Départ de l’« Erebus » et du « Terror » pour l’expédition arctique (1845)
Devant, l’immensité océanique
Derrière, inquiet, un rivage sympathique
tel l’oiseau voyant ses petits s’envoler
messagers dotés d’ingéniosité
Le soleil ne sera pas toujours là
pluies et orages seront vos aléas
Galamment, traversez toutes ces furies
L’errance peut-être quelques années, puis
votre tâche couronnée de succès
de nos rivages, recherchez les attraits!
Lundi les bombardes de S.M. Erebus et Terror ont quitté Greenhithe pour tenter « de pénétrer le repaire de glaces au nord et naviguer autour de l’Amérique ». La préparation de cette expédition ayant été confirmée par l’Amirauté en février dernier, les équipements requis ont depuis été fabriqués; comme il y a plusieurs nouveautés, nous en donnons ici une brève description.
[...]
[le voyage de George Back en 1836-1837] était la cinquante-septième expédition arctique à partir de l’Angleterre, commençant par le voyage de Cabot (au temps d’Henri VII), le premier de cette nature à être réalisé à partir de notre pays; et l’expédition qui vient de partir est la cinquante-huitième.
Les vaisseaux ont été mis en service à Woolwich mardi le 4 mars. L’expédition est sous le commandement du capitaine sir John Franklin, chevalier, K.C.H., nommé à l’Erebus (le vaisseau principal), avec le commandant James Fitzjames, le lieutenant Henry T.D Le Vesconte; le premier maître, Charles F. Des Vœux; le second lieutenant, H.F. Collins; le commis, G.F. Pinhorn; le canonnier, J. G. Robinson; le maître d’équipage, J.G. Terry; le charpentier, W. Weekes. Le capitaine F.R.M. Crozier commande le Terror avec le lieutenant Edward Little, le lieutenant G.H. Hodgson; le charpentier Thomas Honey.
La préparation et l’inspection minutieuse des vaisseaux furent supervisées par les Lords de l’Amirauté et par d’autres personnes qui se sont illustrées lors d’expéditions polaires. Les navires sont équipés d’hélices à vis d’Archimède les plus modernes; et lors d’un essai sur la Tamise, le Terror fit de tels progrès qu’il s’est détaché de son remorqueur à vapeur et a navigué le long de la rivière sans aucune autre assistance.
Lors de leur visite à Woolwich, les Lords de l’Amirauté se sont rendus à l’extrémité ouest du chantier naval de l’autre côté du quai auquel était amarré le vapeur Rattler équipé d’une hélice. Ses Seigneuries ont constaté la façon dont l’hélice était chargée et déchargée avec des appareils de levage et des chaînes suspendues par-dessus le tribord puis ils sont montés à bord de l’Erebus pour voir comment l’hélice pourrait être chargée sur le pont et remise en place en la descendant le long d’un puits dans la poupe du vaisseau. Cette façon d’attacher et de détacher l’hélice comporte des avantages évidents et le principe est si simple et si facile à mettre en pratique que n’importe quel vaisseau de la marine de Sa Majesté pourrait être équipé d’une hélice, toutes les objections et les difficultés concernant le chargement et le déchargement étant totalement évacuées. Ses Seigneuries sont descendues à l’intérieur et ont vu la construction de la chaudière et de l’appareil à vapeur qui occupe une toute petite place dans le vaisseau; l’eau est charriée sous le pont à l’aide d’un grand tuyau d’environ un pied de diamètre et chauffe les couchettes des hommes et toutes les parties du vaisseau. La cheminée de la fournaise est située près du côté du vaisseau sous le gréement et ne mesure que neuf pieds en hauteur. Le tuyau d’évacuation de la vapeur ne dépasse pas les trois pieds au-dessus du pont et est situé près du centre et au-dessus de la chaudière. Plusieurs autres solutions ingénieuses ont été déployées afin que tout soit aussi simple et parfait que possible. Les ponts de l’Erebus et du Terror ont été construits sur le principe de la diagonale et environ vingt pieds de chaque côté de la proue des vaisseaux ont été gainés avec des tôles de fer. Il n’y aucune tôle de cuivre sur les vaisseaux et aucun danger à craindre de la présence de crustacés ou de pouces-pieds, car la glace dégagera rapidement tout encombrement de cette nature.
Les dispositions prévues pour le confort des officiers et de l’équipage sont excellentes. La quantité de provisions à bord est considérable et consiste en conserves de toutes sortes, une grande quantité de thé, du rhum antillais extra fort, 35 pour cent d’alcool. Il y a donc assez de provisions pour une expédition qui se prolongerait. Dix bœufs vivants ont aussi été transportés au chantier de Woolwich à bord du navire de ravitaillement Barretto, Jun; il accompagnera les vaisseaux de découverte jusqu’aux premières glaces où ces animaux seront alors tués et la viande préservée le temps nécessaire.
Chaque navire a été équipé de 200 cylindres en étain dans le but d’y insérer les documents qui seront mis à la mer et sur lesquels seront notés la longitude et tout autre détail digne de mention, en six langues, ainsi qu’une requête à qui les trouveront de faire parvenir ces renseignements à l’Amirauté.
Les compas des vaisseaux ont été ajustés par le capitaine Johnson et les meilleures dispositions possibles ont été prises pour permettre aux vaisseaux de l’expédition arctique d’accomplir les tâches particulières qui leur ont été confiées.
[…]
Parmi les particularités de construction à l’extérieur des navires, mentionnons les suivantes : autour des parois extérieures des deux vaisseaux se trouve une saillie qui se projette aussi loin que les haubans, qui ceinture les chaînes et protège contre les glaces; elle est plate en surface, à l’exception des proues qui forment un angle. Là où se trouve généralement la figure de proue il y a un bloc de bois; le vaisseau est double et les étraves forment une masse de bois d’environ huit pieds d’épaisseur. La poupe est presque perpendiculaire afin de décharger le gouvernail; une planche de protection a été placée au-dessus des pavois et surplombe les côtés afin d’éviter les glaces. Le propulseur possède un moteur de 25 chevaux-vapeur qui était auparavant utilisé sur le chemin de fer de Greenwich.