Entretien avec Tommy Angattitauraq, par Dorothy Eber [à propos du récit de Nicolas Pijutinuaq] (2002)
... Il en a invité quelques-uns à l’intérieur et les femmes inuites ont voulu leur donner de la viande de phoque cuite et de l’eau. Ils l’ont bue et ensuite ils ont tenté de leur donner de la viande de phoque. Ils en prenaient un morceau, quelques-uns ont avalé. Certains ne voulaient pas avaler. Ils l’ont craché. Et puis ils leur ont donné de la soupe. Ils en ont bu un petit peu et certains l’avalaient et la recrachaient et ne voulaient plus en prendre. Et avant le retour des hommes il y a eu des kablunas [hommes blancs] dans un des iglous, le plus grand iglou. Le vieil homme lui-même et les femmes les ont amenés à un iglou et ont tenté de leur expliquer qui était venu dans leur campement. Et les hommes sont allés dans un iglou en premier puis ont décidé d’aller les voir.
[...]
Ces kablunas avaient très peur de voir ces hommes entrer, mais ils n’ont même pas pris la peine de faire du mal à personne. Les hommes ont encore essayé de les nourrir avec de la viande cuite, mais ils ont fait la même chose – mangé un peu puis tout recraché et puis ils ont commencé à dire que dans certains endroits la plupart des Inuits mangeaient du phoque cru.
[...]
Cette nuit-là, un Inuit a bâti un iglou pour ces hommes blancs puis ils se sont réunis et ont commencé à se parler. Nous avons entendu que les Indiens tueraient les blancs. Nous avons aussi entendu que les kablunas tuaient des Inuits parfois, on est mieux de partir avant qu’ils ne se réveillent. Ils étaient endormis. Ils se sont décidés cette nuit-là, ils ont ramassé toutes leurs affaires et sont partis vers l’ouest/sud-ouest et ils n’ont plus jamais rencontré ces kablunas, mais quelques Inuits ont dû laisser des choses derrière parce qu’ils étaient très pressés de partir. Deux ou trois ont décidé de retourner à leur campement quelques mois plus tard, en tout cas plus tard cet hiver-là, pour aller chercher leurs affaires et ils ont vu quatre corps dans cet iglou. La viande de phoque n’avait jamais été touchée, mais deux de ces hommes avaient été mangés en partie. Mais ces deux [les autres] n’avaient jamais été mangés. Ils devaient être les derniers survivants. Puis ils ont juste quitté l’iglou et sont repartis. Ils n’ont pas pris la viande de phoque même si elle était importante pour eux parce que c’était un cadeau à l’esprit et qu’ils étaient morts maintenant. Il ne faut jamais prendre quoi que ce soit d’une tombe. Alors ils sont partis et n’ont jamais entendu parler d’eux par la suite.
[...]
[Cela était] près de la baie Terror.
Récit de Nicolas Pijutinuaq.
Nicolas provenait de la région du bassin de Sherman [sur la péninsule Adelaide]. Il avait entendu cette histoire de ses parents ou de son oncle.