CONCLUSION DU JURY DE NELSON : L’EXPLOSIF A CAUSÉ LA MORT
L’EXPLOSIF ÉTAIT LA CAUSE DU DÉSASTRE SELON LE JURY
Verdict : une puissante explosion causée par une ou des personnes inconnues
IL DEMANDE UNE RECHERCHE MINUTIEUSE QUANT À LA CAUSE
Placé dans la voiture intentionnellement ou par ignorance
" Qu’il est de notre avis que lesdits William J. Armstrong, Neil E. Murray, Mary Strelaeff et Henry J. Bishop sont morts à la suite du désastre survenu près de Farron, C.-B., le matin du 29 octobre 1924, qui a été causé par un puissant explosif déposé dans la voiture no 1528 du Canadien Pacifique par une ou des personnes inconnues soit intentionnellement ou par ignorance.
Nous demandons instamment au bureau du procureur général de cette province de poursuivre minutieusement leurs recherches afin d’arrêter la ou les personnes responsables de ce terrible accident. "
Ce qui précède est le verdict du jury de Nelson qui, pendant les cinq derniers jours, a siégé lors de l’enquête du coroner sur la mort de quatre personnes dans l’explosion du train de Kettle Valley mercredi passé. Le verdict tel que prononcé a été signé par les jurés suivants : Denis St Denis (président), Russell Brown MacEwan, Walter M. Myers, George Benwell, John Bell, William Rutherford et Henry Hector MacKenzie, coroner.
IL FÉLICITE LE JURY.
À la suite de la présentation du verdict, le coroner MacKenzie a félicité le jury. Il a aussi félicité les membres pour la minutie qu’ils ont démontrée dans l’analyse de la preuve. D’après lui, rien n’a été omis qui aurait pu aider à éclaircir le mystère.
Après cinq jours d’enquête, le jury a examiné sous tous ses angles la terrible explosion qui a coûté la vie à neuf personnes et en a blessé neuf autres. Chaque témoin qui aurait pu éclairer l’affaire a été appelé. Les jurés ont pris un train spécial pour se rendre jusqu’à la scène de l’accident. Ils ont vu ce qui restait de la voiture-coach. Des experts sont venus témoignés. Du gaz Pintsch a été apporté au tribunal. Il a été relâché dans la pièce et les jurys ont pu sentir ses émanations. Il a été trouvé que le gaz était plus léger que l’air.
La session d’hier a été de courte durée. Le jury est arrivé à un verdict après environ une demi-heure de délibération. Le témoignage de deux Hindous hospitalisés au Kootenay Lake General a été présenté par le sergent d’état-major Ernest Gammon à partir des déclarations faites par ces personnes à l’hôpital. Les autres témoins entendus avant que le verdict ne soit prononcé étaient William Harkness et Charles Munroe, l’équipe de locomotive sur le train; Ernest Collinson, un horloger, et Nick Zebroff, un des Doukhobors qui ont été blessés. Wilfred Marquis a également été rappelé à la barre.
LECTURE DES DÉCLARATIONS DES HINDOUS
À l’ouverture de la cinquième journée d’enquête du coroner hier matin à 10 h, il a été question de se rendre à l’hôpital afin d’interroger les deux Hindous blessés dans l’explosion. Le sergent d’état-major E. Gammon a présenté les déclarations originales de Nando Singh et de Bud Singh qui avaient été assermentés à l’hôpital peu de temps après l’accident; après lecture de ces déclarations, il a été décidé qu’à cause de la piètre qualité de leur anglais et des nombreux détails contenus dans leurs déclarations, il ne servirait à rien d’aller les rencontrer à l’hôpital.
Selon la déclaration de Nando Singh, il venait de Wasso où il avait travaillé dans un camp de bûcheron et était en chemin vers Vancouver avec son frère. Il dormait au moment de l’explosion et a appris plus tard que son frère avait été tué. Il a dit que son frère transportait une horloge dans sa mallette.
Bud Singh a dit qu’il arrivait aussi de Wasso et se rendait à Vancouver. Il transportait une grosse horloge avec un cadre en bois et une autre horloge plus petite. Il dormait lorsque l’explosion est survenue.
Les deux déclarations originales ont été déposées comme éléments de preuve par le sergent d’état-major Gammon.
En réponse à une question de William Rutherford, le sergent d’état-major Gammon a parlé de John Perrasso, du Sargent’s garage, qui avait pris place à bord du train le 28 octobre pour aller à Rossland. Près d’une des extrémités du train, il avait accidentellement heurté ou touché une valise et un homme lui a dit de faire attention car elle était remplie de dynamite. Plus tard, il a dit à M. Perrasso qu’elle contenait trois bouteilles de Scotch whiskey. Le sergent Gammon a déclaré que Perrasso était parti à la chasse et que c’était la raison pour laquelle il n’avait pas été appelé à la barre des témoins.
D. St Denis, président du jury, a ensuite annoncé que le jury n’avait plus de témoins à appeler et, à environ 11 h 30, le coroner, le Dr. H. H. MacKenzie, a fait sortir tout le monde afin que le jury puisse rendre son verdict. Celui-ci a été rendu un peu après midi.
LE FIL NE FAIT PAS PARTIE DU DESIGN.
Ernest Collinson, un horloger de profession, est venu témoigner. Il a affirmé que la roue d’engrenage à laquelle était attaché le fil était celle qui tournait l’aiguille des heures. Il était attaché à la roue et reposait entre les dents. Sur la dent suivante se trouvait un autre morceau de fil. Il y avait peut-être été soudé mais le témoin en doutait. Il pensait qu’il s’agissait d’un fil de laiton et ne pouvait dire quel métal tenait le fil et il ne pensait pas qu’il avait été soudé. On aurait dit que le fil avait été forcé en place. Questionné à savoir s’il s’agissait d’un morceau de fil ou d’une partie de la roue d’engrenage, M. Collinson a affirmé qu’il s’agissait bien d’un morceau de fil. Du fil avait été utilisé à plusieurs endroits dans l’horloge pour tenir le cadran en place. Le fil pourrait très bien faire partie de cet ensemble. Si c’était un fil de cuivre, soit il avait été projeté à l’intérieur, soit il avait été placé dans l’horloge. Dans sa position actuelle, il était déplacé.
Ce n’était pas une horloge ordinaire et il n’y en avait pas beaucoup de vendues dans cette ville. Elle était d’une manufacture italienne et le ressort de l’alarme était remonté. Le fil aurait pu se retrouver là par la force de l’explosion. La chaleur aurait pu faire fondre le métal de telle façon que le fil serait resté à cet endroit. Il y avait plusieurs façons par lesquelles un fil aurait pu se retrouver là.
Si le fil avait été placé là délibérément, il était vraiment relâché, a affirmé le témoin. Le fil n’était pas en position de déclencher quoi que ce soit; le témoin pensait qu’une horloge pouvait être isolée mais ne pouvait pas dire comment. D’après lui, il n’était d’aucune utilité de poser le fil sur la roue d’engrenage. Un homme n’utiliserait pas cette méthode pour déclencher une horloge. Alors qu’il était à la barre, le témoin a pris l’horloge et le fil est tombé.
LE MÉCANICIEN DE LOCOMOTIVE A VU UN TROU DANS LA VOITURE
William Harkness, mécanicien de locomotive sur le train qui est parti d’ici mardi soir dernier, a raconté qu’il a entendu l’explosion et que les freins se sont appliqués automatiquement. Il avait renversé le moteur et enclenché les freins directs. La voiture brûlait lorsqu’il s’est retourné. La quatrième voiture suivant la locomotive était en feu.
Il est parti vers l’arrière, à l’intérieur de la voiture-coach. Après que les passagers eurent été sortis de la voiture, celle-ci dut être séparée du train. Il avait vu un trou dans le plancher de la voiture. Peu après l’explosion, il avait examiné les réservoirs de gaz dans le plancher de la voiture et les avait trouvés intacts.
Il a expliqué que le trou dans la voiture se situait au centre et du côté droit de la voiture. Il y avait du feu tout autour.
Il avait vu le trou dans le plancher lorsqu’il était allé examiner les réservoirs de gaz. Le tuyau de vapeur sous la voiture avait été tordu par l’explosion. Les murs de la voiture étaient presque détruits. Le toit avait été complètement soufflé. Il avait remarqué une odeur inusitée à l’extrémité est de la voiture, là où était le compartiment fumeur. Il n’avait vu aucune flamme sortir des réservoirs de gaz.
William Rutherford – Pourquoi êtes-vous allé inspecter les réservoirs de gaz ?
Harkness – Quelqu’un a dit que le réservoir de gaz avait explosé. Je suis allé voir : j’ai naturellement pensé que le gaz avait effectivement explosé.
Selon le témoin, s’il y avait eu du gaz dans la voiture, quelqu’un l’aurait détecté. La seule façon dont le gaz pouvait pénétrer dans la voiture était par les lumières. Il était convaincu que les réservoirs étaient en bon état et il a affirmé que le trou dans la voiture-coach se trouvait du côté opposé à l’endroit où étaient les réservoirs de gaz.
LE CHAUFFEUR PENSAIT QUE C’ÉTAIT LE GAZ
C. G. Munroe, le chauffeur sur le train, a été appelé et il a dit avoir entendu l’explosion et avoir vu les flammes de la voiture. Il avait aidé à sortir les blessés. Il avait été dans la voiture-coach. Il n’y avait plus de sièges dans le centre et les débris étaient éparpillés un peu partout. Il avait vu le trou dans le plancher : il avait une circonférence de quatre ou cinq pieds. Le trou était près des cylindres d’air et la conduite de chaleur avait été tordue vers le bas par la force de l’explosion.
Tout comme Harkness, il avait pensé que le gaz avait causé l’explosion. Les sièges étaient empilés dans toutes les directions dans la voiture-coach. Il avait entendu beaucoup de bruits secs comme des cartouches qui éclatent par intervalles. Il y en avait beaucoup et on aurait dit que c’était des capuchons de mise à feu.
Il a déclaré que sa première idée avait été que les réservoirs de gaz avaient explosé. Il n’avait jamais rien vu de tel arriver.
UNE VICTIME DOUKHOBOR ENTENDUE
George Zebroff, un des Doukhobors qui voyageaient dans le train, et qui a quitté l’hôpital dimanche dernier, a été ramené à Brilliant mardi pour témoigner.
Il était à Birchbank où il cueillait des pommes. Il avait pris le train à Castlegar. Il était assis au deuxième siège à l’arrière du train et du même côté que Peter Verigin. Un Hindou était assis derrière lui et un autre, en face. D’autres Doukhobors sont montés à Tunnel et se sont assis trois ou quatre sièges devant lui.
Le témoin a affirmé s’être endormi après le départ de Tunnel. Il ne sait pas ce qui est arrivé. Il avait été projeté sur un fermier. Il pensait que c’était un Doukhobor indépendant. Il avait été blessé à la poitrine et il avait entendu et vu le feu.
Avec lui, il avait une valise, un manteau, un chapeau et d’autres bagages. Le reste de ses bagages était dans le fourgon à bagages. Dans ses bagages, il y avait des vêtements de rechange et ses couvertures. Dans sa valise se trouvait un sécateur.
Le sergent d’état-major Gammon a présenté un sécateur très endommagé par le feu et trouvé dans les décombres de la voiture. Zebroff a déclaré que c’était le sien. Il l’avait depuis six ou sept ans et il avait été importé par la communauté. Il n’avait pas de pinces ou de ciseaux dans sa mallette. Il n’avait pas remarqué de trou dans la voiture-coach.
Le témoin a affirmé n’avoir jamais dit à personne qu’il avait vu un trou dans la voiture-coach. Il avait bondi lorsque la voiture avait pris feu. Il s’était dit qu’il devait sortir de là ou qu’il serait tué. Il avait essayé de sortir par la porte, mais il ne pouvait pas l’ouvrir. Il avait vu une fenêtre ouverte, ou dont la vitre avait éclaté, et il avait sauté à travers. La seule personne qu’il avait vue dans la voiture en feu était George Kazakoff, qui avait aussi été sauvé. Il n’avait pas dit à Edward Graf à Brilliant qu’il avait vu un trou dans la voiture-coach.
Wilfred Marquis a été rappelé à la barre et M. Hamilton lui a demandé s’il transportait une lampe alors qu’il traversait la voiture. Le témoin a affirmé que, lorsqu’il avait fermé le système d’évaporation sous le siège situé près de Peter Verigin quelques secondes avant l’explosion, il tenait dans sa main droite une lampe au kérosène utilisée par les aiguilleurs. Il n’avait pas senti l’odeur de gaz.
M. Hamilton a affirmé que ceci écartait la théorie du gaz puisque la présence du feu dans la lampe aurait provoqué une explosion.
Max Baskin a témoigné pendant la journée et il a déclaré que les deux manteaux produits en cour appartenaient à Peter Verigin, le leader Doukhobor décédé. Il avait lui-même aidé M. Verigin à choisir un manteau dans un magasin de Spokane.
M. Baskin connaissait bien M. Campbell, une des personnes décédées dans l’explosion. Ce dernier transportait une valise et un sac à dos. Il n’avait aucun explosif. Outre ses bagages, il ne transportait qu’un ruban à mesurer et un marteau forestier.