Récits en provenance de Skaguay
Bellingham Bay Reveille
27 août 1897
SKAGUAY, 17 août 1897
Ma chère épouse,
Voilà trois jours que nous sommes ici et nous avons porté nos provisions sur cinq milles jusqu’au pied de la montagne. On n’a jamais vu pareille ruée, la route était bordée de campements sur les cinq milles que nous avons parcourus.
Il doit y avoir 6000 personnes qui campent ici. J’ai commencé l’ascension de la piste hier et j’ai pu parcourir six milles. C’est un sentier terriblement ardu, tous ceux qui l’ont franchi jusqu’ici ont perdu la moitié de leurs chevaux qui ont péri ou étaient si mal en point qu’ils ont dû être abattus. La piste est formée d’une ligne compacte de chevaux et de gens qui vont et viennent et le pire, c’est de revenir sans charge, car il faut alors céder la piste à ceux qui montent chargés. Parfois, il faut attendre au même endroit pendant une heure ou plus pour les laisser passer. Je pense que nous resterons environ vingt jours au pied de la montagne où nous campons présentement. Nous porterons sur environ neuf milles puis reviendrons le même jour à notre campement actuel. Nous chargerons environ cent vingt-cinq livres sur le cheval et porterons nous-mêmes ce que nous pouvons. Nous faisons du portage depuis trois jours et sommes tous épuisés. Plus de la moitié des gens qui viennent ici rebroussent chemin et vendent leur matériel quand ils voient la montagne, mais un grand nombre d’entre eux ont l’intention de passer l’hiver ici et de repartir au printemps.
Le jour même de mon arrivée, on m’a offert cinq cents dollars pour deux de mes chevaux. Si seulement j’avais su ce que je sais maintenant, j’aurais fait une bonne affaire en amenant ici plusieurs chevaux, n’importe quelle race de cheval vaut deux cents dollars ici mais je pense que leur engouement pour ces bêtes ne durera pas plus de deux mois, car ils devront les abattre cet hiver, le foin se vend soixante dollars la tonne, la nourriture 2,50 $ le sac. On aperçoit d’ici des glaciers, de trois à quatre mille pieds de glace solide et des montagnes de glace flottant sur l’eau salée. Les attelages font de cinquante à cent dollars par jour ici à transporter le matériel. Les chalands font entre cent et cinq cents dollars par jour à décharger les marchandises des bateaux. Les chevaux de bât sont près de moi alors que j’écris cette lettre, ils m’attendent, alors je vais conclure et reprendre la route. Je vous écrirai lorsque j’aurai atteint le sommet des montagnes et vous dirai si nous arrivons à nous entendre. Archy Hammel et sa femme sont parvenus au lac et ont commencé à descendre le fleuve, il a eu de la chance, il a pu monter à bord d’un bateau le jour de son arrivée. Il est l’un des premiers à y être parvenu.