Éditorial sans titre (1854)

La curiosité que suscite depuis si longtemps le destin de sir JOHN FRANKLIN et de ses infortunés compagnons d’aventure a finalement été satisfaite de la façon la plus affreuse qui soit. Il n’y a plus de conjectures ni de vagues insinuations au sujet d’une courte apparition de navires fantômes. Les corps de nos vaillants et infortunés concitoyens ont été découverts, mais dans une condition qui ne laisse planer aucun doute sur le fait que les pires hypothèses émises sur leur destin ont en fait été surpassées par l’horreur de la calamité. Nous savons qu’une partie des hommes de l’Erebus et du Terror sont morts de faim – la mort la plus terrible qui soit. L’information reçue, bien que concise, est parfaitement claire et concluante. Le Dr. Rae, dont le nom est célébré dans les annales des voyages arctiques, est arrivé en Angleterre dimanche dernier et il rapportait de terribles nouvelles qui ont été publiées hier afin d’informer la population. Ce gentilhomme était occupé à faire un levé de la côte ouest de Boothia lorsque des Esquimaux l’ont informé qu’au printemps 1850 on avait vu un groupe d’hommes blancs exténués et à bout de ressources qui tentaient de surmonter les obstacles générés par la glace et de se rendre sur la côte nord de l’Amérique. Ces Esquimaux étaient en possession de reliques qui ne laissaient aucun doute sur le fait que les personnes dont ils parlaient étaient en fait les survivants de l’expédition FRANKLIN. Ils se sont rendus sur la rive du continent et c’est une fois rendus là qu’ils ont perdu leurs forces à une courte distance à l’ouest du grand fleuve que sir GEORGE BACK a tracé jusqu’à sa confluence avec la mer. Un peu plus tard dans la saison, mais avant la brisure des glaces, les Esquimaux sont arrivés à un endroit et ont découvert les tristes vestiges de tant de courage et d’endurance. Trente corps étaient allongés sur la rive du continent et cinq sur une petite île tout près. Les premiers à périr avaient été enterrés avec piété par leurs compagnons, mais hélas trop rapidement les forces ont manqué et le désespoir a envahi chaque poitrine. Au moment où ils sont arrivés dans cette région inhospitalière, il n’y avait aucune nourriture à trouver. Ils avaient des munitions en abondance, mais il n’y avait pas de gibier; partout où ils tournaient le regard, il n’y avait que de la glace et un désert sans fin. La nature de la région où ils étaient arrivés ne pouvait être inconnue de sir JOHN FRANKLIN ou de ses officiers, en présumant qu’il ait lui-même péri avant que le groupe n’arrive à cet endroit. Il est évident qu’ils avaient des compas; ils connaissaient la position de la rivière Back et ils savaient où ils étaient. Sir JOHN et tous ses officiers devaient parfaitement connaître les aventures de BACK. Un peu plus loin à l’est se trouvait la scène des souffrances et des exploits précédents de FRANKLIN. Nous sommes enclins à présumer, à partir de la direction prise par le groupe, que FRANKLIN n’a pas péri lorsque les navires ont subi les avaries qui ont causé leur destruction. L’idée de suivre son ancien trajet était naturelle. Ses subordonnés, en toute probabilité, auraient été plus enclins à retracer leurs pas que d’aller dans des régions qui leur étaient complètement inconnues, sauf pour échapper aux lugubres traditions de la terre de famine.

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À propos de ce document

  • Auteur: The Times
  • Publication: The Times
  • Lieu: Londres
  • Date: 24 octobre 1854
  • Page(s): 6
  • Notes: Un éditorial sur les découvertes de John Rae
Sunken ship