Le passage du Nord-Ouest
Rule Britannia!
Lorsque Franklin lève les amarres en 1845, la Grande-Bretagne est une des grandes puissances mondiales. Pays le plus industrialisé de son époque, ses manufactures fournissent une grande variété de produits à travers le monde, que ce soient des tissus de coton, des couverts et de la vaisselle ou de l’acier, des locomotives et des technologies spécialisées pour les becs de gaz. En 1845, en partie grâce à la croissance de sa richesse économique, la Grande-Bretagne détient la suprématie maritime dans le monde, comme le démontre sa victoire lors des guerres napoléoniennes en 1815. Comme le commerce international se fait principalement par navire, la force de sa marine lui donne l’assurance de pouvoir faire du commerce sur toutes les eaux de la planète. À peine quelques années après le départ de Franklin pour l’Arctique, la Grande-Bretagne démontre sa domination commerciale et sa supériorité technologique lors de la grande exposition de Londres de 1851, la première Exposition universelle. La quête pour le passage du Nord-Ouest est intimement liée au contexte d’ascendance impériale britannique
Pourquoi le passage du Nord-Ouest?
Les Européens, en particulier les Britanniques, dépendent du commerce avec l’Inde et la Chine, mais cela exige un long voyage autour de la pointe de l’Amérique du Sud qui est alors sous domination espagnole. La Grande-Bretagne rêve depuis longtemps d’un passage plus court par le nord de l’Amérique du Nord. Elle y a d’ailleurs envoyé en exploration le capitaine Cook en 1778 et George Vancouver en 1792. Cette quête recommence en 1815 à la fin des guerres napoléoniennes et, en 1840, la Grande-Bretagne a déjà envoyé une douzaine d’expéditions navales à la recherche d’un passage du Nord-Ouest dans les régions arctiques, aujourd’hui le Nunavut. La Grande-Bretagne a aussi envoyé des expéditions terrestres menées par des explorateurs éminents comme George Back, Peter Dease, Thomas Simpson, John Rae et, avant son expédition par mer, John Franklin. Bien qu’ils réussissent à préciser la cartographie de l’Arctique, ils ne rapportent pas le premier prix, c'est-à-dire le mythique passage à travers l’archipel arctique donnant une route plus directe entre l’Europe et l’Asie.
Le besoin de cartographier
Grâce à l’expansion du rôle de sa marine, la Grande-Bretagne établit un nombre grandissant de contacts dans le monde. Elle se rend dans diverses parties encore inconnues des pays européens. Au dix-neuvième siècle, la Marine royale s’applique donc à cartographier les continents et à comprendre les environnements sur lesquels s’appuient la navigation et le commerce. La science est l’élément clé du développement britannique et fonctionne de concert avec l’expansion navale, industrielle et commerciale. Pour faire des découvertes géographiques, il faut des connaissances solides pour pouvoir naviguer en toute sécurité, et donc des théories fiables sur le magnétisme terrestre, les courants océanographiques et les marées. Lorsque la Grande-Bretagne reprend sa quête du passage du Nord-Ouest en 1818, la science, en particulier la science du magnétisme, est une composante centrale de toutes les expéditions envoyées en Arctique. À cette époque, le passage du Nord-Ouest et un magnétisme terrestre stable sont des concepts imaginaires, des abstractions qui doivent être testées sur le terrain afin de vérifier si les hypothèses de base sont justifiées.