L’opinion de John Franklin au comte de Haddington [à propos de l’expédition arctique] (1845)
21 Bedford Place Russell Square
24 janvier 1845
Monsieur le Comte
Conformément aux ordres de Votre Seigneurie, je m’empresse de répondre par écrit aux questions que Votre Seigneurie m’a fait l’honneur de me poser ce matin.
1o La question de savoir si je pense que l’idée d’un passage du NO devrait être de nouveau envisagée; question à laquelle je n’hésite aucunement à répondre par l’affirmative pour les raisons suivantes.
Les découvertes de Parry & Ross ont délimité les recherches pour le passage aux deux endroits les plus éloignés, c.-à-d. cet espace que Parry définit entre le cap Walker et la terre de Banks, là où je recommanderais le premier essai; et dans le cas où le passage ne pourrait se faire dans cette direction, alors au nord par le canal Wellington.
Les navires commandés par ces officiers n’ont pas bénéficié de la vapeur et il va sans dire que les avantages à retirer d’une telle énergie sont incalculables. Ayant indiqué aujourd’hui à Votre Seigneurie certains de ces bénéfices, je ne m’étendrai pas plus loin sur la question sauf pour dire qu’il est selon moi indispensable de fournir la vapeur aux navires. Il est aussi satisfaisant de savoir qu’elle peut être appliquée aux navires sans détruire leur capacité de stocker les provisions requises.
Si l’expédition proposée ne réussissait malheureusement pas à trouver le passage, elle contribuera à nos connaissances géographiques; et elle ne peut manquer de faire des ajouts importants aux observations du magnétisme terrestre qui sont menées en ce moment dans toutes les parties du monde.
Je concède que les plus gros obstacles dus à la glace se trouveront probablement entre le 95e et le 125e degré de longitude; une fois passé ce dernier méridien, je penserais trouver la glace moins épaisse et telle qu’on pourrait y pénétrer avec une relative facilité. Nous ne connaissons pas d’îles au nord, à l’ouest de 120°.
Si quelqu’un demandait de ces expéditions arctiques, quels étaient leurs buts? J’aimerais qu’ils comparent la carte de la région et de la côte septentrionale de l’Amérique aujourd’hui en notre possession avec celle de 1818 au moment où ont débuté les expéditions. Ils ne trouveront dans cette dernière que trois points sur la côte de l’Amérique et rien au nord. On ne peut tout de même pas nier qu’un si grand ajout à la géographie des parties septentrionales de l’Amérique et des régions arctiques est en soi un objectif digne de tous les efforts qui ont été faits au cours des expéditions précédentes.
Je demeure,
monsieur le Comte,
le serviteur dévoué
de Votre Seigneurie
John Franklin
Capitaine, RN