Rapport de la GRC sur l’explosion à bord du train de Kettle Valley
Police de la Colombie-Britannique
Dossier no 56/5230 octobre 1924
Division « B »
District de West Kootenay,
Détachement de Nelson.
RAPPORT.
Explosion à bord du train de Kettle Valley voyageant en direction ouest le 29 oct. 1924 près de Farron, C.-B.
À 7 h 20, le 29 octobre 1924, ai reçu un message téléphonique de M. Griffith, commis en chef, C.P. Nelson, C.-B., selon lequel il y avait eu un accident sur la ligne Kettle Valley près de Farron tôt ce matin et que cinq passagers avaient été tués et treize autres blessés. Ai avisé le coroner du district, Dr. H.H. MacKenzie, et aussi communiqué avec le sgt é-m Fraser à Greenwood qui m’a expliqué que l’accident était survenu à l’ouest de Farron, dans son district, et qu’il partait sur-le-champ pour Grand Forks et essaierait d’attraper le train de marchandises pour se rendre sur les lieux.
À ce moment, on signalait deux morts à Farron et trois à Nelson, huit blessés au Kootenay Lake Hospital et cinq au Grand Forks Hospital.
Le premier rapport reçu faisait état d’un réservoir de gaz dans la voiture-coach qui avait explosé et démoli la voiture, pour ensuite y mettre le feu. À environ 8 h 45, les responsables du C.P. ont déclaré que les réservoirs de gaz étaient intacts et que ce ne pouvait pas être le gaz qui était la cause de l’explosion. L’inspecteur Dunwoody étant présentement en service à Revelstoke et donc dans l’impossibilité de se rendre à Farron, j’ai décidé qu’il était mieux que je m’y rende afin d’offrir toute l’aide nécessaire. À 9 h 50, un train spécial affrété par le Christian Community of Universal Brotherhood Ltd (Doukhobors) a quitté Nelson en direction de Farron pour transporter le corps de M. Verigin à Brilliant. J’ai pris ce train pour me rendre sur la scène de l’accident et, à mon arrivée, ai découvert que Dr. Kingston, le coroner de Grand Forks, avait pris la responsabilité des corps; il était très bien secondé par le constable Killam du détachement de Grand Forks. Les Doukhobors ont appris qu’il fallait transporter le corps de Peter Verigin à Grand Forks pour l’enquête du coroner, ce qui a été fait; entre-temps le sgt é-m Fraser est arrivé par le train de marchandises et, après avoir examiné la scène, il est retourné à Grand Forks à bord du train spécial pour assister à l’enquête que le coroner a décidé de commencer dès l’arrivée des corps à Grand Forks. À bord du train vers Grand Forks se trouvaient quatre corps, John MacKie, député provincial de Grand Forks, Peter Verigin et deux corps non identifiés.
À mon arrivée à Farron, les corps étaient dans une voiture-coach; le coroner et le constable Killam ont expliqué que rien ne semblait avoir été touché avant leur arrivée, à part les blessés, ce qui, je dois dire, était tout à l’honneur des responsables du C.P. puisque leur équipe de secours était là et qu’on a empêché les hommes de toucher à quoi que ce soit avant l’arrivée du coroner et du const. Killam. Tout ce qui restait de la voiture était sur la voie, à part ce qui avait été projeté par l’explosion. Après l’explosion, le train aurait continué sa course sur une distance de 275 pieds et, parce que la voiture-coach brûlait, les autres voitures-coachs, ainsi que le fourgon à bagages et le fourgon postal ont été détachés et amenés à une distance sécuritaire; la voiture-coach a brûlé jusqu’à ce qu’il ne reste que la ferraille. Sur un des côtés de la voiture, les tuyaux du chauffage à vapeur étaient endommagés et tordus, plus particulièrement environ à mi-chemin entre les bogies et au-dessus des réservoirs de gaz; les réservoirs étaient intacts et on pouvait voir qu’ils étaient bosselés; à mon avis, l’explosion a eu lieu à l’intérieur de la voiture juste au-dessus des réservoirs de gaz parce que, le long de la voie ferrée du même côté que les réservoirs de gaz, il y avait ce qui semblait être des parties du plancher qui avait explosé en très petits fragments; ceux-ci avaient été projetés avec force sous la voie ferrée mais sans faire de trous dans la terre même si une des traverses du côté extérieur de la voie avait été brisée par l’explosion; les débris couvraient probablement un rayon d’environ 18 pouces carrés comme si la force de l’explosion avait fait éclater un trou à travers le plancher de la voiture; des fragments de la voiture ont été trouvés à une distance d’environ 300 pieds de chaque côté de la voie ferrée et des morceaux des boiseries sur lesquels étaient inscrits les mots « FIRST CLASS », étaient éparpillés plus loin le long des rails; des morceaux de vêtements en partie brûlés et déchiquetés pendaient des arbres à plus de 100 pieds et l’armature (en acier) d'une malette ou d’un bagage à main a été trouvé à plus de deux cents pieds de la voie; à première vue, cette malette aurait très bien pu contenir l’explosif ou se trouver très près de l’endroit où l’explosion a eu lieu. Étant donné qu’il ne restait presque plus rien à accomplir à Farron à ce moment-là, je suis revenu à Nelson à 0 h 20 afin de vérifier s’il était probable que l’un des occupants de la voiture ait pu transporter des explosifs sur le train. En ce qui concerne les défunts et les blessés qui se trouvent à Nelson, je ne crois pas qu’un d’entre eux aurait transporté une telle substance. Il y a, je crois, un certain O’Shaunnessy à l’hôpital de Grand Forks qui serait venu de Montréal et qui aurait un partenaire qui n’a pas été blessé et qui a continué son trajet vers l’ouest la même journée. J’ai téléphoné au sgt é-m Fraser pour lui demander de vérifier les déplacements de ces hommes et tenter de trouver le partenaire d’O’Shaunnessy; je n’ai encore reçu aucun rapport du sgt é-m Fraser ou du constable Killam, mais j’ai été informé par les responsables du C.P. que deux hommes qui étaient avec O’Shaunnessy et qui n’avaient pas été blessés dans l’explosion avaient été retrouvés à Vancouver.
L’enquête du coroner de Grand Forks a été ajournée jusqu’à 10 h le samedi 1er novembre et celle qui a débuté ici ce matin a été ajournée jusqu’à 14 h 30 le lundi 3 novembre 1924. Il semblait nécessaire de procéder à une enquête du coroner sur les corps ici, sinon ils auraient dû être transportés à Grand Forks et certains auraient dû être retournés ici. Cela faciliterait grandement les choses si la preuve recueillie à l’enquête du coroner à Grand Forks pouvait être utilisée ici, mais je doute que cela puisse être permis, d’où ma requête à ce sujet par télégramme-lettre de nuit.
À cause de l’absence de l’inspecteur Dunwoody qui est à Revelstoke en raison de la maladie du constable King, j’ai dû demander au caporal Johnston, responsable du détachement de Trail, de venir à Nelson pour me seconder.
(signé)Ernest GammonDiv. « B » Police de la C.-B.
Nelson, C.-B.