Archibald M. Campbell, « Le Parc national Algonquin de l’Ontario : Ses ressources et ses avantages », The Ottawa Naturalist, juin 1901
Construction du chemin de fer Ottawa-Arnprior-Parry Sound dans la portion sud-est du parc Algonquin, Inconnu, 1894, Algonquin Park Archives, APMA 128
Grâce à la division de Parry Sound du Chemin de fer Atlantique-Canadien, il est possible pour la première fois d’avoir accès à l’une des régions où se trouvent des lacs, des cours d’eau, une forêt primitive et des rochers parmi les plus remarquables au monde. Cette région se trouve entre la rivière Ottawa et la baie Georgienne, c’est un territoire compact de plus de quarante milles carrés à l’intérieur d’une zone de près de 2 000 milles carrés, réunissant dix-huit comtés et six demi-comtés du district de Nipissing, et rassemblant au total un million d’acres de terre et de cours d’eau. Le gouvernement de l’Ontario a mis de côté et réservé pour l’avenir le territoire du parc national Algonquin « pour le bénéfice des gens de la province ainsi que pour les avantages et le plaisir qu’ils en tireront ». Le parc est pour les citoyens canadiens une richesse dont ils n’ont pas encore constaté l’ampleur. Il s’agit en fait d’une énorme réserve de chasse, d’un paradis du pêcheur et du sportif, d’une réserve en eau, d’un terrain pour les opérations de reforestation et d’un sanatorium naturel qui connaîtra probablement plus de succès que la région des Adirondacks et que les autres stations climatiques réputées d’Amérique.
RIVIÈRES ET LACS
C’est dans les vallées, entre les chaînes rocheuses des hautes-terres laurentiennes, que prennent leur source les rivières Muskoka, Magnetawan, Madawaska, Petawawa, Amable du Fond et South – toutes d’importants cours d’eau qui se déversent dans la baie Georgienne, dans les rivières Ottawa et Mattawa ainsi que dans le lac Nipissing. [...] Dans l’intérêt du bûcheron, qui fait flotter chaque année de grandes quantités de bois sur ces eaux pour en faire commerce, du fabricant dont les roues du moulin sont propulsées par ces eaux, et du fermier pour qui un approvisionnement continu grâce à une source, un puits ou un ruisseau est une nécessité absolue, tous exigent qu’une clause prévoie que les collines et les hautes terres de ce plateau demeurent couvertes d’une forêt dense et en pleine croissance. […]
BOIS D’ŒUVRE
Cette région fait partie de la grande forêt qui a déjà recouvert toute la province et qui est constituée de pin blanc et rouge, de pruche, de mélèze, de sapin baumier, d’épinette, de cèdre, de bouleau, d’érable, de hêtre, d’ostryer de Virginie, de frêne et de tilleul d’Amérique. Toutes les terres situées dans les limites du parc sont maintenant régies par des permis de coupe de bois et, sur certaines d’entre elles, on coupe le pin depuis près d’un demi-siècle. Les incendies de forêts et la coupe de bois ont largement entamé les réserves de pin, mais à cause des contrats actuels, il faudra encore plusieurs années avant que le parc puisse être libéré de l’exploitation forestière. Il n’y a aucun autre droit acquis dans la réserve, de sorte qu’un jour la Couronne détiendra un droit exclusif de propriété et de contrôle sur tous les produits et les ressources de la réserve.
UN ENDROIT PROPICE AU CANOT ET AU CAMPING
Le parc offre des installations et des attractions inégalées pour les amateurs de canot et de camping. Les gardes forestiers ont déjà débroussaillé une distance de plus d’une centaine de milles en sentiers et en portages et ont enlevé les obstacles des cours d’eau ou en ont facilité l’accès. Les travaux se poursuivront jusqu’à ce qu’une navigation relativement libre soit assurée sur les principales voies navigables de la réserve. En règle générale, les portages sont courts et faciles à exécuter et sont généralement appréciés des canoteurs puisqu’ils y voient l’occasion de se dégourdir les jambes. Au moins quarante huttes ou cabanes en bois rond ont été érigées à différents endroits partout dans le parc et ce nombre augmentera chaque année. Leur but est de fournir un abri aux gardes forestiers et à ceux qui voyagent en canot à travers la réserve. Entre sept et dix milles de distance les séparent – un maximum d’une journée de marche en raquette l’hiver.
UNE RÉSERVE NATURELLE DE CHASSE
[...] L’extrait suivant, tiré du Rapport de la Commission royale d’enquête sur la réserve forestière et le parc national, pourrait vous intéresser :
« De tous les animaux à fourrure, le castor est sans doute le plus précieux. Sur les rivages de tous les lacs de ce district, on retrouve de vieilles huttes de castors et on retrouve sur pratiquement tous les ruisseaux du territoire des barrages de castors, le plus souvent rapprochés les uns des autres. Par contre, on peut voyager sur le territoire pendant des jours sans apercevoir la trace d’un castor vivant.
« Cet animal vaillant et inoffensif devrait être sauvé de l’extinction pour deux raisons. Premièrement, sa peau nous procure une des fourrures les plus somptueuses et les plus précieuses; et deuxièmement, par ses habitudes, il est probablement le plus grand protecteur de l’eau. […] »
FORMATIONS GÉOLOGIQUES ET MINÉRAUX
Les terres comprises dans le parc Algonquin sont généralement inutiles à l’agriculture puisqu’elles sont, comme on peut s’attendre de terres situées sur une ligne de partage des eaux, en majeure partie raboteuses, accidentées et rocheuses. Il y a quelques hautes montagnes dont la surface est surtout composée de crêtes rocheuses, de vallées, de marais et de marécages. Les rochers de la formation laurentienne saillent un peu partout et décrivent des pentes dans tous les angles dans le granite ou le gneiss au sud-est, le gisement de strates allant du nord-est au sud-ouest. Il n’y a pas de calcaire, du moins à ce qu’en sait l’auteur, et le peu d’indices de minéraux qu’on a trouvés jusqu’à maintenant consistait principalement en des traces de fer. L’exploration minière ou la prospection de minéraux sont interdites dans le parc, sauf sous certaines conditions et certaines réserves. L’exploitation de mines et le développement d’intérêts miniers seraient soumis aux mêmes lois.
UN LIEU D’EXPÉRIMENTATION EN FORESTERIE
Il y aurait beaucoup à dire sur toutes les possibilités d’expérimentation en foresterie qu’offre une telle région. Le reboisement de zones ravagées par le feu, le reboisement des zones trop clairsemées de la forêt, l’obtention de données précises concernant les sols, les emplacements et les conditions idéales pour certaines essences d’arbres, la découverte de la meilleure méthode permettant de tirer le maximum d’une forêt sans dépasser ses capacités et une solution permettant de détruire les branches et les cimes d’arbres laissées sur le sol par les bûcherons lorsqu’ils abattent une forêt de pins. Il sera avantageux de procéder à ces expérimentations qui s’avéreront certainement d’une grande valeur. […]
UN SANATORIUM NATUREL
Grâce à l’altitude de la région et à son air tonifiant – qui embaume les odeurs résineuses du pin et du sapin baumier – il s’agit d’un excellent sanatorium naturel où les gens souffrant de consomption peuvent recouvrer leur santé et leur vigueur. Il a été prouvé que les forêts de pin aident particulièrement à traiter les maladies respiratoires. Les premiers Romains envoyaient ceux qui souffraient de ce genre de maladie en Libra, où, en respirant les émanations balsamiques de pin dont la région regorgeait, leur situation s’améliorait, disait-on. [...] Il ne fait aucun doute que toute personne affligée de troubles aux poumons bénéficierait grandement d’un séjour dans la forêt de pins des hautes-terres du Nipissing, où l’air est pur, l’eau excellente et les brises aromatiques.
LE QUARTIER GÉNÉRAL DU PARC
Le quartier général du parc était auparavant situé au lac Canoe, mais, pour différentes raisons, on a estimé que le lac Cache était un endroit plus approprié et le quartier général y a été aménagé. Des bâtiments visant à loger le directeur et son équipe de six ou sept gardes forestiers ont été érigés à l’été de 1897 sur les rives du lac, juste au sud du chemin de fer. Les gardes forestiers sont supposés patrouiller la majeure partie de leur temps afin d’avoir à l’œil les gens qui entrent sans permission et les braconniers, de s’assurer qu’il n’y ait pas d’incendie de forêt et spécialement de surveiller les cours d’eau et les entrées du parc. Incidemment, ils bâtissent des cabanes servant d’abri, effectuent des travaux de réfection et font la guerre aux loups et aux autres animaux dangereux.
Sur une colline rocheuse, à environ quinze pieds au-dessus de l’eau et si bien dissimulée par les bouleaux et les épinettes qu’on peut passer tout à côté en canot sans même se rendre compte de sa présence, on retrouve « Fort Necessity », une des cabanes servant d’abri. Il s’agit d’une petite cabane rustique d’une seule pièce munie d’un poêle en tôle, de tabourets et d’une table rudimentaires ainsi que d’un lit plateforme de la largeur du bâtiment où peuvent s’installer si nécessaire six hommes; trois à chaque bout, pieds contre pieds. […]