Lettre de sir John Franklin à Isabella Cracroft [juillet] ( 11 juillet 1845 )

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Baie de Disco

11 juillet 1845

Ma très chère Isabella,

J’ai été très heureux d’apprendre dans les lettres qui m’attendaient à Stromness que M. Lacy et ses chers enfants étaient arrivés en Angleterre. J’espère qu’ils se sont très rapidement retrouvés sous ton toit. Cela m’aurait fait grand plaisir de les rencontrer et je te prie de croire que M. Lacy et ses enfants n’auraient reçu d’aucun membre de notre famille un accueil aussi chaleureux que celui que je leur réservais. Les rencontrer fait maintenant partie des plaisirs que j’anticipe. Je te prie de lui présenter ainsi qu’à ses enfants mes salutations affectueuses.

Ceci est la première étape de notre voyage et c’est un mouillage de courte durée qui fait qu’il nous fut facile de décharger le navire de ravitaillement et que nous sommes remplis de provisions pour les trois prochaines années. Les comptes rendus que nous avons reçus sur l’état des glaces au nord sont favorables jusqu’au détroit de Lancaster; les renseignements de mon informateur ne se rendent pas au-delà. Il est cependant gratifiant d’entendre une telle opinion émise jusqu’à ce point et nous espérons que dans quelques jours nous serons assez avancés pour les tester nous-mêmes.

Le navire de ravitaillement part pour l’Angleterre demain et j’ai écrit à toutes mes sœurs et plusieurs lettres à mes amis. Tous seront heureux de constater que j’ai toutes les raisons d’être satisfait de mes officiers et de l’équipage. Ils démontrent diligence, ardeur, espoir et fougue pour la cause, prêts à bien travailler et avec énergie. Un sentiment parfait d’unanimité et d’harmonie existe entre les officiers et les équipages des navires. Crozier et moi poursuivons notre amitié, c’est un homme au grand cœur et le meilleur second que j’aurais pu avoir. Pas une fois il n’a mentionné le nom de Sophy devant moi et je n’ai pas pensé qu’il était approprié d’en parler dans ma conversation. Je n’hésiterai pas cependant à le faire s’il m’en donne l’occasion. Nous soupons souvent ensemble, mais pour le moment nous avons tous les deux trop à faire pour parler de sujets qui ne sont pas reliés au travail.

Nous avons eu une traversée assez favorable jusqu’ici, bien qu’en traversant l’Atlantique, nous ayons été menés par le vent jusqu’à 70 milles de l’Islande et nous avions l’espoir de voir le mont Hecla mais avons été déçus dans nos attentes.

A partir du moment où nous avons contourné le cap Farewell nous avons eu la terre du Groenland sous les yeux; nous en restions à environ 30 à 40 milles au large. La neige a disparu des ports des basses terres mais il en reste dans celles du haut. Le paysage est pittoresque. Les Danois ont plusieurs postes missionnaires chez les Esquimaux de cette côte et j’aurais aimé m’y rendre. Je pense qu’ils sont principalement sous la responsabilité de ministres moraves, les meilleurs selon moi pour atteindre de tels objectifs chez les aborigènes non civilisés. Ils ont obtenu de remarquables succès avec les Esquimaux de la côte du Labrador. Il y a quelques Esquimaux dans les environs sous le gouv. danois et les ministres. Ils chassent les phoques pour l’huile et les peaux qui sont vendues au gouv.

A en juger par les apparences de leurs hommes et femmes je dirais qu’ils ont de bonnes manières, ils sont certainement plus propres et mieux vêtus que tous les autres Esquimaux que j’ai déjà vus et on me dit que plusieurs sont capables de lire leurs bibles. Les enfants vont à l’école tous les jours et j’ai vu une hutte utilisée dans ce but.

Ne t’inquiètes pas trop si nous ne revenons pas au moment où tu t’y attends. Continue à prier pour nous et je ferai de même pour toi et les tiens. Fais mes salutations les plus affectueuses à tous ceux qui t’aident. Je demeure affectueusement

John Franklin

Illustrations des sources (4)

À propos de ce document

  • Auteur: Sir John Franklin
  • Destinataire: Isabella Cracroft
  • Archive: Scott Polar Research Institute
  • Collection: GB 15 Sir John Franklin/Correspondence
  • Numéro de référence: MS 248/298/18-20
  • Date: 11 juillet 1845
  • Page(s): 1-4
  • Notes: Franklin fait part à sa sœur du ravitaillement de l’expédition, de la traversée de l’Atlantique et des rapports favorables qu’il a reçus sur l’état des glaces aussi loin que le détroit de Lancaster et de sa confiance dans les membres de son équipage, spécialement Francis Crozier
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