Le feuilleton de Montréal. Jean-Claude Germain, 1994.
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C'est la catastrophe! Montréal est encore à nouveau la proie des flammes! L'Hôtel-Dieu est détruit comme en 1721 et, avec l'hôpital, presque le tiers de la ville : 46 maisons, plus ou moins les mêmes, d'ailleurs.
Cette fois, l'incendie est le fruit d'un acte criminel perpétré par une esclave noire, Marie-Joseph Angélique, qui a mis le feu à la maison de sa maîtresse, la veuve de Francheville, rue Saint-Paul, dans la nuit du 10 au 11 avril, soit pour se venger, soit pour ménager sa fuite.
Marie-Joseph Angélique a une vie amoureuse bien remplie, il y a quatre ans, lorsqu'on l'a baptisée, elle était enceinte des œuvres de César, le nègre d'Ignace Gamelin, le même César qui lui a fait des jumeaux, il y a deux ans. Depuis, Marie-Joseph Angélique a délaissé César pour les bras d'un Blanc, Claude Thibault.
Marie-Joseph Angélique filait le parfait amour jusqu'à ce qu'elle se persuade que sa maîtresse avait l'intention de la vendre. Ayant pris la décision de s'enfuir avec Thibault en Nouvelle-Angleterre et pour qu'on ne remarque pas sa fuite, elle a mis le feu à la ville par inadvertance. Il va de soi que, pendant la conflagration, les gens avaient autre chose à penser qu'à se préoccuper des deux amants qui avaient pris la poudre d'escampette. Manque de pot pour l'esclave, en cours de route, elle tombe sur les officiers de la maréchaussée. Ces derniers l'arrêtent et la ramènent à Montréal où elle est mise en prison et jugée au milieu des décombres d'une ville encore toute fumante. Thibault, pour sa part, a réussi à se perdre dans la nature.
Le procès ne traîne pas, le 4 juin, Marie-Joseph Angélique reçoit sa sentence [...]
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L'esclave en appelle alors au Conseil supérieur et fait le voyage à Québec. Le Conseil maintient la condamnation à mort mais atténue un peu la sentence : elle n'aura pas le poing coupé et elle sera pendue avant d'être brûlée. Sur ce, on la ramène à Montréal. Le 21 juin, on l'a d'abord soumise à la question, qui consiste à emprisonner les jambes de la patiente entre quatre planchettes que l'on serre progressivement à l'aide de coins. Lors de chaque manipulation de ce qu'on appelle les brodequins, on a interrogé l'accusée. Elle avait du nerf. C'est seulement à la quatrième manipulation qu'elle a avoué son crime, tout en persistant à ne dénoncer aucun complice. Après avoir été confessée par le sulpicien Navetier, elle a été remise au bourreau qui a exécuté la sentence, dans sa version revue et corrigée. Ironie du destin, le bourreau était également un Noir, Mathieu Léveillé. [...]