Francis Crozier lettre á John Henderson (1845)

La position américaine et européenne

Les États-Unis et l’Union européenne soutiennent, à l’inverse des revendications canadiennes, que le passage du Nord-Ouest est un détroit international. Les Américains en particulier n’acceptent pas l’argument selon lequel la couverture de la glace fait une différence dans la définition légale internationale d’un détroit international. Les Américains ont toujours soutenu que le jugement de la Cour internationale de justice dans l’affaire du détroit de Corfu s’applique au passage du Nord-Ouest. Dans ce cas, la Cour avait décidé qu’un détroit international est un plan d’eau qui joint deux plans d’eau internationaux et qui a été utilisé pour le transport maritime international. Les États-Unis soutiennent que le passage du Nord-Ouest relie deux plans d’eau internationaux et qu’il a été utilisé pour le transport maritime international, même si ce n’est que pour un très petit nombre de transits.

Les États-Unis ont de tout temps présenté le plus grand défi aux revendications canadiennes en matière de souveraineté. En 1969 et en 1970, au nom de Humble Oil, le Manhattan a transité par le passage du Nord-Ouest sans demander la permission au Gouvernement du Canada. Le Manhattan était un superpétrolier renforcé pour la navigation dans les glaces qui ne pouvait transiter par le passage du Nord-Ouest qu’avec l’assistance de brise-glaces, mais même avec cette assistance les conditions de la glace ont rendu le voyage difficile et coûteux. En 1985, le brise-glace américain Polar Sea a traversé le passage sans la permission du gouvernement canadien. Bien que ce voyage n’ait pas été mis sur pied pour défier les revendications canadiennes en matière de souveraineté, il a donné lieu à un important différend diplomatique. Cependant, afin de maintenir les bonnes relations canado-américaines, une entente fut conclue quant aux transits futurs par des brise-glaces américains. En 1988, l’Accord canado-américain de coopération dans l’Arctique prévoyait que les États-Unis demandent le consentement des Canadiens pour tout futur transit de brise-glaces du gouvernement américain dans le passage. Les deux gouvernements ont toutefois admis leur divergence d’opinion sur le statut actuel du passage. Lorsque l’Accord a été conclu, les États-Unis ne possédaient que deux brise-glaces pouvant traverser le passage. Depuis, les Américains ont bâti un autre brise-glace qui, en 2000, a invoqué l’Accord pour transiter par le passage…

Conclusion

Les changements climatiques provoqueront-ils la fonte des glaces dans le passage du Nord-Ouest à certaines périodes de l’année? Le transport maritime international tentera-il alors de prendre avantage de conditions plus douces? Le statut du Canada sur le passage sera-t-il contesté? Le Canada sera-t-il prêt? Les preuves en réponse à la première question s’accumulent. Une question demeure : quelle sera la vitesse des changements et à quel moment le passage deviendra-t-il économiquement viable pour le transport maritime. Il est certain que les transporteurs maritimes internationaux voudront en profiter si cela se produit et au moment où cela se produira. À ce moment, le Canada peut s’attendre à être contesté et, étant donné le peu d’activités canadiennes dans la région en ce moment, il est fort probable que la position canadienne ne soit pas couronnée de succès. Mais même si le Canada maintient ses revendications en matière de souveraineté, il y aura de la pression pour permettre le transport maritime international. Quelle que soit la nature du statut international, il est évident que le Canada aura des défis considérables à surmonter pour s’adapter à l’ouverture du passage. Un des défis que le Canada doit surmonter dès aujourd’hui est de prendre conscience de ces possibilités et de commencer à agir pour s’y préparer.

Illustrations des sources (4)

À propos de ce document

  • Auteur: Francis Crozier
  • Destinataire: John Henderson
  • Archive: National Maritime Museum
  • Collection: AGC/C/5 Francis Crozier/Correspondence
  • Numéro de référence: MS 248/298/18-20
  • Date: 4 juillet 1845
  • Page(s): 1-4
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