Hall interviewe Innookpoozhejook à propos des tentes, des chaloupes, des corps (1879)
Ne voulant ignorer aucune mesure qui permettrait d’ajouter de nouveaux éléments aux renseignements qu’il avait obtenus à la terre du Roi-Guillaume, aux îles Todd et sur le trajet du retour, Hall a continué à poser de nombreuses questions à In-nook-poo-zhee-jook, même après la date de sa lettre à M. Grinnell. Une de ces conversations démontre que ses questions étaient formulées de façon à découvrir la vérité car il disait parfois se méfier de l’exactitude des propos de cet autochtone. Dans le tome B, transmis après son retour (tel que noté en page 339) à lady Franklin pour qu’elle en prenne connaissance, il a écrit :
Vendredi 2 juillet 1869
Entrevue avec In-nook-poo-zhee-jook; Hannah mon interprète. Environ midi.. Mes premiers mots sont à l’effet que je m’apprête à quitter ce pays pour retourner aux Etats-Unis d’Amérique; j’aimerais qu’il me donne les détails dont il se souvient à propos des hommes blancs qui sont morts il y a plusieurs années à Ki-ki-tuk, des chaloupes qu’il a trouvées sur cette île, du navire dont il m’a déjà dit qu’il avait dérivé à Ook-joo-lik, etc. J’ajoute aussi que j’aimerais qu’il soit très attentif à ne dire que ce dont il se souvient; à dire la vérité et seulement la vérité.
Question. Avec qui étais-tu lorsque tu as trouvé ces deux chaloupes?
Réponse. Le fils de son frère Oo-ar-zhoo, aujourd’hui décédé, Ook-pik, Ek-ke-pe-re-a et son propre fils, Neer-kood-loo. Le groupe comptait cinq hommes et leurs familles étaient avec eux. Ils faisaient une tournée dans le but précis de chercher ces choses qui appartenaient aux hommes blancs qui étaient morts sur la terre du Roi-Guillaume.
Question. C’était à quelle époque spécifique de l’année?
Réponse. Il pense que c’était au temps de l’année où nous revenons à ce campement de la baie, 20 juin. Il commençait à y avoir de l’eau sur la glace et l’eau arrive un peu plus tard là-bas qu’ici. Il y avait de la neige et de la glace à l’intérieur des chaloupes et tout autour.
Question. Est-ce qu’il y avait des signes d’une présence aux chaloupes depuis deux ou trois ans?
Réponse. Quelqu’un était venu à l’une d’elles parce qu’il ne restait plus rien à l’intérieur.
Question. Qu’est-ce que tu as trouvé dans l’autre chaloupe – celle que les hommes blancs (le groupe de McClintock) n’avaient pas trouvée à Ik-ke-hisuk (au détroit de Bellot)?
Réponse. Six rames; plusieurs couteaux de table à manches blancs; une montre; une lunette d’approche que son fils a en sa possession, un peu plus longue que celle de Joe – quelque chose qui ressemble à mon compas, mais sans verre; du tabac qui avait été mouillé et qui était en flocons ou en morceaux très fins; plusieurs assiettes en étain; un squelette complet portant des vêtements et avec la chair intacte, mais asséchée; plusieurs ossements; trois crânes. Le long de la chaloupe un gros tas d’ossements qui avaient été brisés pour la moelle à l’intérieur; ils étaient près d’un feu; des crânes parmi les ossements. Il y en avait ama-su-ad-loo (beaucoup) – ne peut dire combien. Il est évident que certains de ces hommes vivaient de chair humaine, car à côté de la chaloupe il y avait de grandes bottes contenant de la chair humaine cuite.
[A ce moment Hannah a dit à Hall que parmi tout ce qui avait été dit par In-nook-poo-zhee-jook et les autres Inuits rencontrés au vingt-septième campement de leur dernière expédition, elle était certaine qu’après le départ du groupe de Crozier de l’endroit où les deux chaloupes avaient été trouvées et de l’endroit de la grande tente à la baie de Terror ou près de son embouchure, les marins affamés qui étaient restés près des chaloupes ne se sont plus retenus pour satisfaire leur faim. Les Inuits ne croient pas que Crozier ou qui que ce soit avec lui ait fait usage de chair humaine.]
Hall ajoute au sujet de la chaloupe : le patin que j’ai en ma possession (qui a été déposé au Smithsonian après son retour) provient du traîneau sur lequel était cette chaloupe que l’homme blanc n’avait pas trouvée.
Question. As-tu vu des papiers avec des marques, les mêmes que je fais maintenant?
Réponse. Non; mais il en a vu beaucoup comme le papier du livre à côté de moi (Hall) (L’expédition de McClintock sur le Fox).
Question. Quelle était la taille de la tente?
Réponse. Jamais vu la tente elle-même, mais seulement l’endroit du campement; d’après les apparences, la tente devait être aussi longue que de l’endroit où il était assis jusqu’à l’extrémité la plus éloignée de la tente d’Ar-mou. (Hall a mesuré une distance de 22 pieds.) La tente était sur une butte, trow-puk (sablée), donnant sur la mer, à peu près aussi loin qu’un îlet qu’il a montré – un demi-mille. Il y avait trois tombes près du campement.
Lorsqu’on a montré la grande carte de l’Amirauté à In-nook-poo-zhee-jook, il a pointé le campement à la baie de Terror et il a dit que lorsque son groupe s’était rendu au campement, ils avaient contourné la côte par le nord et l’ouest jusqu’à ce qu’ils arrivent à la pointe la plus à l’ouest et qu’ils s’étaient ensuite tournés vers l’est où ils ont enfin trouvé la chaloupe que l’homme blanc d’Ik-ke-hi-suk (détroit de Bellot) avait trouvée avant eux. Plus loin, à environ un demi-mille (comme il le montre maintenant près de l’îlet dont il a déjà parlé) ils ont trouvé l’autre chaloupe. La distance entre les chaloupes et le campement pouvait se faire en une longue journée en suivant le rivage d’un pas vif. Lorsqu’il a trouvé les chaloupes la première fois (en 1861, tel que calculé par Hall), la glace entre le cap Crozier et l’anse de l’Amirauté était très accidentée et lourde mais l’année suivante elle était toute lisse. A partir du type de glace qu’il a vu à sa deuxième visite, il pense qu’il y a parfois une saison où un navire peut naviguer par le détroit (de Victoria). In-nook-poo-zhee-jook a ajouté qu’avant de se rendre à Ki-ki-tuk (terre du Roi-Guillaume) un Inuit neitchille avait trouvé un gros couteau sous des pierres; et il a pointé l’endroit comme étant la pointe Livingston, au sud de la baie de Latrobe.