Le destin de Sir John Franklin (1854)
Supplément, 28 oct. 1854
Le voile qui masquait le destin de sir John Franklin a été levé de façon imprévisible. Le Dr. Rae, de la Compagnie de la Baie d’Hudson, est arrivé en Angleterre, rapportant des mers arctiques plusieurs articles qui appartenaient à sir John Franklin et à ses compagnons. L’histoire de la découverte de ces objets commémoratifs est douloureusement intéressante. Le récit du Dr. Rae, sur lequel on peut se fier implicitement, est le suivant : Au printemps il a rencontré un groupe d’Esquimaux en possession de plusieurs articles qu’on sait appartenir à sir John Franklin lui-même et d’autres objets appartenant à d’autres membres de son groupe. Ces articles incluaient, parmi d’autres, des plateaux d’argent avec le sceau de leurs propriétaires. Lorsque les Esquimaux ont été questionnés afin de découvrir comment ils étaient entrés en possession de tels objets de valeur appartenant à des officiers de la Marine royale d’Angleterre, ils ont dit que les vaisseaux de Franklin avaient été écrasés par les icebergs et leurs équipages forcés de se frayer un chemin sur la neige vers les territoires de la Compagnie de la Baie d’Hudson; qu’en 1850 les Esquimaux avaient rencontré quarante Anglais appartenant aux navires de sir John Franklin qui voyageaient à pied, traînant une chaloupe sur la glace près de la terre du Roi-Guillaume; que l’officier en charge de ces malheureux avait acheté des Esquimaux un petit phoque pour son groupe car ils avaient grandement besoin de provisions; que plus tard les Esquimaux avaient trouvé les corps de ce groupe sur la glace près de la rivière Back; et que les Esquimaux s’étaient servis dans les provisions des morts, prenant la poudre à fusil, l’argent, les plateaux et tout ce qu’ils pensaient utile de s’approprier.
Le Dr. Rae, dont les exploits précédents comme voyageur en Arctique lui ont apporté tant de grands honneurs, est arrivé à Deal dimanche et s’est immédiatement rendu à l’Amirauté où il a remis à sir James Graham les tristes preuves sur lesquelles ce rapport est basé. Le Dr. Rae n’était pas à la recherche de sir John mais travaillait à faire un levé de la côte de Boothia. Il a toutefois pensé, avec raison, que l’information obtenue surpassait grandement l’importance du levé et il s’est empressé de revenir au pays pour soulager l’inquiétude de la population sur le destin de l’expédition depuis si longtemps perdue et pour prévenir le risque de perdre toute autre vie dans une vaine recherche. Il semble à partir de la description de l’endroit où les corps ont été trouvés, qu’autant sir James Ross que le lieutenant Bellot se seraient trouvés à quelques milles à peine de l’endroit où nos pauvres concitoyens ont lutté dans leur marche désespérée. Il pense qu’un petit nombre de ces malheureux a survécu jusqu’à l’arrivée du gibier vers la fin de mai 1850 car des coups de feu ont été entendus et des os frais ainsi que des plumes d’oie ont été vus près de la scène du malheureux évènement.