Minnie Henry, lettre à Blodwen Davies, 2 fév. 1931
Aberdeen, Sask., 2 fév. 1931
Louise (Thomson) Henry, Minnie Thomson, Ada Scott et Ida Scott, E. Tucker, 1903, Library and Archives Canada/Bibliotheque et Archives Canada, PA-194809, Rangée avant, de gauche à droite : Louise (Thomson) Henry (1873-1971), Minnie Thomson (1875-1960). Rangée arrière, de gauche à droite : Ada Scott et sa sœur, Ida Scott, toutes deux de Leith, Ontario
Mlle Davies,
[…]Le traitement que vous faites de votre sujet est magnifiquement sympathique et l’information presque toujours correcte. Dans la lettre que j’ai reçue, vous déclarez vouloir écrire une biographie aussi authentique que possible. Seriez-vous blessée si je vous signalais une erreur dans le livret? Je sais combien il est difficile d’obtenir les bonnes dates, surtout après plusieurs années. [...] vous écrivez que Tom a été initié à la technique à l’huile vers 1911. À Noël de 1904, Tom m’a offert une peinture à l’huile représentant un jeune homme avec des chevaux et une charrue. Le garçon se tient à la tête des chevaux, juste avant de les dételer, et regarde un coucher de soleil éclatant. Il prenait alors des leçons auprès d’un artiste âgé de Toronto, dont je ne me souviens pas du nom, mais dont les toiles se vendaient à bon prix. Certaines d’entre elles allant jusqu’à $1000. Cette toile avec les chevaux était la première pour laquelle il avait reçu des encouragements de la part de son professeur. Il avait tout simplement dit : « Avez-vous peint cela? Alors vous feriez mieux de continuer. ». Je suis certaine de la date puisque je me suis mariée deux jours plus tard et que je l’ai fait encadrée, ainsi que trois aquarelles, avant de déménager dans l’ouest.
[…] Lorsqu’il avait environ dix-sept ans, Tom est devenu fébrile et contrarié. Il était impatient de partir en voilier et, puisque ses poumons étaient plutôt en mauvais état et qu’il avait quelques rhumatismes inflammatoires, mère s’est opposée à son départ. Avec le temps, il a changé d’idée et est resté à la maison à travailler sur la ferme jusqu’à ce qu’il soit majeur. Lorsqu’il a touché assez d’argent de l’héritage de grand-père pour pouvoir aller à l’École de commerce de Chatham.
[…] Après son retour de Seattle, je voyais moins Tom que tous les autres membres de la famille qui étaient à la maison, puisque je partais fréquemment. Au moment de son retour, j’étais à Sainte-Catherine et j’ai manqué sa visite. Toutefois, pendant un weekend il a pris le bateau et est venu de Toronto pour me voir et nous avons passé du temps plus que satisfaisant ensemble. C’était à l’automne 1905. Alors qu’il était en visite, lui et moi sommes allés à l’église Saint-Thomas, dont il a fait une ébauche le lendemain matin. (À Noël de 1906, il m’a donné une grande toile à l’aquarelle de cette église, que je possède toujours et qui est l’une des toiles les plus admirées et les plus appréciées de toutes celles que je possède.)
Je ne l’ai pas revu avant le mois de juillet suivant, alors qu’il a insisté pour que je fasse un arrêt de deux jours à Toronto en me rendant à la maison et nous avons passé de très bons moments ensemble.
Il connaissait les salons de thé les plus charmants et un jour il m’a amenée chez McKonkey. Je n’y étais jamais allée auparavant et j’ai fait la remarque que l’endroit était charmant, calme et relaxant, que le service était très beau et que la nourriture était excellente, et Tom a alors dit : « J’aimerais prendre tous mes repas ici, mais c’est impossible avec seulement $15 par semaine. » (C’est ce qu’il gagnait quand il est arrivé à Toronto.) Au bout d’un moment, il a dit : « J’aime l’atmosphère de cet endroit et le type de personnes qui le fréquentent. » Je me demande si ses amis artistes connaissaient sa recherche de raffinement et des beautés de la vie.
Il a opté pour un mode de vie plus primitif davantage par nécessité que par préférence. Il a accepté avec joie et philosophie la seule solution à la dépendance. Il m’a dit un jour que sa peinture lui coûtait à elle seule environ $500 par année, et il a souri et dit « Tu sais, un artiste doit avoir de la peinture, même s’il meurt de faim ».
La plupart des amis de Tom semble croire qu’il était anormalement réservé et silencieux. J’ai de la difficulté à attribuer cette description au Tom que nous connaissions et aimions tous à la maison. Il était silencieux par périodes mais personne ne croisait son regard mais il souriait… Avec les siens, à la maison, il n’était ni réservé ni silencieux. Il aimait particulièrement les discussions et se débrouillait généralement bien lors de joutes intellectuelles. […]
En 1915, après huit ans d’absence dans l’Ouest, les membres de la famille habitant la Sask. nous ont rendu une première visite à la maison. […]
J’ai remarqué que Tom avait beaucoup changé. Il semblait absorbé par son travail et beaucoup plus silencieux qu’à l’habitude. Il nous a alors annoncé qu’il allait tenter de nouveau de s’enrôler et que s’il était refusé il allait peut-être se rendre dans l’Ouest et peindre les montagnes Rocheuses. Il s’inquiétait aussi du fait que personne n’achetait de toiles. Toutefois, au printemps, l’appel du Nord a été trop fort pour qu’il puisse y résister et nous avons été déçus une fois de plus. […]
Veuillez agréer mes sentiments les plus sincères,
Minnie Henry