A. Y. Jackson, « Le pays d’un peintre – Le Dr MacCallum », The Autobiography of A. Y. Jackson [L’autobiographie d’A. Y. Jackson], 1958.
[Au sujet de l’été de 1913]
[…] Je suis parti pour la baie Georgienne. […] Pendant que je nageais, pagayais, pêchais, explorais et cherchais des fleurs sauvages, j’oubliais la difficulté que j’avais à gagner ma vie. Puis l’été s’est terminé, les maisons ont été fermées et mes amis sont repartis, me laissant un énorme surplus de matériel. J’ai déménagé dans une cabine de plage sur l’île Portage et j’ai commencé à peindre sérieusement
À la fin du mois de septembre, il était devenu évident que j’aurais de la difficulté à chauffer mon logis. Il y avait de larges espaces entre les planches par où le froid pouvait pénétrer. Un jour, alors que je m’affairais à les boucher avec de l’écorce de bouleau, un bateau à moteur s’est avancé lentement jusqu’à ma plage. Le propriétaire s’est présenté : il s’agissait du Dr James MacCallum, un ami de Lawren Harris. Il voulait voir ce à quoi je travaillais. Je le lui ai montré et il a apprécié. Il a ensuite inspecté la cabine, a déclaré qu’elle était pleine de courants d’air, a demandé combien de temps je comptais rester et, lorsque je lui ai dit jusqu’à la fin du mois d’octobre, il a dit qu’il enverrait quelqu’un me chercher pour m’emmener chez lui dans la baie Go Home, où je pourrais vivre dans une maison confortable. Lorsqu’il est reparti, je l’ai suivi jusqu’à Penetang, mon bateau tiré par le sien.
« Où irez-vous lorsque vous quitterez la baie? » a-t-il demandé.
J’ai répondu que j’irais probablement aux États-Unis.
« Si tous les jeunes partent vers les États-Unis, a-t-il grommelé, l’art n’avancera jamais au Canada. »
Il m’a ensuite fait une proposition surprenante. Si j’acceptais de prendre un studio dans un édifice que lui et Harris faisaient construire, il me garantissait qu’il paierait mes dépenses pour un an. J’ai accepté, bien entendu.
[…]
Je me suis installé dans la maison du Dr MacCallum et je me suis mis au travail.
Après avoir peint en Europe où tout a été altéré par le temps et les humains, j’ai trouvé qu’il était difficile de peindre un pays dont l’apparence ne devait pas avoir changé depuis que Champlain avait navigué à travers ses milliers d’îles rocheuses trois cents ans plus tôt.