La plus grosse équipe de recherche jamais mise sur pied pour retrouver les navires de Franklin ( 27 juillet 2014 )

Enclavés dans les glaces au fin fond de l’Arctique canadien, affamés et sans aucun espoir d’être secourus, les survivants de l’expédition de sir John Franklin ont abandonné les navires et ont entrepris un périple à pied à travers un territoire gelé et désertique.

C’est la dernière fois qu’ont été vus l’Erebus et le Terror, deux navires de la Marine royale envoyés en mission pour découvrir le passage du Nord-Ouest. C’était en avril 1848.

Au cours des 166 années qui ont suivi, la toundra révélera des indices : des notes rapidement griffonnées et laissées dans des cairns, des cuillères en argent dans des villages inuits et même des membres d’équipage exhumés de leurs tombes glacées. Personne n’a pourtant retrouvé les navires, dont le sort est un des plus vieux mystères de l’histoire frontalière canadienne.

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En août, une armada de vaisseaux arctiques canadiens équipés des plus récentes technologies se rendra aux dernières coordonnées connues des navires de Franklin dans le plus gros effort consenti à ce jour pour les retrouver.

Le Wilfrid-Laurier, un brise-glace de 83 mètres de la Garde côtière canadienne, et le NCSM Kingston, un patrouilleur de 55 mètres, seront accompagnés du Martin Bergmann, un navire de recherche de 19 mètres de l’Artic Research Foundation, et du One Ocean Voyager, un bateau de croisière privé de 117 mètres qui transportera le reste des équipements.

Cette flottille pourra aussi compter sur des zodiacs, des submersibles inhabités, un hélicoptère et le plus récent sonar latéral à faisceaux multiples qui seront tous déployés dans une chorégraphie minutieuse dans le but de faire un levé du fond marin.

Parcs Canada coordonne cette mission avec la Société géographique royale du Canada [SGRC] et des commanditaires privés de grand renom, dont Jim Balsillie, le fondateur de Research In Motion qui accompagnera personnellement l’équipe de recherche.

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Personne ne sait jusqu’où la glace a transporté les navires avant qu’ils ne sombrent ou soient peut-être écrasés, mais l’équipe commencera les recherches au dernier endroit où ils ont été vus. Les équipiers ont étudié les trajectoires de la glace dans le but de calculer la route probable que les navires auraient suivie.

« Si vous perdez vos clés, vous devez toujours retourner à l’endroit où vous les avez vues pour la dernière fois, a dit Geiger [le PDG de la SGRC]. Pour les navires de Franklin, cet endroit est le détroit de Victoria. C’est là que vous voulez commencer les recherches. »

Le Haut-Arctique demeure l’un des environnements les plus éloignés et inhospitaliers du monde, bloqué toute l’année par les glaces sauf durant quelques semaines en août.

Le détroit de Victoria, où se trouveraient peut-être les navires, est un des derniers endroits à s’ouvrir et le premier à être fermé par les glaces, ce qui transforme en un sprint de fin d’été l’une des plus longues recherches entreprises au pays. Une fois en position, la flottille devra travailler sans répit jusqu’à la fermeture des glaces. L’accès n’est d’ailleurs que la première barrière; l’équipe devra en surmonter bien d’autres.

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Les eaux profondes de l’Arctique requièrent de puissants sonars pour se rendre au fond et la vase rend le travail encore plus difficile en bloquant les signaux. La marine utilisera un nouveau véhicule sous-marin autonome (VSA) construit en Colombie-Britannique qui plongera en profondeur sous les navires et qui sera équipé d’un radar à ouverture synthétique à haute résolution construit à Terre-Neuve et d’un système à tête chercheuse acoustique fabriqué en Nouvelle-Écosse.

Les sonars seront utilisés en ligne droite, faisant des allers-retours dans la zone de recherche, comme s’ils « tondaient la pelouse », dit Newton. L’information du VSA sera captée par les ordinateurs à bord des navires et servira à tracer une carte couleur à haute résolution du fond marin capable de détecter les petits objets et de différencier un rocher d’une chaudière.

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Les organisateurs de l’expédition fondent leur espoir sur la récente découverte d’un navire incroyablement bien préservé dans des eaux du même type . En effet, en 2010, une expédition de Parcs Canada a découvert le HMS Investigator, un des navires envoyés à la recherche de Franklin et qui avait été abandonné dans les glaces au large des îles Banks.

La coque plaquée en cuivre était intacte et des souliers de cuir et des mousquets avaient été conservés par la vase accumulée sur le pont. À l’encontre des épaves dans les Caraïbes où les anatifes poussent rapidement et la vie marine s’installe, l’eau froide de l’Arctique constitue un agent de conservation parfait, laissant les épaves dans un état remarquable, et ce, même après plus d’un siècle au fond.

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À cause de la courte saison estivale, plusieurs recherches entreprises dans le passé ont dû être faites à l’aveugle. Mais les changements climatiques ont ouvert la région pour de plus longues périodes au cours des dernières années, ce qui permet une approche plus systématique.

Le gouvernement fédéral a d’abord envoyé un seul navire en 2008 et des expéditions similaires chaque année depuis . Ces recherches ont produit des cartes détaillées sur plus de 1200 kilomètres carrés de fond marin, permettant ainsi d’exclure de grandes régions où les navires de Franklin ne pourraient se trouver. Avec l’ajout de renforts et de technologies expérimentales, l’expédition de cette année couvrira plus de terrain que toutes les expéditions antérieures combinées.

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Le rêve d’une route navigable en Arctique devient rapidement une réalité. Dans le passé, les aventuriers se rendaient jusqu’au bord de la glace sur des yachts dans l’espoir de trouver une petite ouverture qui les laisserait passer. Aujourd’hui un large canal s’ouvre chaque année pour une période pouvant aller jusqu’à six semaines. Au printemps dernier, le Nordic Orion, un cargo de 225 mètres, a transporté 15 000 tonnes de charbon de Vancouver jusqu’en Finlande, devenant le premier transporteur commercial à naviguer par le passage du Nord-Ouest.

L’augmentation de la circulation soulève la question de la sécurité – un défi dont le gouvernement Harper a fait une priorité en passant une commande pour huit patrouilleurs ultramodernes. Pendant que la marine attend ces nouveaux navires, elle intensifie les patrouilles arctiques. Elle s’est transformée en ardent défenseur des recherches pour l’Erebus et le Terror qui lui offrent l’occasion d’entraîner ses équipiers et de produire des cartes détaillées.

Ainsi, la recherche pour les navires est aujourd’hui un moyen de terminer la mission de Franklin, soit de cartographier une route commerciale par la mer du nord, et cela, plus de 160 ans après son départ.

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