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VERIGIN AURA-T-IL UN SUCCESSEUR?

Un journaliste du Regina Leader pense que c’est peu probable

LE REGRETTÉ « ROI » ÉTAIT UN GÉNIE

Il a rallié tout le monde pendant une période éprouvante qui a duré un quart de siècle

Peter Verigin, un des personnages les plus remarquables de l’histoire moderne de la Russie et de l’histoire du développement de la Saskatchewan où les Doukhobors, dont il était le chef, ont été reconnus comme étant les colons les plus économes, transformant de vastes superficies de prairies en quelques-unes des terres les plus fertiles de la province pour la production de blé, n’est plus, a écrit un journaliste du Regina Leader.

Avec son départ, le choix d’un successeur qui pourra mener le peuple élu de la Christian Community of Universal Brotherhood pourrait devenir un sérieux problème.

Verigin est né en Transcaucasie en 1850 et, dès son jeune âge, il a montré des tendances radicales, en particulier contre le gouvernement autocratique. Dès 1885, il menait les Doukhobors dans une rébellion contre le service militaire et, conséquemment, il fut exilé en Sibérie.

De sa résidence à Tobolsk, il a dirigé leurs politiques, les a conseillés et les a guidés, gardant une communication ouverte avec la communauté des Doukhobors par le biais de messagers de confiance qui voyageaient en traîneaux sur des distances de 2000 milles pour rejoindre leur chef. De son lieu de résidence en exil, Verigin leur prodiguait des conseils et, à la suite d’une demande personnelle qu’il a faite à l’impératrice-mère Alexandra, il a éventuellement obtenu la permission du tsar pour l’émigration des Doukhobors en Saskatchewan. Les premiers y sont arrivés en 1899 et se sont installés près de Yorkton.

Puis, on lui a permis de quitter la Sibérie avant la fin de sa peine et, en 1902, il a rejoint sa communauté en Saskatchewan où il avait la charge de 8000 personnes. Il y avait des problèmes avec le gouvernement, le climat laissait à désirer et, en 1910, environ 5000 d’entre eux ont émigré vers la Colombie-Britannique et se sont installés dans les montagnes et ont repris leur vie communautaire dans un district jugé plus favorable à leur développement communautaire.

Un despote bienveillant

Chef des Doukhobors depuis son arrivée, Verigin était décrit comme un despote bienveillant, totalement dévoué aux intérêts des Doukhobors, inventant des plans et des machinations pour faire avancer leur cause, ne s’enrichissant pas, gouvernant d'une main de fer, demandant la plus stricte obéissance et exerçant une discipline sévère.

À une occasion, la communauté entière est venue accueillir Peter Verigin à son retour d’une tournée où il avait visité les communautés de Yorkton et d’Alberta. Il leur a conseillé de ne pas s’intéresser à ces fanatiques qui organisaient des pèlerinages nudistes et brûlaient les écoles.

Alors que Verigin parlait, un groupe de fanatiques a été vu s’avançant vers la plateforme. Au moment où il les a aperçus, il a oublié pendant quelques instants ses principes pacifistes et il a sauté pour les sortir de l’édifice. Pas un seul n’a osé faire face à ce grand homme qui les jetait dehors.

C’était un grand homme dans tous les sens du terme. Son éducation reposait sur l’histoire et les traditions de son peuple, sur ses propres souffrances et sur son contact avec de grands hommes. Il possédait une grande capacité de raisonnement ainsi que les habiletés et la subtilité d’un diplomate.

La plus grande preuve de son habileté est la façon dont, pendant 25 ans, il a réussi, avec un succès relatif, à garder les membres de sa communauté unis dans un environnement qui était totalement étranger à leurs idées, leurs croyances et leurs ambitions.

Un homme imposant

La personnalité de Peter Verigin était à la fois attirante et impressionnante. Il était musclé, imposant, avait un port de tête fier, de la dignité, une stature naturelle et il dégageait de la force. Pourtant, ses manières étaient remarquablement douces. Il parlait à voix basse et était toujours courtois. Son peuple le traitait avec tous les égards et lui accordait une grande obéissance; cela était peut-être dû plutôt à ses talents naturels qu’à leurs croyances religieuses.

Un père pour son peuple

En 1912, la province de Colombie-Britannique a créé une commission royale pour enquêter sur la « secte des Doukhobors » et son rapport a examiné de près l’histoire de la secte en Russie et au Canada.

« La personne de Peter Verigin, est-il écrit dans le rapport, est majestueuse et toute-puissante […] les affaires de la communauté sont entre les mains d’un homme qui peut très bien s’en occuper, qui a obtenu les résultats les plus remarquables, qui est vraiment un père pour son peuple, lui enseignant, le guidant et l'encourageant. »

Le rapport affirme que lorsque Verigin est arrivé au Canada, il était habillé « comme un gentleman qui avait des moyens et du goût, et il possédait six ou sept équipages. Il voyageait en pompe d’un village à l’autre accompagné par un groupe de chanteurs et ses déplacements d’un endroit à l’autre se faisaient invariablement en compagnie d’un certain nombre de jeunes femmes. »

Des critiques ont fusé, de tels étalages n’étaient pas cohérents; il a abandonné les équipages et la pompe et, une maison neuve qu'on dit avoir coûté 75 000 $, n’a jamais été utilisée.

« Puis, est-it dit, il s’est remis à porter le vieux chapeau de paille, les vêtements rugueux et des pantalons ficelés à la cheville. »

Son fils pourrait lui succéder

Selon Peter G. Makaroff, un avocat doukhobor à Saskatoon, sous la dictature de Verigin – qui était appuyée par la croyance de la plupart des 7000 personnes des communautés de Verigin, Sask., et Brilliant, C.-B., qu’il était la réincarnation du Christ – des biens évalués à plusieurs millions ont été amassés, des industries florissantes ont vu le jour et les réfugiés sans le sous qui sont arrivés au Canada de la Russie en 1899 se sont soudés en une unité puissante. On dit que personne ne peut prendre sa place à cause de la vénération superstitieuse qu’on lui portait même s’il existe une infime possibilité que son fils, Peter, qui vit en Russie depuis environ 1907, et qui est âgé d’environ 40 ans, pourrait être choisi pour lui succéder. Il n’y a certainement personne dans la communauté au Canada qui pourrait même être considéré comme une possibilité pour assumer le leadership.

Les Doukhobortsi, tel qu’on devrait les nommer, ont été incorporés sous la Christian Community of Universal Brotherhood, limitée, qui est propriétaire de tous les biens de la communauté. Aucun membre ne possède quoi que ce soit personnellement, bien que plusieurs soient actionnaires dans la compagnie. En théorie, les affaires de la compagnie sont gérées selon la volonté des actionnaires, mais en réalité cette volonté était totalement assujettie à Peter Verigin et son influence était suffisante pour aplanir les difficultés et apaiser les jalousies qui surviennent toujours au sein des entreprises communistes. Son principal assistant dans la tenue des affaires de la communauté était M. W. Cazakoff, un homme d’affaires averti, mais celui-ci ne semble pas être un possible chef spirituel pour la communauté et celle-ci a absolument besoin d’un chef à la fois spirituel et pratique pour mener à bien les affaires de la communauté, selon M. Makaroff.

Des schismes importants évités

La communauté a connu des querelles dans le passé et des centaines de Doukhobors sont partis s’établir comme fermiers indépendants; mais les schismes importants ont toujours été évités grâce à la seule influence de Verigin.

Les principales croyances des Doukhobortsi (lutteurs spirituels) sont l’internationalisme, le communisme et le végétarisme qui sont tous vus comme des éléments de base du christianisme. Le premier de ces principes implique la doctrine de non-résistance et c’est ce qui a mené les Doukhobortsi dans un conflit avec les autorités militaires de la Russie tsariste, et qui leur a valu d'être poursuivis et de migrer dans l’Ouest canadien sur l’invitation du gouvernement canadien. Les Doukhobors ont été amenés au Canada en grande partie par des fonds rassemblés par Tolstoi et par les Quakers d’Angleterre avec qui les Doukhobors partagent de nombreuses valeurs religieuses.

Leurs coutumes maritales ne sont pas en accord avec les lois canadiennes, bien qu’une réelle immoralité soit pratiquement inconnue parmi eux.

Parmi les industries qu’opère présentement la communauté, on compte une scierie, une confiturerie et une manufacture de briques.

Avec la mort de Verigin, disparaît une figure historique et les affaires de 7000 personnes sont jetées dans la confusion.

Source: "Verigin aura-t-il un successeur?," Nelson Daily News, 5 novembre, 1924.

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