Rapport d’une exploration dans le district du Yukon, TNO et partie nord adjacente de la Colombie-Britannique, 1887
En 1883, on exploite [...] le minerai, mais on a peu de détails à ce sujet. C’est au cours de cette année que le Lieut. Schwatka traverse le col Chilkoot et descend la rivière Lewes et le fleuve Yukon jusqu’à la mer. En 1884, un peu de prospection est effectué sur la Pelly et la Tes-lin-too, et possiblement aussi sur la Lewes. En 1885, c’est au tour de la rivière Stewart, et l’année suivante, la majeure partie de la population minière s’engage sur cette rivière. Les barres Cassiar, sur la Lewes, vingt-sept milles en aval de la Tes-lin-too, sont découvertes au printemps de 1886 et activement exploitées durant l’été de cette même année.
Tard à l’automne de 1886, de l’or « grossier » est découvert sur le ruisseau Fortymile (que Schwatka avait nommé rivière Cone hill) situé plus en aval de la rivière principale que la Stewart, et l’annonce de cette découverte attire presque toute la population minière à cet endroit en 1887. Alors qu’il tente d’aller répandre la nouvelle de cette découverte, un prospecteur du nom de Williams meurt gelé sur le col Chilkoot en janvier 1887.
Lorsqu’on observe l’ensemble des découvertes d’or faites jusqu’alors dans la région du cours supérieur du Yukon, on s’aperçoit que, bien que quelques petites barres aient été exploitées dans la section supérieure de la Lewes et que des « prospects » ont même été découverts dans le ruisseau se déversant dans le lac Bennett, les barres riches en or de cette rivière se trouvent seulement en aval de l’embouchure de la Tes-lin-too. Les plus riches d’entre elles se situent à moins de soixante-dix milles environ en aval de ce point de confluence, et les plus riches jusqu’ici sont les barres Cassiar. On raconte qu’elles ont rapporté, dans certains cas, une valeur de 30 $ par jour par concession, et de l’or d’une valeur de plusieurs milliers de dollars en est extrait, principalement en 1886. En 1887, seulement trois ou quatre hommes y travaillent. Tout le long de la Lewes, en aval de la Tes-lin-too, se trouvent plusieurs barres qui, selon les dires des prospecteurs, donnent jusqu’à 10 $ par jour et il en va de même pour la Tes-lin-too, tant en aval qu’en amont du lac Teslin. Les barres de cette nature sont toutefois considérées comme étant peu payantes de nos jours.
De l’or est également découvert sur une longue distance de la rivière Big Salmon et sur le cours supérieur de la Pelly, aussi loin que l’on prospecte. La Tes-lin-too, la Big Salmon et la Pelly ont toutes trois un riche potentiel aurifère, mais en conséquence de la ruée au ruisseau Fortymile, seuls trente mineurs demeurent sur la première rivière en 1887, quatre sur la seconde et deux sur la Pelly. Sur la rivière Stewart, on obtient jusqu’à 100 $ par jour en 1885 et 1886, et probablement plus de 100 000 $ d’or a déjà été récolté le long de ce cours d’eau. On y a prospecté sur une distance de 100 à 200 milles à partir de son embouchure (ce qui varie selon les déclarations), et de l’or découvert plus loin serait un peu plus « grossier » que celui du cours inférieur.
On estime que le ruisseau Fortymile est un cours d'eau d’une certaine importance, mais au débit plus rapide que la plupart des autres de la région. Selon les mineurs, on y a prospecté sur environ cent milles à partir de son embouchure, de l’or y ayant été découvert presque tout le long, ainsi que dans ses ravins affluents. La nature de l’or varie beaucoup, mais il est en général grossier et sous formes de pépites, et certains mineurs en ont extrait de très grandes quantités en des endroits favorables. Peu de prospecteurs qui y travaillent en 1887 se contentent d’extraire moins de 14 $ par jour et plusieurs tirent près de 100 $ par jour pendant une courte période. Le montant obtenu de ce ruisseau en 1887 s’élève, selon certains, à 120 000 $, mais je crois qu’il serait plus raisonnable d’évaluer le rendement annuel total de la région du cours supérieur du Yukon à un minimum de 75 000 $, dont la majeure partie provient de ce ruisseau.
Le nombre de mineurs dans toute la région du cours supérieur du Yukon en 1887 peut être évalué à environ 250; de ce nombre, 200 sont au ruisseau Fortymile et l’on estime qu’au moins 100 d’entre eux passeraient l’hiver au ruisseau pour être prêts à travailler le printemps venu.
Le ruisseau Fortymile est ce que les mineurs appellent un « ruisseau au fond rocheux », c’est-à-dire qu’il n’y a pas une épaisse couche de dépôts détritiques dérivés au fond du ruisseau. C’est jusqu’ici le seul emplacement qui recelait de l’« or grossier », mais vu la présence extrêmement répandue d’« or fin », on peut prévoir en découvrir encore.
On peut difficilement affirmer que la prospection dans la région remonte à plus de cinq ans, et la superficie du territoire où de l’or a été découvert en plus ou moins grande quantité est déjà très vaste. La majorité de la prospection s’est concentrée sur les bancs et les barres des plus grandes rivières, et ce n’est que lorsque leurs innombrables affluents seront minutieusement fouillés que l’on pourra découvrir et exploiter des « gisements de ravines » comme sur les ruisseaux Dease, McDame et autres cours d’eau du district de Cassiar et possiblement même sur les ruisseaux Williams et Lightening de la région de Cariboo. En général, les résultats obtenus jusqu’ici ont révélé que six larges et longues rivières, soient la Lewes, la Tes-lin-too, la Big Salmon, la Pelly, la Stewart et la White, recèlent de « l’or fin » sur des centaines de milles de leur cours inférieur. Les mineurs n’ont pas encore prospecté ni même atteint aucun tronçon des cours supérieurs d’aucune d’entre elles, à l’exception de la Lewes, et ils ont à peine exploré leurs innombrables affluents. Les découvertes faites jusqu’à présent suffisent à démontrer que lorsqu’on améliore les moyens d’accès, on peut s’adonner à une importante exploitation minière sur les barres le long de toutes ces rivières majeures et que tout laisse présager que l’exploration approfondie des petits cours d’eau permettra de découvrir des alluvions aurifères plus riches encore. Quand ces derniers seront découverts et exploités, on entreprendra sans doute l’exploitation du quartz; les prospects qui seront découverts dans un avenir rapproché sur cet important champ minier m’apparaissent très prometteurs.
Cependant, je ne dois pas passer sous silence les grandes difficultés et épreuves qui attendent les mineurs qui s’aventurent aujourd’hui dans cette contrée. La traversée du portage Chilkoot est en soi un obstacle redoutable et, au-delà de ce col, les mineurs doivent transporter la plupart de leurs provisions et du matériel requis. Il existe en ce moment un poste de traite appartenant à MM. Harper, McQuesten & Co., (établi au printemps de 1887) à l’embouchure du ruisseau Fortymile, mais les provisions y sont livrées par de petits vapeurs à roue arrière qui remontent le Yukon sur toute sa longueur. Les marchandises n’arrivent par cette route que tard l’été et tout accident ou toute immobilisation peuvent en empêcher la livraison. L’hiver dans ce pays est long et rigoureux tandis que la saison idéale pour exploiter les barres de rivière, soit lorsque le niveau de l’eau est bas, est courte. De plus, il faut souligner que sous sa couche de mousse, le sol est souvent gelé, ce qui représente une difficulté d’un autre ordre pour le mineur et empêche l’exploitation de nombreuses surfaces plates et de terrasses prometteuses. Il semble cependant que ce problème sera bientôt réglé, étant donné le brûlage de nettoiement des forêts et de la mousse qui a lieu autour des camps miniers. C’est de cette façon qu’on a découvert le sol gelé au début de l’exploitation des mines de Cassiar (voir p. 82B), mais la destruction des forêts permet maintenant à la chaleur estivale de pénétrer presque partout, jusque dans les couches inférieures du sol. Il semble peu probable que ces vastes terres intérieures seront en manque de moyens efficaces de liaison entre la côte et les grands lacs et rivières qui constituent d’immenses étendues d’eaux navigables et lorsque ces moyens seront en place, il y a tout lieu de croire qu’ils suffiront à une abondante population minière.