Lettre de sir John Franklin à lady Jane Franklin (1845)
40 rue Lower Brook
>2 avril 1845.
Mon très cher amour
Je rentre à l’instant des bureaux de ravitaillement à Woolwich & à Deptford, ce dernier étant l’endroit d’où sont expédiées toutes nos provisions. Crozier et le commissaire de bord m’ont accompagné et les dernières dispositions ont été prises pour faire transporter une partie du matériel commandé précédemment pour entreposage dans les navires.
Le gréement des navires progresse rapidement, étant la seule partie dont ils peuvent s’occuper tant que les charpentiers sont à l’œuvre. Parry rappelle quotidiennement aux ingénieurs les promesses qu’ils ont faites.
Cette grippe, M. Plucket ayant admis hier que c’en était bien une, m’a affaibli bien que je me sente beaucoup mieux et que je retrouve mes forces et que ma toux soit beaucoup mieux. Cependant j’ai pensé qu’il valait mieux prendre un carrosse [Fly from Town] afin de ne pas m’exposer aux courants d’air dans les wagons vapeurs ou les bateaux. Je savais aussi que je devrais amener Crozier et le commissaire de bord à Deptford. Ce déplacement m’a empêché de me reposer et de rester au calme.
Lady Ross s’est rendue voir les navires hier avec Crozier, Ross étant lui-même parti à la recherche d’une résidence dans le Warwickshire. J’aurais rendu visite à lady Ross aujourd’hui si je n’avais pas dû me rendre à Deptford.
J’ai vu M. Grant qui supervise la fabrication de notre pemmican au chantier de Clarence. Il m’a causé beaucoup de chagrin en me disant que lorsqu’il a quitté Eastport hier, les médecins étaient très inquiets de l’état de la pauvre Mary Richardson. Elle s’était remise de ses couches, mais par la suite des frissons et la fièvre l’ont menée au bord de la tombe. Je crains que Richardson soit épuisé par les heures passées auprès d’elle et qu’il soit écrasé par la douleur, j’ai peur de lui écrire. M. Graves était d’avis que je ne devrais pas.
Je vous en prie, arrivez le jour qui vous conviendra. Je serai très heureux de vous voir l’un ou l’autre jour, mais, si vous partez vendredi, je vous supplie de ne pas vous fatiguer ou vous épuiser ou de ne pas arriver trop tard pour faire parvenir vos requêtes à lady Haddington avant de vous y rendre.
Je considère cette visite d’une grande importance pour vous et moi. Je suis certain que vous y rencontrerez plusieurs ministres et peut-être lord Stanley et M. Hope qui pourraient vous voir, bien que j’espère, j’en ai même bon espoir, que l’un et l’autre sembleront ignorer notre présence.
La cloche du postier a sonné quelques fois. Eleanor a pris un carrosse pour se rendre aux bains de la rue Great Coram et bien sûr William l’y a accompagnée.
Je vais m’efforcer d’arriver ce soir, mais si je ne réussis pas, n’y voyez pas négligence de ma part si ma lettre n’arrive pas à Brighton avant le train du matin.
Je demeure très affectueusement vôtre
John Franklin