QUEL MEURTRE HORRIBLE!
[...] RÉCIT DES DÉSORDRES.
L’histoire de la famille Donnelly, les victimes des terribles atrocités rapportées ci-après, est telle qu’il faudrait pour la narrer plus d’espace qu’un quotidien ne peut en offrir. À tort ou à raison, ce nom a été associé à d’innombrables crimes dans le canton de Biddulph et dans le village de Lucan depuis les vingt dernières années, qu’il s’agisse de meurtre, d’incendie criminel, d’agression armée, de vol de bétail, de voies de fait ou de larcin, en plus de nombreux autres méfaits de nature moins odieuse. L’aîné James Donnelly et son épouse sont venus dans ce pays il y a trente ou quarante ans, et se sont établis sur le lot 18, dans la 6e concession de Biddulph, qui à cette époque faisait partie du comté de Huron. Peu après avoir pris possession des cinquante acres du lot en question, le père, sûrement dans l’intention de procurer un toit à sa famille grandissante, a occupé cinquante acres de plus sur la 11e concession du même canton mais, après un long et pénible procès, sa demande de terrain a été jugée non valable et il a été exproprié par la Canada Company, et le lot a ensuite été mis en la possession de M. Jas. Carswell. Ce gentleman s’y est établi, a construit une bonne maison et des dépendances mais une nuit, peu après la récolte, les granges et le grenier, ainsi que toute la récolte de la saison, ont été détruits par un incendie. Ce crime a été imputé aux Donnelly mais les auteurs, malgré une généreuse récompense offerte par le gouvernement, n’ont jamais été démasqués. Quelque temps après, plusieurs chevaux et bovins de M. Carswell ont été étripés durant la nuit, et la responsabilité en a encore été rejetée sur la famille [...].
La famille comptait sept fils et une fille et parmi les fils, Michael et James sont morts, le premier tué dans une querelle à Waterfords il y a quelques mois. On dit que James serait mort de consomption, mais ceux qui étaient bien placés pour le savoir affirment qu’il est mort des effets d’une balle de pistolet, alors qu’il tentait d’échapper à un constable il y a quelques années. Robert, un autre fils a été tout récemment relâché après avoir purgé sa peine au pénitencier pour avoir attenté à la vie du constable Everett, une nuit au moment où ce dernier s’apprêtait à rentrer chez lui. William a été reconnu coupable en 1875 d’avoir agressé et blessé le constable Reid, de Lucan, pendant l’exercice de ses fonctions. Il (William) a été condamné à neuf mois d’emprisonnement pour l’infraction, mais grâce à l’intervention de son avocat, il a été relâché avant de purger toute sa peine, en alléguant la maladie. John, Thomas et James ont été mis en accusation lors des sessions de 1876 pour larcin, voies de fait et tentative d’incendie criminel, mais leurs causes ont été renvoyées aux assises. Entre-temps, les témoins se sont volatilisés, et les accusés se sont ensuite portés garants d’eux-mêmes quand ils ont été cités à comparaître. Patrick est en ce moment maréchal-ferrant près de New York, et les autres fils sont restés à la maison sur la ferme. Michael, Thomas et Robert ont conduit des diligences pendant plusieurs années entre London, Lucan et Exeter, mais ont fini par abandonner. Ils ne pouvaient accepter la compétition et celui qui avait assez de courage pour croiser leur chemin pendant qu’ils travaillaient perdait tôt ou tard ses diligences, ses chevaux ou son équipement. À deux ou trois reprises, des diligences rivales ont été détruites par des incendies; une fois, un attelage de chevaux a été la cible d’horribles cruautés et une autre fois, les queues des pauvres bêtes ont été coupées et leurs corps monstrueusement brutalisés. Toute querelle dans laquelle l’un d’eux était impliqué devenait une affaire de famille pour tous les membres, qui assouvissaient leur vengeance sur leurs adversaires de la façon la plus sommaire et à la manière du Ku-Klux.
[...] Les Donnelly ont été à couteaux tirés avec les Carroll, Keefe, Ryder, Kennedy et plusieurs autres de leurs très respectables voisins pendant des années, et très peu de compassion leur aura été exprimée quand le malheur les a frappés.