Skookum Jim et Robert Henderson
Nombre d’étudiants qui s’intéressent à la ruée vers l’or du Klondike sont bien embarrassés par la question « Qui est le véritable découvreur de l’or du Klondike? ». Leur embarras vient du fait que cette question controversée ne concerne que George Washington Carmack et Robert Henderson, alors que le véritable découvreur, Skookum Jim, aussi connu sous les noms de Jim le Tagish et James Mason, est pratiquement tombé dans l’oubli. Cette controverse est d’autant plus surprenante que deux des témoins contemporains les plus fiables, Tappan Adney et William Ogilvie, ont tous deux concédé à Skookum Jim la découverte initiale de l’or du ruisseau Bonanza, pour ensuite l’attribuer à quelqu’un d’autre.
Cette ambiguïté concernant l’authentique découvreur a persisté jusqu’à aujourd’hui. Il est d’une importance cruciale de savoir comment et pourquoi Skookum Jim a été manifestement exclu du débat si l’on veut apprécier à sa juste valeur le rôle qu’il a joué dans l’histoire du Yukon. Pour certains, le seul fait que la signature de Carmack apparaisse sur la demande pour la concession de la découverte du ruisseau Bonanza suffit à les convaincre qu’il est le découvreur légitime. Jusqu’à présent, cet argument n’a pu être réfuté en faveur de Jim par l’hypothèse qui veut que Carmack n’ait revendiqué sa découverte qu’après avoir persuadé Jim que les lois minières canadiennes interdisaient aux Indiens de revendiquer une découverte.
Conférer à Robert Henderson le titre de découvreur du Klondike est encore plus complexe. Même si Henderson n’a jamais jalonné de concession sur le ruisseau Bonanza, c’est lui qui a parlé à Carmack du potentiel aurifère de la région pendant l’été 1896. L’examen des déclarations sous serment que William Ogilvie a recueillies après la découverte ne permet cependant pas de confirmer ni d’infirmer que le conseil de Henderson ait influé sur les événements ayant mené à la découverte. En fait, Carmack, Jim et Charley le Tagish ont tout simplement continué d’accomplir leur lot de tâches quotidiennes – pêcher, bûcher et prospecter – comme à l’habitude. Un autre argument en faveur de Henderson veut qu’il ait été le premier prospecteur sérieux dans le district du Klondike. Ogilvie affirme aussi que c’est le succès qu’avait connu Henderson sur le ruisseau Gold Bottom qui a attiré ces mineurs qui ont jalonné le Bonanza entre le 19 et le 22 août (deux jours après la découverte de Jim) et que, par conséquent, c’est à Henderson que devrait revenir le titre de découvreur. Mais le problème avec cet argument, c’est que celui qui le défend peut l’étendre à l’infini, allant jusqu’à inclure à peu près n’importe quel élément. De plus, cet argument néglige le point essentiel : Henderson n’a jamais conseillé à qui que ce soit de prospecter sur les ruisseaux Bonanza ou Eldorado. S’il avait cru que ces ruisseaux étaient plus prometteurs que Gold Bottom, il se serait lui-même rendu sur leurs berges. Et si ce n’avait été de ces deux ruisseaux, il n’y aurait pas eu de ruée vers l’or.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement du Canada a plus tard reconnu Henderson comme étant le découvreur officiel du Klondike. Cette décision a certes pu être influencée par la citoyenneté canadienne de Henderson (Carmack était Américain), par la promesse non tenue de Carmack d’avertir Henderson s’il découvrait un filon et par le fait que Henderson n’ait pas découvert lui-même de riche filon. On ne peut cependant que spéculer sur l’influence effective de ces événements. L’auteur de ces lignes est cependant convaincu de leur importance capitale. Mais constituent-ils des preuves suffisantes pour faire pencher la balance en faveur de Henderson? La question reste ouverte…