Alan H. Ross, lettre à Blodwen Davies, 1er juin 1930
Sault Sainte-Marie, Ontario.
1er juin 1930
Lac au printemps (Rochers et eau), Tom Thomson, 1916, Tom Thomson Art Gallery Permanent Collection, Huile sur carton-bois. 21,5 x 27 cm. Acheté par le Lyceum Club et le Women's Art Association, de la succession de Tom Thomson, don à la Galerie, 1967. Cette toile ressemble beaucoup à la photographie prise par Thomson des falaises de Scarborough et qui fait maintenant partie du fonds Tom Thomson à Bibliothèque et Archives Canada.
Mlle Blodwen Davies
[...]
Chère Mlle Davies, –
[...] Tom et moi avons été élevés à moins de deux milles l’un de l’autre lui à un mille au sud de Leith et moi, un mille au nord. Nous sommes allés à l’école ensemble pendant environ 8 ans, de 1882 ou 83 jusqu’en 1890 [...]
J’ai été en sa compagnie à plusieurs occasions pendant lesquelles je suis maintenant navré de dire que nous n’étions pas très sobres ni l’un ni l’autre, mais c’est en de pareils moments que les hommes échangent de vraies confidences et c’est lors d’une telle occasion que j’ai découvert à quel point il était sensible et que rien ne l’effrayait plus que d’être la risée du public. […] Je me souviens d’une nuit de 1901, à Meaford, où il s’était refermé sur lui-même, se plaignant des échecs qu’il essuyait dans sa vie en des termes qui m’ont vraiment surpris. J’ai commencé à croire à ce moment-là qu’il avait conscience de ses talents et qu’il avait aussi des ambitions secrètes. Mais on ne sait jamais. […]
Je me souviens bien, également, d’une occasion en octobre de 1898 où Tom et moi avons tous deux échappé de justesse à la noyade. C’était à Vail’s Point, durant la saison où l’on pêchait la truite à la traîne, et dans l’espace d’environ une heure, on n’aurait pas donné cher de notre peau – mais c’est une longue histoire. […] À environ 50 mètres de la rive, [...] notre bateau a été entraîné dans un creux et nous avons chaviré, cannes à pêche, rames, boîte à lunch, poissons, matériel de pêche – tout – absolument tout a été emporté par les grandes vagues qui balayaient tout jusque sur la plage, pendant que nous pataugions dans l’eau jusqu’à la taille pour atteindre la terre ferme. Mon frère Dave et deux autres nous attendaient là et ils nous ont reçus comme si nous étions des revenants. Nous avions ramé sur plus de 4 milles dans une yole de 12 pieds à travers l’une des pires bourrasques que j’aie jamais vu souffler sur la baie Georgienne, et j’ai remarqué à l’époque que Tom, qui ramait à l’avant, n’a pas dit un mot. Il ne voulait jamais parler de ce genre de choses, même après coup, mais j’ai toujours remarqué que c’est ce genre de personnes qui réfléchit le plus sérieusement.
[...]
Veuillez agréer mes salutations respectueuses,
Alan H. Ross