursuivre leurs efforts pour trouver les auteurs de ce désastre. » Ces verdicts sont d’une importance capitale pour nous parce que, tout de suite après la mort de Peter, des rumeurs circulaient parmi les Doukhobors que le gouvernement, avec la complicité du C. P., avait tué Peter. Ces rumeurs non fondées persistent à ce jour dans les Kootenays. Pas plus tard que l’an dernier, une bannière en tissu peint, représentant l’explosion de Farron, était portée à la tête d’une parade nudiste doukhobor à Grand Forks.
Vous pouvez fort bien vous imaginer qu’une enquête très poussée a été menée sur le désastre de Farron et que beaucoup d’information intéressante a été compilée, mais jamais assez pour engager des poursuites. Je pense pouvoir vous dire en toute sécurité maintenant – 30 ans après les événements – que nous sommes à peu près certains de l’identité de la personne qui a fabriqué la bombe à retardement utilisée lors de l’explosion. Il s’agit d’un horloger itinérant qui avait plusieurs pseudonymes et qui était arrivé au Canada avec un passeport soviétique en provenance du Japon aux environs de 1923. Il voyageait dans la communauté des Doukhobors dans les Kootenays et, la veille de l’explosion de Farron, il était à Brilliant lorsque Peter est monté à bord du train no 11. Ce vendeur itinérant est retourné en Russie en passant par le Japon en 1930 et on n’en a plus jamais entendu parler. Il y a un bon nombre de personnes bien informées qui penchent vers la théorie selon laquelle la mort de Peter aurait été complotée en Russie dans le but de le remplacer comme chef des Doukhobors par son bon à rien de fils, Peter Petrovich Verigin. Quoi qu’il en soit, Peter le Second est arrivé au Canada, avec sa mère, à l’automne 1927 et a immédiatement assumé le rôle de chef de son père.[...]