Seymour à Cardwell, no 917 juillet 1865 J’ai l’honneur de vous transmettre une requête qui vous est adressée par M. Alfred Waddington de Victoria qui se plaint du refus du gouvernement de notre colonie de payer les dépenses qu’il a encourues dans ses efforts pour ouvrir un sentier de Bute Inlet jusqu’à Cariboo et qui vous demande de lui rendre justice. Il ne dit pas de quelle façon cela pourrait être fait. Par égard pour les pertes encourues par M. Waddington, je suis enclin à traiter avec indulgence ses affirmations. Dans un premier temps, je ferai une narration aussi juste que possible des détails auxquels fait référence M. Waddington, et ensuite je réfuterai ces affirmations qui, si elles n’étaient pas expliquées, pourraient transmettre l’opinion que le gouvernement de cette colonie a agi injustement envers lui. 2. Au moment où New Westminster est devenue la capitale de la Colombie-Britannique, un sentiment de jalousie et d’opposition contre elle a fait son apparition à Victoria. L’or découvert dans le lit du Fraser a poussé les premiers immigrants à suivre son cours. Ainsi, les mines de Cariboo, qui depuis plusieurs années sont reconnues comme les plus riches de la colonie, ont été découvertes. Petit à petit, les mineurs ont cheminé vers les eaux supérieures du grand fleuve et le gouvernement, peu à peu, a amélioré les communications. Des colons se sont établis à proximité de la circulation et finalement la colonisation de la Colombie-Britannique s’est installée dans la vallée du Fraser. Une fois Cariboo découverte et sa position assurée, on a découvert une route maritime plus proche que celle de la rivière passant à Yale. Si une route pouvait être construite à partir de la source nord de Bentick Arm, ou Bute Inlet, il semblait, si on se fiait aux cartes géographiques, que la circulation de Cariboo prendrait cette direction et que le coût de la vie aux mines en serait probablement réduit, mais la plus grande motivation était que les communications avec Cariboo seraient détournées de New Westminster et que Victoria deviendrait alors le seul marché pour les deux colonies. Loin de moi la pensée de jeter le blâme sur M. Waddington d’avoir voulu faire avancer ses propres intérêts et ceux de sa ville adoptive si cela pouvait se faire par une transaction légitime et réalisable. M. Waddington, ayant décidé de tenter cette spéculation, malheureusement pour lui, a choisi Bute Inlet pour débuter son projet plutôt que Bentinck Arm. 3. Sir James Douglas, un homme parfaitement apte à juger les difficultés du travail que M. Waddington se préparait à entreprendre, fit tout ce qui était en son pouvoir pour l’en dissuader. Ce qui est très clairement démontré dans les documents que je joins. Cependant, voyant que M. Waddington était résolu, mon prédécesseur a consenti à ce que le travail soit entrepris, promettant que certains privilèges seraient octroyés dans l’éventualité où il serait complété. 4. Soutenu, je le crois, par une compagnie de Victoria, M. Waddington commença les opérations. Au début, les constructeurs étaient bien armés et des efforts furent faits pour se concilier les Indiens, mais chaque nouveau printemps, les hommes reprenaient leur travail parmi les autochtones avec une confiance accrue. Ils ont échangé des armes avec les Chilcotins et, en même temps, ils les ont privés de nourriture. 5. Nous avons un compte rendu d’un journal de Victoria, The British Colonist, en date du 10 mai 1864, qui traite des conditions de vie des Indiens chilcotins dans le campement de M. Waddington deux jours avant le massacre des Blancs. L’article est signé par M. Whymper, un artiste qui a accompagné l’expédition. Il dit : « les Indiens chilcotins et leurs misérables chiens coyotes se disputaient entre eux toute nourriture qu’on pouvait leur jeter que ce soit les os, la couenne de lard, les feuilles de thé et autres objets de luxe. Plusieurs d’entre eux sont cependant capables de partir et veulent le faire ». Les Indiens possédaient des armes et des munitions. Les Blancs ne possédaient qu’un mousquet et celui-ci fut emprunté par un Homathco la veille du massacre et n’a pas été rendu. Les constructeurs routiers dormaient alors que les Indiens, armés et affamés, montaient la garde. Une grande quantité de nourriture était à leur portée. Ses protecteurs étaient impuissants. Une chaîne de montagnes, presque inaccessible aux Européens, empêcherait toute poursuite si une force voulait venger le destin de ceux qui étaient à leur merci. Il ne faut pas se surprendre qu’une attaque ait eu lieu contre les constructeurs de la route et qu’ils aient presque tous été tués dans leur sommeil. 6. M. Waddington prétend que le gouvernement lui devait protection. Il n’a jamais demandé protection. S’il avait fait une telle demande, la permission de s’engager dans cette entreprise lui aurait été refusée. En supposant que nous ayons envoyé quelques agents, qu’auraient-ils pu faire? Je ne connais pas de loi qu’ils auraient pu invoquer pour empêcher les Blancs de se désarmer. S’ils étaient intervenus pour insister que les Indiens soient nourris, il n’y a aucun doute qu’on aurait immédiatement réclamé leur départ à grands cris. Mais là n’est pas la question. Aucune requête n’a été faite pour des agents et une telle requête n’aurait pas été satisfaite. 7. Les Blancs se sont aventurés dans ce vaste territoire tout au long de la côte et ont quelquefois pénétré vers l’intérieur. Il n’y a aucun marchand côtier qui ne pourrait compter sur ses doigts, et il aurait besoin de tous ses doigts pour le faire, le nombre d’aventuriers qui ont été tués par les autochtones au temps de mon prédécesseur sans qu’aucun châtiment ne s’ensuive. 8. Mais, pour une fois, la colonie s’est mobilisée pour venger le sort des constructeurs de la route à Bute Inlet et les victimes des massacres subséquents; mes dépêches vous auront informé de notre remarquable succès. 9. J’ai montré la requête de M. Waddington à M. Brew, le magistrat de police de New Westminster, et je demande la permission de joindre son rapport. M. Brew a exercé le commandement de l’expédition des volontaires qui sont partis de cette ville et il connaît les affaires indiennes aussi bien que quiconque dans la colonie. Je laisse M. Brew traiter des allégations initiales de la requête, mais j’appuie son affirmation selon laquelle l’entreprise de M. Waddington n’était pas considérée favorablement par mon prédécesseur, selon les affirmations de M. Crease et de M. Trutch et selon une lettre officielle du secrétaire aux colonies au commissaire en chef des terres et des travaux. 10. En ce qui a trait aux allégations générales concernant les mérites respectifs des tracés de Bute Inlet et de Bentinck Arm, je dois simplement souligner que les volontaires ont dû revenir parce qu’ils étaient incapables de traverser les montagnes en suivant le premier tracé et qu’ils ont par la suite réussi à traverser par Bentinck Arm. 11. M. Waddington déclare que l’éruption de violence indienne ou l’insurrection de l’année dernière avait pris naissance dans le haut pays chilcotin. Il sait que c’est faux. Le massacre de Bute Inlet est arrivé le 30 avril et le meurtre de Manning à Benshee, aux environs de la mi-mai. Le massacre de MacDonald et de certains membres de son groupe à Sutless a eu lieu le 31 mai. Il dit que j’ai reconnu les massacres successifs comme étant une « insurrection ». Je cite les mots que j’ai utilisés dans le discours auquel il fait référence. « Avantagés par l’impunité accordée, les assassins ont rapidement été promus au rang d’insurgés par l’adhésion de la totalité de la tribu chilcotine du sommet des montagnes Cascade aux bermes du Fraser. » Je joins les parties de mon discours qui font référence à l’éruption de violence. 12. Le 7e paragraphe fait mention de plaintes au sujet des délais encourus avant de recevoir des réponses aux lettres de M. Waddington. Il sait pourtant que je ne pouvais y répondre, étant donné qu’au moment où elles ont été écrites, j’étais en territoire chilcotin et que les communications avec la civilisation étaient coupées. 13. Cependant dans le 10e paragraphe, M. Waddington rapporte qu’il a dû attendre quatre mois pour obtenir une réponse à un mémoire qu’il m’a adressé au Conseil. Cette affirmation n’est pas sincère. J’ai examiné la question de près dans l’interview auquel il fait référence. Je lui avais dit que je ne pensais pas qu’il y ait matière à réclamation, mais que j’examinerais la question de nouveau s’il m’adressait une requête au Conseil. Je voulais dire le Conseil exécutif. J’ai dit à M. Waddington que la décision unanime du Conseil exécutif était contre lui, mais que je lui donnerais une dernière chance au Conseil législatif. Lorsque la session a débuté, je me suis rendu compte que j’avais pris un engagement bien imprudent par lequel j’amenais une question relevant strictement de l’exécutif devant un corps législatif. J’ai tenté de contourner la question en demandant l’opinion écrite de chacun des membres de la législature. Ils ont insisté cependant pour avoir l’occasion d’exprimer publiquement leur opinion sur le sujet. D’où mon message. M. Waddington était au courant de tous les événements entourant sa requête et ne peut se plaindre que ses espoirs n’ont pas été immédiatement détruits par une réponse qui aurait entraîné un refus direct. Chaque membre de la législature a exprimé publiquement son opinion selon laquelle M. Waddington n’avait aucune revendication envers le gouvernement de cette colonie. Je n’ai aucunement exercé mon influence sur les membres. J’ai exprimé une opinion et cela est, je crois, ce qui m’est demandé par la Constitution lorsqu’il s’agit d’une affaire importante alors que je donne entière liberté à mes officiers publics de voter comme bon leur semble. M. Waddington se plaint du fait que sa requête n’ait pas été lue au Conseil. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il sait pertinemment que chaque membre du Conseil l’avait eue entre les mains avant que je la leur fasse parvenir officiellement. 14. Le 13e paragraphe demande beaucoup de tolérance. Il déclare que les hostilités indiennes « ont continué sans relâche ». Il n’y a eu aucun acte violent de quelque sorte que ce soit qui ait été commis par un autochtone sur un Blanc depuis plus d’une année. Et comment cela se passe-t-il pour les meurtriers ou les insurgés? Huit ont été obligés de se rendre à M. Cox. Deux se sont suicidés. Un a été tué par McDonald. Deux ont été capturés récemment près de Bella Coola. Six sont morts sur l’échafaud et il est à craindre que plusieurs membres de la tribu soient morts de faim à la suite des poursuites des volontaires qui ont empêché les autochtones de faire des provisions habituelles de poisson et de petits fruits pour l’hiver. Nos efforts sont si loin d’avoir échoués que j’ai récemment accordé un pardon absolu à un des meurtriers chilcotins, étant las de prendre la vie et pensant que les conséquences de l’imprudence des hommes de M. Waddington avait déjà causé suffisamment d’effusion de sang et de souffrances. L’interprétation qu’il fait de mes commentaires au sujet d’une politique indienne est si peu sincère que je vais expliquer ma remarque en incluant simplement une copie de que j’ai dit. Est-ce que M. Waddington, dans ses moments les plus fous, s’imagine que j’aurais eu l’intention de nourrir les Chilcotins s’ils portaient encore les armes contre le gouvernement? 15. J’ai déjà déclaré que j’entérinais le pardon accordé à Anaheim qui se trouvait à deux cent miles du plus proche massacre. Le puissant chef Ahan qui, selon M. Waddington rendrait le territoire impraticable aux Blancs, est mort hier à New Westminster sur l’échafaud. 16. En ce qui concerne le reste de la requête de M. Waddington, j’en dirai seulement que je ne vois aucune raison pour laquelle le gouvernement devrait le dédommager pour les conséquences de sa propre témérité. Le travail qu’il a accompli n’est d’aucune valeur à la colonie. Si le gouvernement ouvrait une route du littoral maritime jusqu’à Cariboo au nord du Fraser, ce serait par Bentinck Arm où nos volontaires ont pu pénétré en suivant un sentier indien et certainement pas par Bute Inlet où les grandes dépenses de M. Waddington ont laissé un territoire qui était impraticable aux vaillants volontaires de New Westminster. 17. Ce ne sont pas les massacres indiens qui ont ruiné les chances de réussite de la spéculation de Bute Inlet, c’est l’impossibilité pour le groupe de M. Brew de traverser les montagnes Cascade et la lumière que son expédition a jetée sur toute cette question. En utilisant les précautions usuelles, un groupe de constructeurs routiers peut recommencer le travail sur le sentier abandonné sans craindre d’être agressé par les Indiens; cependant, les investisseurs ne se laisseront pas berner une autre fois par une entreprise offrant si peu de chances de réussite. Lorsque, dans mon message, je réfère aux pertes subies par M. Waddington à la suite du massacre comme étant problématiques, je fais référence au fait que je suis convaincu, ainsi que chacun des membres du groupe de M. Brew, que les difficultés naturelles du territoire n’auraient jamais pu être surmontées avec les moyens dont disposaient M. Waddington. L’échec était prévisible et le plus tôt le mieux pour sa bourse. 18. Une entreprise qui a débuté en opposition aux désirs du gouvernement, qui a été terriblement mal gérée et est totalement irréalisable, en autant que nous le sachions, même entre des mains plus expérimentées, s’est terminée par un embarras pécuniaire pour un et en une mort violente pour trente. Je pense qu’il serait plus discret que M. Waddington garde le silence sur toute cette malheureuse affaire. Veuillez agréer, etc. M. Elliot Il n’y a qu’une seule réponse à faire à la requête de M. Waddington – c.-à-d. de lui répondre qu’il est impossible pour M. Cardwell, sans l’accord complet et inconditionnel des autorités coloniales, d’approuver la relance d’une entreprise qui a été la cause de tant d’effusion de sang et qui a coûté tant d’argent. Voir 7324 Île de Vanc. M. Cardwell TFE 7/9 Pièces jointes : Requête, Alfred Waddington au secrétaire d’état, 29 mai 1865, demandant que ses pertes encourues dans le projet de la route soient défrayées par le gouvernement, accompagnée de longues explications. Notes accompagnant la requête tel que noté ci-dessus, 29 mai 1865, donnant des explications additionnelles sur différents aspects du projet ainsi qu’une requête subséquente, signée par Waddington. Extrait de journal, Government Gazette, 4 mars 1865, comprenant le rapport de J. D. B. Ogilvy, nommé récemment officier de police et des douanes à Bentinck Arm, décrivant la détermination des Indiens à faire leur part dans la capture des derniers meurtriers des constructeurs de la route. Requête, Waddington à Seymour, 6 décembre 1864, demandant une compensation pour ses pertes et incluant des explications. C. Brew à Seymour, réfutant les demandes de compensations présentées par Waddington. H. P. P. Crease, procureur général, à Seymour, 2 juin 1865, réfutant les demandes de compensations présentées par Waddington. Note de J. W. Trutch, 1er juin 1865, informant que Douglas et Moody avaient tenté de dissuader Waddington d’entamer le projet. W. A. G. Young, secrétaire aux colonies, au commissaire en chef des terres et travaux, 25 février 1863, l’informant que la charte de Waddington avait été prolongée pour une période de dix ans à cause des difficultés rencontrées pour l’obtention du capital et commentant le fait que Douglas pensait que les difficultés d’ordre pratique seraient tout aussi difficiles à surmonter. Coupure de journal, sans nom, sans date, incluant des extraits de l’allocution prononcée par Seymour, remarquant qu’il y aura possiblement lieu d’apporter du secours aux membres de la tribu des Chilcotins qui souffraient de la faim parce qu’ils n’avaient pu amasser des provisions pour l’hiver lorsqu’ils fuyaient les autorités. Également : Projet de réponse, Cardwell à Seymour, no 71, 23 septembre 1865. C’est à contrecœur qu’une permission a été accordée à M. Waddington en 1862 pour la construction de cette route. Il semble que cela ait fait l’objet d’une entente. S’il ne reçoit pas de protection de la part du gouvernement, ce qui sera certainement le cas, il ne pourra pas continuer la route. Mais alors il devrait certainement être libéré de cette entente, dont il semble dire qu’il n’a pas la permission de se retirer. À cette distance, et ignorant totalement les détails, je pense que nous n’avons pas d’autre choix que de laisser la décision exclusivement entre les mains des autorités locales, à qui elle revient d’office. Voir 9137 d’un avocat -- M. Churchill. Source: Great Britain Public Record Office, Colonial Office Records, CO 60/22, p. 192, 8623, Frederick Seymour, Lettre à Cardwell, no 91, sent 7 juillet 1865, received 7 septembre 1865.
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