Lettre de Franklin à John Richardson [juillet] (1845)

Iles Whale Fish

Baie de Disco

7 juillet 1845

Mon cher Richardson,

Tu seras heureux d’apprendre que nous sommes arrivés ici en avance. Nous avons mouillé le matin du 4 et avec le navire de ravitaillement à couple, nous avons rapidement commencé le déchargement. Mais nous ne savons pas si les navires, le Terror en particulier, pourront prendre tout ce qui nous a été fourni sans s’enfoncer trop profondément dans l’eau. Nous devons aussi prendre le temps de bien planifier l’entreposage dans nos espaces très limités. CROZIER et TANE (?GORE?) ont décidé de transporter autant de provisions et de combustible qu’il est possible de prendre. Le temps ne pourrait être plus clément pour les observations à terre et plusieurs équipes d’officiers travaillent aux instruments magnétiques, font les observations de latitude et longitude et repèrent les angles pour le levé des îles, si notre séjour le permet. Nous avons pris des spécimens de roches et de quelques plantes et oiseaux. M. GOODSIR a été très assidu et a déterré un grand nombre de crustacés – des acalèphes avec quelques annélides et mollusques, dont plusieurs sont rares. Il m’a aimablement fourni les dessins ci-joints de deux poissons pensant que tu aimerais en prendre connaissance. Il est en ce moment installé à une table dans ma cabine où il dessine et décrit ses animaux dès qu’il les prend. Tous, autant les officiers que les hommes, sont heureux d’en faire la collecte pour lui; en fait il est la personne généralement la plus appréciée sur le navire. Son supérieur immédiat le traite avec égards et je n'ai encore vu aucun signe de jalousie envers son assistant. J’ai l'impression que STANLEY est prêt à faire sa part pour prendre et plumer les oiseaux, les produits de l’histoire naturelle qu'il connaît probablement le mieux.

L’endroit où nous avons mouillé n’est qu’un simple poste de pêche pour les Esquimaux qui capturent les phoques pour le gouvernement danois. Il y en a environ 130 lorsqu’ils sont tous rassemblés, mais pas plus de 30 en ce moment. Ils ressemblent à ceux du détroit d’Hudson, mais plus robustes, et leurs vêtements et leur apparence témoignent du fait que leurs maîtres en prennent soin. Plusieurs d’entre eux lisent la Bible, hommes et femmes. Certains peuvent répondre à des questions simples d’arithmétique et on me dit que les enfants vont à l’école lorsque tout le monde est rassemblé; l’enseignant est un métis danois qui agit pour le ministre. On m’a montré une de leurs huttes de tourbe où des sièges et des tabourets sont placés et où on fait l’école.

Le gouverneur danois de DISCO ainsi que l’officier le plus haut gradé après lui sont absents et il paraîtrait qu’un supercargue a été laissé en charge et de qui j’ai reçu une note en réponse à celle que j’avais écrite au gouverneur dans laquelle il me fait savoir qu’il ne sait pas lire l’anglais et qu’il ne peut donc pas comprendre ma lettre. Cette réponse étant en danois j’ai dû la faire traduire par un de mes hommes. La note m’offrait toute assistance requise mais me référait au timonier de leur bateau gouvernemental pour de l’information. J’avais déjà eu de l’information de cet homme ainsi que d'une autre personne qui semblait plus informée que lui. Les deux, cependant, m’ont dit que l’hiver avait été rude, les vents les plus forts provenant de l’est. Les glaces se sont brisées à la fin avril dans la baie et les derniers comptes rendus en provenance du nord-ouest affirment qu’elles le sont aussi loin que le 74˚ ou l’île des Femmes où nos baleiniers attrapent les poissons. Ces détails permettent à ces hommes de penser que nous avons de bonnes chances de nous rendre rapidement au moins jusqu’au DÉTROIT DE LANCASTER; au-delà ils n’en savent rien. Ce qui importe en ce moment est de traverser rapidement la barrière de glace dans la baie de Baffin et nous sommes heureux de savoir que nous sommes à temps pour y arriver.

Nous devons prier le Tout-Puissant de nous guider en cela comme en chaque partie de notre trajet et, avec l’espoir de sa protection et de ses bénédictions, faire tous les efforts possibles. Le temps est remarquablement beau et même chaud sur la rive, tellement que les moustiques causent des problèmes aux membres de notre équipage qui ont la peau sensible. Ils sont d’une espèce très grosse.

M. STANLEY me prie de te rappeler à ses bons souvenirs et je suis certain que M. GOODSIR désire que je fasse la même chose pour lui, même s'il est trop timide pour en faire lui-même la demande.

Lorsque nous aurons terminé de transférer les provisions du navire de ravitaillement nous aurons à bord tout ce dont nous aurons besoin pour trois ans; ainsi si nous ne devions pas réussir même après le prochain hiver, nous pouvons, sans crainte, rester un second hiver. J’ai beaucoup réfléchi à la probabilité de l’existence d'une chaîne d’îles, si ce n’est une rive continue, qui relie la TERRE DE WOLLASTON avec celle de BANKS et si mes souvenirs sont bons tu as toujours pensé que cela règlerait l’affaire. Je ne peux pas voir comment le bœuf musqué se serait rendu autrement à l’ILE MELVILLE, car je suppose qu’il ne peut pas nager pour le faire. Ils pourraient difficilement traverser sur la glace, bien que les rennes le puissent; de toute façon ces derniers peuvent nager et peut-être traverser de larges canaux. S’il existe une chaîne d’îles dans la direction dont nous parlons je considérerai ces circonstances comme étant favorables et comme étant la meilleure perspective de nous rendre à l’ouest par les canaux qui les séparent. Je ne peux être d’accord avec SIR JOHN BARROW qui suppose qu’il y a de l’eau libre en plus de la terre. Bien sûr, j’enverrai des groupes par chaloupes et par terre pour examiner le tout et trouver des passages dans les endroits où il serait difficile de se rendre avec les navires, ce qui ne ferait qu’occasionner des retards. J’ai pris grand plaisir à relire une lettre de KRUSENSTERN reçue peu après mon retour de Russie et le départ de SIR JOHN ROSS, lettre dans laquelle il dit qu’il est certain que notre expédition réussira à trouver le passage du N.-O. si les navires peuvent arriver à n’importe quel point où nous étions sur la côte américaine. Je suis d’accord avec toi que la CRIQUE DU RÉGENT semble être la direction la plus sûre d'atteindre ce point, mais plus je réfléchis aux voyages qui ont été faits dans la crique plus je suis convaincu que JAMES ROSS et PARRY sont corrects lorsqu’ils supposent que si les navires de notre taille pénétraient même une fois parmi les îles et qu’il y avait de forts courants de fond, ils n’en sortiraient jamais. La reconnaissance de cette côte doit se faire par chaloupes. Mais une fois à l’ouest de POINT TURNAGAIN [pointe du retour] nos navires pourraient naviguer en toute sécurité. Si les obstacles nous empêchaient de forcer le passage entre les parallèles des terres de BANKS et WOLLASTON, nous devrons tenter de passer par les canaux WELLINGTON ou d’autres canaux au nord, mais je ne peux trouver aucune bonne raison pour (supposer que) nous y trouverons de l’eau libre comme le dit Barrow.

Je m’en remets à ton amabilité pour rassurer mes chères Jane et Eleanor autant que possible à propos des difficultés que nous pourrions rencontrer et spécialement s’il s’avérait que nous devions prolonger notre séjour au-delà du temps qu’elles se seraient fixées pour notre retour. Ta propre expérience te fournira plusieurs raisons pour notre retard, raisons qui seront compatibles avec le fait que nous serons parfaitement en sécurité et en santé. J’ai une excellente équipe d’officiers et d’hommes qui se sont embarqués dans cette cause avec grand courage. Ce sera à moi de trouver la façon de les garder unis et heureux et de les encourager à la tâche pendant qu’ils y mettent tous leurs efforts – et de remettre à Dieu la question de leur sécurité.

J’espère mon cher Richardson que tes chers enfants sont une grande source de réconfort. Une des conséquences les plus difficiles de mon absence est d’être loin de toi et d’eux et incapable de t’assurer par ma présence et mon aide que je compatis avec vous tous. Je prierai souvent pour que Dieu vous bénisse et vous préserve et pour que, en temps voulu par Dieu, je puisse avoir la permission de revenir et de jouir de votre présence. Témoigne toute mon affection aux enfants et je te prie de croire que je demeure ton plus _____

* ______

Je pense que le lt Farhome a l’intention de ______ [sic]

*[Note – les blancs sont dus au fait que les signatures ont été coupées de la lettre.]

Illustrations des sources (5)

À propos de ce document

  • Auteur: Sir John Franklin
  • Destinataire: John Richardson
  • Archive: Scott Polar Research Institute
  • Collection: GB 15 Sir John Franklin/Correspondence
  • Numéro de référence: MS 248/314
  • Date: 7 juillet 1845
  • Page(s): 1-5
  • Notes: Des îles Whale Fish. Discussion sur les perspectives d’avenir et les plans pour le voyage du HMS Erebus et du HMS Terror
    Transcription (non datée) par un écrivain inconnu de la lettre écrite par Franklin.
Sunken ship