Le passage du Nord-Ouest et les plans pour retrouver sir John Franklin (1858)

CHAPITRE XVI.

20 juillet 1855. Le Comité restreint qui avait été nommé par la Chambre des communes, sur une motion de M. Mackinnon (19 juin), dans le but d’enquêter sur les circonstances de l’expédition dans les mers arctiques sous le commandement du cap. M‘Clure afin d’établir si une récompense lui était due pour les services rendus à cette occasion ainsi que la nature de cette récompense et, de plus, pour étudier les revendications des cap. Collinson et Kellett afin d’établir si une récompense leur était due pour les services rendus lors de cette expédition ainsi que la nature de cette récompense, ce Comité a maintenant fait son Rapport. Il y est écrit : “La tentative pour découvrir une voie navigable à travers les régions arctiques entre les océans Pacifique et Atlantique en est une qui a captivé l’attention des nations maritimes, spécialement la Grande-Bretagne, pendant plus de trois siècles. Ce fut la tâche du cap. M‘Clure, de ses officiers et de son équipage de régler cette question. Ils sont sans l’ombre d’un doute les premiers à avoir navigué d’une mer à une autre et à être rentrés au pays, une preuve vivante de l’existence d’un passage du Nord-Ouest.” Le Rapport, faisant ensuite allusion aux “Récompenses offertes par le Parlement pour la découverte du passage du Nord-Ouest”, ajoute ce commentaire : “Des souverains ont successivement encouragé cette entreprise et les hommes de science ont, pendant des générations, insisté pour que cela se fasse.” Le rapport détaille ensuite le trajet de l’Investigator jusqu’à la baie Mercy, l’arrivée du lieutenant Pim du Resolute, l’abandon de l’Investigator, l’arrivée subséquente du cap. M‘Clure, de ses officiers et de son équipage à bord du Resolute du cap. Henry Kellett à l’île Melville et finalement leur arrivée en Angleterre à bord du Phoenix du cap. Inglefield, prouvant “hors de tout doute, que c’est au cap. M‘Clure que revient incontestablement l’honneur et la distinction d’avoir été le premier à avoir navigué le passage… entre les deux grands océans qui encerclent le globe … Ses actions lui ont permis de démontrer l’existence d’un lien entre ces deux océans et il en a tracé la route qui, sous le nom de passage du Nord-Ouest, faisait depuis si longtemps l’objet de recherches périlleuses et était d’un grand intérêt pour les nations du monde civilisé.” En faisant les prochains commentaires, nous ne désirons aucunement retirer au cap. M‘Clure l’honneur d’avoir été le premier à naviguer d’une mer à une autre et à en être revenu, preuve vivante de l’existence du passage; pourtant nous cherchons encore à savoir s’il a été le premier à découvrir ce passage et à en prouver l’existence. Nous devons en douter lorsque nous constatons si clairement les trajets empruntés par Franklin et ses associés, mis en lumière par les fragments flottants mentionnés par Rae et Collinson et encore plus par les reliques indéniables récupérées par Rae. Ces martyrs de la science ne sont malheureusement pas revenus réclamer l’honneur qui leur est dû, mais qu’ils aient été les premiers à découvrir le passage du Nord-Ouest et à le traverser, nous pensons que peu en douteront, spécialement lorsqu’ils voient des experts comme sir E. I. Murchison, feu l’amiral Beaufort, l’hydrographe et cap. John Washington, le cap. Collinson et d’autres plaider la cause de “ceux qui ne peuvent rien réclamer pour eux-mêmes”. Nous ne sommes donc pas les seuls à partager cette opinion. Dans le Times du 23 juin 1855, sir John Richardson, la plus grande référence sur l’Arctique, a écrit : “Les derniers membres des équipages des navires de Franklin ont traversé le passage au printemps de 1850 exactement de la même manière, c’est-à-dire en voyageant sur la glace, que le groupe parti du détroit du Prince-de-Galles et envoyé par le capitaine M‘Clure en octobre de la même année.” Que “la chaloupe tirée par 40 hommes déterminés, dont les os blanchissent près de l’embouchure de la rivière à poissons [rivière Back], provenait des navires ou de leurs épaves qui gisaient dans une voie navigable reliée à la mer qui baigne le continent … est prouvé par les fragments d’équipements qui ont été poussés vers les îles Finlayson, au large de la baie de Cambridge, et qui y ont été ramassés par le capitaine Collinson; et aussi un espar, auquel on peut dorénavant attribuer la même origine, trouvé par le Dr. Rae l’année précédente dans le même canal.”

Sir John donne ensuite des extraits d’une lettre qu’il a reçue de sir John Franklin en janvier 1845 “pour démontrer qu’il recherchait activement une entrée dans la ligne d’eau qui baigne les rives du continent (l’Amérique)” et il ajoute “[q]ue Franklin, après son départ de l’île Beechey, ait dirigé ses navires vers l’est ou l’ouest du cap Walker sera peut-être établi par M. Anderson qui en ce moment, je l’espère, descend la grande rivière à poissons [rivière Back] …; cependant je pense que toute personne impartiale ne peut douter du fait que la priorité de la découverte appartienne à l’Erebus et au Terror, l’Investigator étant arrivé au moins six mois plus tard.” Lady Franklin revendique aussi pour son valeureux époux et ses associés la découverte et la traversée du passage du Nord-Ouest. Dans une lettre envoyée à M. Mackinnon (6 juillet 1855), le président du Comité, elle dit : “Lorsqu’on se souviendra que, après des années de privations et de souffrances intenses, ces braves malheureux furent trouvés morts de faim à un endroit qu’ils n’auraient pu atteindre sans avoir d’abord résolu le problème géographique qui était l’objet et le but de tous ces efforts, et lorsqu’on se souviendra qu’ils ne peuvent plus recevoir les récompenses de leur pays, je ne pense pas que vous refuserez de reconnaître ce qui appartient à leur mémoire… Le cap. M‘Clure … ne demeure pas moins le découvreur du passage du Nord-Ouest parce que mon époux avait auparavant découvert un autre passage plus navigable, bien que le cap. M‘Clure l’ignorait.” Le fait d’avoir trouvé des fragments d’équipements portant la marque du gouvernement dérivant dans les baies Parker et Cambridge sur la plus grande île Finlayson et le fait tout aussi important de la présence d’une chaloupe dans laquelle se trouvaient les malheureux qui auraient péri à l’embouchure de la rivière Back, ces faits prouvent tous l’existence d’eau libre qui se dirige vers la côte américaine; elle existe peut-être des deux côtés, mais nous avons démontré l’improbabilité à l’est du cap Walker par le détroit de Peel et en cela nous ne sommes pas d’accord avec les autorités que nous avons citées; ils pensent tous que les navires, ou qu’un ou des groupes, seraient descendus par ce détroit; nous ne pouvons le croire. Le seul autre passage est le détroit de Bellot et il est étroit, improbable et invraisemblable. Nous n’avons aucune autre option, donc, que de présumer qu’ils seraient passés par un canal provenant de l’ouest et communiquant entre le détroit de Melville et le nord de la terre du Roi-Guillaume; canal dont nous avons prouvé l’existence. Il serait présomptueux de notre part d’affirmer que les navires ont descendu ce détroit dans un espace inconnu et y ont fait naufrage. C’est peut-être le cas; mais si ce l’était, nous pensons qu’il y aurait des preuves plus solides telles qu’une grande quantité de reliques flottantes. Nous ne pensons pas que les navires l’aient descendu et, conséquemment, qu’ils aient fait naufrage au nord de la terre du Roi-Guillaume, mais nous sommes presque certains que ce fut le cas de la chaloupe et de son groupe. Quoi qu’il en soit, le passage du Nord-Ouest a été traversé par Franklin. En ce qui concerne la question de l’époque : ce groupe aurait été vu au nord de la terre du Roi-Guillaume en avril 1850; en mai, ils étaient à la rivière Back; ils doivent donc, en conséquence, avoir traversé le passage à ce moment. Le cap. M‘Clure n’a pas découvert le passage avant le 26 octobre 1850 et ne l’a pas traversé avant le 28 avril 1852, date à laquelle il est arrivé à l’île Melville. Comme on ne pouvait pas dire qu’il l’a traversé jusqu’à ce qu’il arrive à cette île, le mérite de la réalisation du grand objectif de ce voyage, la solution à la question d’un passage du Nord-Ouest appartient donc, sans l’ombre d’un doute, à sir John Franklin et à ses valeureux officiers et équipages.

En ce qui concerne les récompenses, nous pensons que le cap. M‘Clure a mérité à juste titre tous les honneurs et toutes les récompenses qu’il a obtenus, et qu’il y a droit; mais en ce qui concerne les capitaines Kellett et Collinson, nous pensons que leurs services n’ont pas été reconnus adéquatement. Nous avons déjà fait allusion à l’importance de l’assistance apportée par l’ancien officier du cap. M‘Clure lors d’une crise qui, à cause du manque de nourriture, de la maladie et du découragement, s’était transformée en une situation décrite comme étant déplorable. Certains parmi les plus robustes de son équipage auraient pu sauver leurs vies, mais il y avait peu de chances que le reste des hommes réussissent à se rendre là où ils auraient pu recevoir du secours. Le capitaine Kellett les a aidés à passer au travers de toutes les difficultés et, grâce à la Providence, les a ramenés sains, saufs et heureux à leur famille; et, de plus, cet officier efficace avait servi honorablement de nombreuses années dans les régions arctiques. Quant au cap. Collinson, il avait le commandement de l’expédition à laquelle était attaché l’Investigator du cap. M‘Clure. Cela faisait aussi trois ans qu’il était dans les glaces et il avait aussi découvert le passage; en fait, il l’avait traversé quelque vingt jours après cet officier et en conséquence nous pensons qu’il aurait dû recevoir une récompense. De plus, le cap. Collinson, voyant que son second le devançait, a choisi un autre trajet pour faire ses recherches, un trajet encore inexploré; il a navigué plus à l’est que personne ne l’avait fait avant lui, empruntant des passages complexes, là où aucune quille n’était passée avant lui, et il a ramené son navire et son équipage sain et sauf à la maison. En examinant les mérites de ces deux brillants officiers, nous pensons qu’ils n’ont pas reçu la reconnaissance qui leur était due. Le travail qu’ils ont accompli était ardu et ils l’ont fait dans un esprit de noblesse et de chevalerie. Que nous considérions ce travail comme une cause sacrée de l’humanité ou une réponse à la Grande Question léguée par nos ancêtres, il requérait l’expertise et l’expérience qui viennent avec les plus grandes conquêtes, une grande capacité de réflexion, de la compassion et de grands sacrifices personnels et, en conséquence, il devrait avoir suscité des honneurs et des récompenses spéciales. Les capitaines Kellett et Collinson ont certainement connu des jours sombres! Mais tout cela est terminé. Franklin a peut-être péri, mais on peut dire presque littéralement, quel que soit le mérite dû aux autres, “que c’était son âme qui a montré la voie … par laquelle la solution à cet ancien problème a finalement été trouvée, … et qu’un autre rayon a été ajouté à la gloire maritime de l’Empire britannique”. Si nous avions été le Comité, observant la grande influence qu’il exerçait sur la nation et les avantages obtenus grâce à cette question purement britannique, nous aurions recommandé que trois personnes au lieu d’une seule soient sacrées chevalier et que 30,000 soient accordées au lieu du parcimonieux 10,000. Nous sommes heureux de voir que sir R. I. Murchison se pose en champion afin qu’une médaille soit accordée à chaque homme ayant servi dans les expéditions de recherche en Arctique, quels que soient le rang et le pays. En cela, ses sentiments sont identiques aux désirs du capitaine Kellett.

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